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L’avenir de Renault-Nissan suspendu à l’Etat et à Ghosn

Le conseil d’administration du constructeur français se réunit vendredi. Tour d’horizon des trois questions clefs du moment.

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Mis sous pression par l’Etat, Carlos Ghosn a le soutien de son conseil d’administration

Par Maxime Amiot

Publié le 5 nov. 2015 à 20:16

C’est un conseil extraordinaire sous haute tension qui se réunit ce vendredi chez Renault. L’objectif : tenter de trouver une issue au conflit qui met aux prises l’Etat français à Carlos Ghosn et à Nissan. Le torchon brûle depuis avril, date à laquelle le gouvernement s’est renforcé au capital de Renault pour s’assurer de l’octroi de droits de vote double et peser davantage. Une opération qui, selon Carlos Ghosn, déséquilibre l’Alliance au détriment de Nissan, autre actionnaire principal de Renault, mais sans droit de vote.

Dans une démarche très inhabituelle, les 10 administrateurs indépendants de Renault ont publiquement marqué jeudi leur soutien à Carlos Ghosn, jugeant que l’octroi de droits de vote double était de « nature à déstabiliser » l’Alliance. Si certains espèrent que l’Etat et Nissan trouveront vendredi une amorce de sortie de crise, d’autres n’excluent pas un renforcement des tensions. Un conseil est prévu le 12 décembre. Tour d’horizon des trois questions clefs du moment.

. Un état patron ou pyromane ?

L’Etat se serait-il reconverti en banquier d’affaires ? La semaine dernière, Emmanuel Macron indiquait aux « Echos » être prêt à « définir les modalités d’un rapprochement » entre Renault et Nissan. Et mercredi, les représentants de l’Agence des participations de l’Etat sont allés plus loin lors d’une rencontre avec Hiroto Saikawa, le numéro deux de Nissan, à qui ils ont soumis l’idée lors d’une rencontre bilatérale. Cela fait quelque temps que les têtes pensantes de Bercy jugent que le meilleur moyen de garantir l’avenir de Renault – un petit constructeur à 2,6 millions de voitures – est de l’arrimer définitivement à Nissan en visant à terme une fusion, qui comprendrait des engagements sociaux pour la France – usines, R & D, siège social... « L’épisode actuel le montre, la gouvernance de l’Alliance n’est plus adaptée », juge un acteur du dossier. L’Etat juge en outre que le système actuel rend l’Alliance dépendante d’un seul homme, Carlos Ghosn, à la fois patron de Renault et de Nissan, qui s’est rendu incontournable pour diriger les deux groupes. La disparition brutale de l’ex-patron de Total, Christophe de Margerie, l’an dernier en Russie, a marqué les esprits. Que se passerait-il dans un cas similaire ?

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C’est aussi pour cela qu’Emmanuel Macron n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat et exclut tout rééquilibrage au profit de Nissan. Quitte à durcir le ton et à utiliser au maximum ses 19,7 % de capital. « Carlos Ghosn est PDG, pas actionnaire », martelait le ministre la semaine dernière, pointant des « agendas cachés » et des « conflits d’intérêts ». En cas de résistance trop aiguë, le ministre pourrait-il aller jusqu’à sortir Carlos Ghosn ou changer son rôle dans la gouvernance ? Une question invraisemblable il y a quelques mois, qui serait posée en cas d’impasse totale. Reste à savoir si elle est réaliste tant le conseil de Renault est, pour l’heure, solidaire de son patron, qui dépend par ailleurs aussi du conseil de Nissan. Sans compter que l’on voit mal un autre dirigeant capable de diriger de front deux groupes aux cultures si différentes...

.Carlos Ghosn va-t-il plier ?

Pour les défenseurs du double PDG, l’Etat joue un jeu dangereux qui pourrait détruire l’Alliance. « Une fusion ne se fait pas sur un coin de table, surtout celle-ci. Tout ceci n’a aucun sens », estime un observateur, qui n’est pas loin de soupçonner l’Etat d’agiter ces projets pour faire monter le cours et récupérer son investissement d’avril... De son côté, Carlos Ghosn ne cesse de répéter qu’un rapprochement de cette ampleur ne peut se faire que dans le temps, une fois que les synergies industrielles (plates-formes, usines, R & D...) seront mûres, pour l’adhésion des équipes françaises et japonaises. « Vous ne pouvez pas brusquer les Japonais. C’est pour cela que cette Alliance marche alors que les divorces dans l’automobile sont légion », avance un administrateur.

Un argument bien pratique, selon certains, qui masque le désir de Carlos Ghosn de préserver une situation qui lui convient : l’homme dirige Nissan sans regard de l’Etat, se rend indispensable – les statuts ont été changés cette année pour lui permettre, en théorie, de rester jusqu’en 2022 –, et perçoit au passage une double rémunération de près de 15 millions d’euros au titre de 2014.

De son côté, Nissan, qui s’est dit « inquiet » de ce que certains de ses proches qualifient comme une prise de contrôle de l’Etat, hausse le ton et paraît décidé à prendre du champ s’il n’est pas entendu. Reste à savoir si le constructeur japonais, deux fois plus gros que Renault, peut réellement diluer son partenaire français via une augmentation de capital ou retrouver des droits de vote via la baisse de participation de Renault sous les 40 %. « Nissan veut que son statut de principal contributeur à l’Alliance soit reconnu », indique en tout cas une source japonaise.

. Quel montage financier ?

Pour calmer le jeu, certains espèrent que des solutions de compromis (revente par l’Etat des titres acquis en avril, acquisition d’une partie seulement des droits de vote double...) soient actées rapidement. Reste aux parties à se mettre d’accord sur le fond, sur la possibilité financière d’une fusion ou d’un changement de gouvernance. Dans une note publiée jeudi, Exane estime qu’une fusion aboutirait à un ensemble de 140 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec une marge opérationnelle de 6 % à 7 %. La remontée actuelle du cours de Renault – l’action est sur ses plus hauts depuis 2007 – permettrait au français d’appréhender un rapprochement avec une position plus solide, soutient la note, qui parle même d’une fusion entre égaux grâce à la valorisation de la participation dans Nissan (17 milliards d’euros). A voir... L’Etat serait dilué à 9 %, mais disposerait de droits de vote double. « Renault a un cycle de renouvellement de gamme qui doit donner sa pleine mesure en 2016-2017. Ce serait une erreur de précipiter le mouvement », nuance un analyste.

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