C'est peu dire que le gouvernement formé par le fraîchement élu Premier ministre canadien Justin Trudeau a fait sensation. Mais parmi cette galerie de profils singuliers, «reflets du Canada dans sa magnifique diversité» dixit Trudeau, c'est celui de Harjit Sajjan, ministre de la Défense, qui est devenu un objet de fascination instantané sur le web. La photo de ce lieutenant-colonel Sikh, ancien détective anti-mafia, dans son combo turban, barbe et camouflage a aussitôt cimenté son image de «badass» sur les réseaux.
On @HarjitSajjan “You have no idea how badass Trudeau's Defence Minister really is.” https://t.co/ClGfYboTLr pic.twitter.com/Y4njWJz7nE
— Tabatha Southey (@TabathaSouthey) November 5, 2015
Né en 1970 dans le Nord de l'Inde et arrivé avec sa famille au Canada à l'âge de 5 ans, Sajjan entre dans l'armée à sa majorité et est envoyé en Bosnie dans les années 1990, où il découvre que sa religion, «neutre» dans le conflit entre chrétiens et musulmans, est un atout formidable pour un négociateur. De retour au Canada, il fait une brillante carrière dans la police de Vancouver, où il passe une décennie à la criminelle. Il y acquiert une solide réputation d'enquêteur spécialisé dans le crime organisé et les violences des gangs. En 2006, l'état-major de l'armée canadienne le débauche pour intégrer ses services de renseignement en Afghanistan. «On l'a choisi pour son expérience avec les gangs, parce qu'au fond, les Talibans ne sont rien de plus que des bandes de voyous», explique le général David Fraser, alors en charge du déploiement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf) de l'Otan dans la région.
Harjit Sajjan y effectuera trois missions et repartira bardé de médailles. Premier Sikh à diriger un régiment canadien, il invente et brevette un masque à gaz adapté à sa pilosité faciale, les Sikhs étant religieusement obligés de garder leur barbe, ce qui est une des raisons, en plus du turban, qui les empêchent de rejoindre l'armée américaine. «C'est ironique, remarque-t-il à l'époque, je conseille les généraux américains alors que leur armée n'autorise pas les Sikhs à en faire partie…»
Elu député à Vancouver le 19 octobre aux couleurs du Parti libéral, il est l'un des quatre ministres sikhs du gouvernement Trudeau (soit deux de plus qu'en Inde!), alors que le pays compte 460 000 Canadiens de cette confession.
Sajjan a expliqué que son dévouement à sa communauté était plus une démarche identitaire que strictement religieuse. «J'avais besoin de ce type d'engagement car je savais que ça allait me garder sur le droit chemin, a-t-il expliqué au Vancouver Sun à propos de sa jeunesse. J'ai trouvé le vrai sens du sikhisme, et j'ai tout de suite adoré son aspect guerrier.»
En tant que nouveau chef des forces armées, c'est donc à ce guerrier que reviendra la tâche d'arrêter les frappes aériennes canadiennes aux côtés de la coalition internationale contre l'Etat islamique en Syrie et en Irak, l'une des promesses de campagne du candidat Trudeau. Il n'a pour le moment pas fait de déclaration précise à ce sujet, indiquant seulement qu'il prendrait «une décision informée le moment venu».