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« Non, le FN ne tient pas un discours de vérité », par Olivier Py

Le Front national n’est pas une idéologie, il est « fait de l’énernel retour des peurs », estime le directeur du Festival d’Avignon.

Publié le 02 novembre 2015 à 13h37, modifié le 06 novembre 2015 à 17h01 Temps de Lecture 5 min.

Non, le Front national (FN) n’a pas un discours de vérité. Non, le sens commun supposé n’est pas la vérité. Non, ceux qui soutiennent l’extrême droite en la paraphrasant ne sont pas libres.

Non, l’immigration ne produit pas de fissure identitaire dans la République, n’agrandit pas le chômage, et ne prépare pas un grand remplacement de la culture française. C’est le contraire, elle accroît notre diversité, augmente notre potentiel économique et confirme le destin de la France comme terre d’hospitalité. Non, l’accueil de 50 000 réfugiés ne détruira pas l’unité française, elle la nourrira, la grandira, rappelant que nous sommes une terre d’asile. Y renoncer abîmerait à jamais le sens même de notre République.

Non, sortir de la zone euro n’enrichirait pas les classes moyennes et populaires, elle les ruinerait, et le remplacement de l’euro par le franc serait un désastre.

Non, la peine de mort ne résout pas l’insécurité.

Non, la culture internationale ne s’oppose pas à l’identité de la France, puisque l’identité de la France, c’est justement l’universalisme.

Non, la droite et la gauche ne sont pas identiques et continuent de s’opposer. Non, tous les politiques ne sont pas corrompus.

Non, la justice n’est pas laxiste, elle est même plus autoritaire que jamais.

Le sens commun voit des races, quand la génétique nous apprend qu’elles n’existent pas. Le sens commun parle de religions clivantes, quand elles sont majoritairement incluses dans la République. Le sens commun parle de la destruction de la famille, quand, au contraire, le mariage pour tous l’agrandit. Bref, quand le sens commun voit que c’est bien le Soleil qui tourne autour de la Terre, certains journalistes et polémistes parlent de vérité.

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Le FN n’est pas une idéologie, il n’est pas fait d’idées ou de pensée, il est fait de l’éternel retour des peurs et des crispations inconscientes. Le FN ment jusque dans sa dénomination.

Populiste, xénophobe, homophobe

Deux idées de la nation s’opposent : celle qui pense une nation ethnique, identitaire ou génétique et celle qui voit la nation comme un groupe d’individus rassemblés par des valeurs communes. Le général de Gaulle ne disait-il pas que la France est une nation faite de 50 nationalités qui parlent 100 langues ? Voilà la seule vraie idée de nation que nous pouvons défendre. Voilà la seule vraie idée de France pour laquelle nous devons combattre. Bref, le FN n’est pas national, il est nationaliste.

Si le FN a réussi sa nouvelle communication, la vérité de sa parole se cache souvent loin des écrans et dans les mots de ses partisans. Les dérapages de ses candidats sont innombrables. Un florilège écœurant qui nous apprend la réalité idéologique des candidats.

Là est le véritable discours du FN, inchangé, populiste, xénophobe, antisémite, homophobe, raciste, fermé à l’avenir, fermé aux idées. Les penseurs qui, aujourd’hui, le rallient mutatis mutandis le font tous au nom d’une supposée incontestable « réalité » et d’un peuple qu’ils imaginent à leur convenance et font parler à leur gré. Ils ne pensent plus, ils paraphrasent le mensonge des apparences.

Mais, s’ils apportent des suffrages, ils n’apportent pas au FN une véritable structure idéologique. Car, sur le plan du libéralisme, il est divisé, sur le plan social aussi, sur le rôle de l’Etat, sur la laïcité, sur la culture et la politique étrangère, il n’est pas propositionnel, il n’est rien, il est une effusion de vide. Hélas, là est sa force. La force de celui qui ment sur celui qui dit la vérité, c’est toujours que celui qui ment dit ce que notre paresse voudrait entendre.

Refonder la politique

C’est ce vide et ce mensonge, justement, qui produisent un ralliement, quiconque peut s’y retrouver et y projeter ses phantasmes d’exclusion de l’autre. Qui ne pense plus peut y voir une solution économique miracle, qui n’est jamais formulée. C’est justement son absence de discours qui lui permet de ne pas se séparer de sa base raciste et haineuse, qui pense lire entre les lignes du recadrage médiatique de ses élites.

Le FN est né de la volonté d’inscrire la politique nationaliste dans le jeu démocratique et républicain. Il vampirise toutes les valeurs de la France en les présentant sous l’angle identitaire. Il n’a de solutions pratiques que dans le protectionnisme et le retour en arrière. Mais, c’est justement ce protectionnisme qui a créé la crise migratoire, c’est justement cette passion du passé, cette immobilité, qui est un déclin de la vie politique. Il est vrai, aussi, qu’il s’agit d’un parti d’héritiers, d’intrigues financières, de dissimulations en tout genre. Le FN est aussi capable de défendre Vladimir Poutine, d’adhérer à la pensée complotiste et de douter de la réalité culpabilisante d’un enfant mort sur une plage.

Nous devons, pour combattre efficacement le FN, refonder la politique. Cela ne peut pas avoir lieu sans la société civile, et c’est en laissant la politique aux politiques que nous mettons en danger la République. De leur côté, les politiques doivent urgemment réinventer leur représentation et créer plus de porosité avec les idées issues de la société civile.

A partir de cela, on pourra commencer à contredire patiemment le FN, ou à mettre à nu son absence de perspectives. On pourra affirmer qu’aucun désespoir social ne le justifie et qu’il ne s’inscrit pas dans l’héritage de notre République, mais bien dans celui de sa contradiction. Nous pourrons montrer que le besoin de respect, de fierté, de dignité et d’exigence est populaire.

L’Europe, le seul chemin possible

Disons-le encore, l’Europe n’est pas un chemin facile, mais c’est le seul. Le monde économique peut être compatible avec l’avancée sociale, si nous créons une vraie défense contre l’affairisme. L’immigration est une chance, mais c’est l’intégration qui en est la condition. La société laïque n’est pas le rejet de l’autre dans son identité religieuse, mais l’affirmation de sa compatibilité.

L’école et la culture sont l’avenir de la France, mais, l’une et l’autre, et non l’une par l’autre, doivent être un projet politique d’envergure. La France ne peut pas se croire en dehors du monde et doit intervenir clairement et fortement contre tous les projets colonialistes et dictatoriaux, sans hésitation et compromis de marchés. C’est sa crédibilité même qui est en jeu, au dehors comme au dedans.

Si nous faisons cela, la France sera de nouveau un orgueil pour ses citoyens et l’Etat ne sera plus considéré comme autre chose qu’un serviteur de l’intérêt général. Refusons toute complicité avec le FN, pour qui le mot national veut dire exclusion. Affirmons ce qu’est notre nation, une communauté d’esprits qui croit aux droits de l’homme et n’a pas peur de l’avenir.

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