“'Au service de la France' veut faire péter les symboles français”, Hugo Becker

Hugo Becker (“Chefs”) incarne André Merlaux, un agent secret plein d'avenir dans “Au service de la France”. Nous avons discuté avec lui de la série d'Arte.

Par Pierre Langlais

Publié le 05 novembre 2015 à 17h04

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h58

Pour André Merlaux, être agent secret est un rêve d'enfance. Travailler « au service de la France » était son souhait le plus cher. Malheureusement pour lui, nous sommes en 1960, et ses nouveaux collègues, espions du Général de Gaulle, sont des tire-au-flanc, des pro de l'apéro et de la note de frais doublés de crétins racistes, misogynes et réactionnaires.

Comédie imaginée par Jean-François Halin, scénariste de OSS 117 (1), Au service de la France s'amuse à dégommer une France d'antan sûre de son fait… et, en écho, notre beau pays. Rencontre avec Hugo Becker, l'interprète d'André Merlaux, aperçu dans Gossip Girl outre-Atlantique et révélé par Chefs au début de l'année.

Au service de la France est écrite par le scénariste de OSS 117. André Merlaux a-t-il des points communs avec Hubert Bonisseur de la Bath ?

Ils viennent du même univers, mais c'est à peu près tout. André Merlaux débarque. Hubert Bonisseur de la Bath, lui, est revenu de tout. Il est intégré dans un service où il est le roi. Il est sans foi ni loi, là où Merlaux est idéaliste. Bonisseur se rit de tout, pas Merlaux. Mais ça ne veut pas dire qu'il ne rit jamais. Même quand il aura appris les règles du jeu, André ne deviendra jamais Hubert. Il n'est pas OSS, il n'est pas Pierre Richard – même s'il est capable de se prendre une porte dans les gencives après avoir éliminé un terroriste. Il n'est pas Belmondo – il réussit souvent ses missions, mais on ne l'en remerciera jamais…

Parce qu'il a tort de réussir ?

Absolument. Il est enthousiaste, c'est un vrai gamin dans un magasin de jouets. S'il devait ressembler à un personnage déjà existant, ce serait plutôt le Saint, pour son côté premier de la classe. Malheureusement, s'il voulait vraiment réussir dans l'environnement des services secrets de Au service de la France, il lui faudrait faire le moins d'efforts possible. Ne pas répondre au téléphone, ne pas réagir, ne pas innover, ne pas interagir avec qui que ce soit, ne pas chercher à changer les mentalités…

André Merlaux nous ressemble un peu plus que Bonisseur de la Bath…

Bien sûr, il incarne la modernité pour l'époque. Un regard tourné vers l'avenir, quand ses collègues ne voient que derrière eux. On est parfois embarrassé pour Hubert Bonisseur de la Bath, quand on doit souffrir avec Merlaux de la crétinerie de ses collègues, de leur mentalité raciste et misogyne.

Il est très sérieux, tout le monde est très sérieux dans la série, mais c'est une comédie. D'où un étrange décalage…

Ses collègues sont très sérieux… dans leur bêtise. Au service de la France est une comédie, mais qui dit des choses très fortes. Elle revisite l'histoire des années 60 dans notre pays, et en dresse un portrait au vitriol. La comédie est un habit, on ne doit pas sombrer dans la suite de sketchs potaches. Je suis très client d'OSS 117, mais si la série est peut-être un peu moins efficace dans la drôlerie, elle parvient à nous déstabiliser. Au service de la France nous fait plus réfléchir que OSS.

Elle nous fait réfléchir à quoi, plus précisément ?

A notre histoire, mais aussi à la société contemporaine. Elle critique notre comportement face aux étrangers, notre méritocratie et la bureaucratie des années 60 – qui n'est pas tout à fait morte, pense-t-on souvent. Elle s'amuse à faire du « french bashing », à rire de notre obsession pour le décorum, les formulaires, les médailles… Au service de la France veut faire péter nos symboles.

Quelles indications de jeu vous a-t-on donné ?

L'idée, c'était de créer une œuvre où les décalages permanents entre ce qui se dit et la nature du récit déstabilise le téléspectateur, le pousse à se demander ce qu'il regarde, l'interpelle, et finalement provoque le rire. Il y a eu un gros travail technique pour les comédiens. Un travail très subtil, millimétré, qui laisse peu de place à l'improvisation. Il s'agit d'une série d'époque, donc j'ai bien sûr regardé Belmondo, Richard ou Roger Moore (enfin, son doubleur en français), j'ai analysé leur diction, très précise, leur maîtrise d'un certain langage. Merlaux est enlevé, lunaire, il est clair et précis – pas comme moi, ni comme Romain, mon personnage dans Chefs. Il fallait cette pointe de classicisme, tout en étant suffisamment moderne pour ne pas tomber dans la copie façon documentaire.

Hugo Becker (avec Mathilde Warnier) dans Au Service de la France.

Hugo Becker (avec Mathilde Warnier) dans Au Service de la France. @Arte

Il y a aussi quelque chose qui fait penser au cinéma muet…

Nous en avons parlé oui. La place accordé aux silences, aux regards, aux mimiques, est considérable. Il fallait être assez conscient de tout ce qu'on exprimait, car beaucoup de la comédie se jouait sur nos visages – c'est particulièrement vrai pour les agents qui ne sortent pas du service.

Où en est la saison 2 de Chefs ?

Je la prépare. J'ai commencé à lire les premiers scripts, et nous tournerons en début d'année prochaine. En attendant je tourne une minisérie pour la télévision espagnole, un thriller, Bajo sospecha. Je joue un Franco-Espagnol. Et puis je tiens un rôle dingue dans Baron noir, que vous pourrez bientôt voir sur Canal+…

(1) Avec Jean-André Yerles et Claire LeMaréchal.

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