Tahar Ben Jelloun : lettre à Valérie Trierweiler

On disait la première dame forte et dure et rien ne lui a été épargné. Dans ce moment de désarroi et de curée publique, son ami Tahar Ben Jelloun lui écrit.

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Valérie Trierweiler et François Hollande en août 2012 au fort de Brégançon.
Valérie Trierweiler et François Hollande en août 2012 au fort de Brégançon. © Alain Robert/Aperçu/Sipa

Temps de lecture : 3 min

Chère Valérie,

Je pense à vous en ce moment où votre vie intime, la vôtre et celle de votre compagnon, est sujet de curiosité malsaine, une espèce de cambriolage en plein jour où l'on saccage tout sans penser aux conséquences non seulement sur votre existence, mais aussi celle de vos enfants. La société de spectacle telle qu'elle a été annoncée par Guy Debord est dépassée, elle est devenue une société cannibale. On mange les gens. On les presse jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de jus et on les jette. On les broie et on en fait des petits fours juste avant le dîner, moment privilégié pour aller fouiller dans les secrets des uns et des autres. Les fameux "dîners en ville" sont des scènes de carnage diverses et variées.

Je pense à vous parce que je sais la douleur et la violence, je sais aussi l'attente et l'espoir. Une histoire d'amour est née entre vous et celui qui allait devenir président. Cette histoire, m'aviez-vous dit un jour à Brive, est belle parce qu'elle est forte. Vous m'aviez présenté François en me précisant : "C'est l'homme de ma vie." Le bonheur se lisait sur votre visage, avec cependant une ombre légère que j'appellerai "petite inquiétude", ce qui est normal quand on s'engage corps et âme dans une traversée du temps et de ses tempêtes. De ce côté-là, vous avez été gâtée : on ne vous a rien épargné, vous étiez dans la ligne de mire des médias et des politiques au point qu'un jour votre compagnon est interpellé par une citoyenne qui, sans raison, lui dit : "On n'aime pas la Valérie." Dur d'être ainsi désignée à la haine de manière gratuite, sans fondement, juste sur votre présence, votre visage, votre existence. Les gens sont durs et s'imaginent que la vie de ceux et celles qui sont sous les lumières de l'actualité ne mérite que des claques. Vous n'étiez protégée par rien. On pouvait cracher et insulter, comme ça, pour le plaisir des frustrés.

Le choc a dû être terrible

Vous êtes devenue une personnalité publique, c'est-à-dire que votre vie ne vous appartenait plus. En plus, ce qui va vous faire mal et surtout permettre aux autres de vous maltraiter, c'est que votre statut n'a jamais été défini. La responsabilité de votre homme est évidente. En fait qui êtes-vous et quel est votre rôle ? Vous êtes comme un personnage de théâtre en quête d'un rôle et surtout d'un auteur. Or votre compagnon refuse de céder sur un principe qui était certainement valable du temps où il n'occupait pas la plus haute fonction de l'État, mais qui est devenu étrange et surtout vous a mise dans des situations intenables. Vous m'aviez dit un jour que "le mariage, ce n'est pas tout" et que vous-même vous aviez divorcé. Mais là, il ne s'agit plus d'une simple relation entre deux adultes. Il s'agit d'un chef d'État et d'une femme qu'il présentait comme étant sa "compagne". Vous m'avez aussi dit : "Ce n'est pas grave, en tant que femme non mariée, je ne pourrai pas l'accompagner au Vatican et en Arabie saoudite."

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Commentaires (96)

  • Ysaline

    Quelle belle lettre, sensible et intelligente, Mr Ben Jelloun. J'y souscris en tout point. Quelle tristesse de voir la façon indigne et inélégante dont est traitée Mme Trierweiler. Malgré ses maladresses (le fameux tweet entre autres), elle ne mérite absolument pas d'être livrée ainsi à la vindicte populaire et à la goujaterie de son compagnon. Quel dommage de ne pas lui avoir donné un statut d'épouse - qui certes ne l'aurait en rien protégée des infidélités de son compagnon- mais qui l'aurait sécurisée. Je ne savais pas qu'en France on pouvait répudier ainsi, à la face du monde entier, une compagne. Quelle lâcheté et quel manque total d'élégance. Et dire que j'avais voté pour François Hollande !

  • opinion libre

    S'il fallait entrer en clinique à chaque trahison, les hôpitaux seraient débordants et débordés... Un peu de dignité serait souhaitable pour ce trio décidément sans panache.

  • FLYTOXX

    Hollande s’est certes comporté en mufle envers Valérie, mais cette dernière n’aurait pas dû en être surprise. Lui tenant la main lorsqu’il faisait la même chose à Ségolène, mère de ses quatre enfants, elle connaissait donc le bonhomme et ce dont il était capable. De plus Mme Trierweiler, journaliste spécialiste des milieux politiques, est tout sauf une oie blanche. Elle savait très exactement où elle mettait les pieds, et elle les y a mis volontairement. Même si je trouve le comportement du Président à son égard assez indigne, très inélégant et proche de la goujaterie, j’ai peu de compassion pour elle qui par son ambition, son comportement, sa morgue et sa vindicte s’est attirée rapidement l’antipathie quasi unanime des français. La belle prose de Mr Ben Jelloun destinée au réconfort d’une amie, aurait gagnée à rester dans un cercle privé.