
C’est un long feuilleton politique qui a pris fin vendredi 6 novembre avec le rejet par le président américain Barack Obama de l’oléoduc géant Keystone XL. Cette décision intervient “après sept ans d’examen du projet”, qui sera devenu “le symbole des débats autour des politiques du président en matière de climat”, rappelle le New York Times.
Keystone XL devait transporter l’équivalent de 800 000 barils de pétrole par jour depuis les sables bitumineux de l’Alberta jusqu’aux raffineries du Golfe du Mexique. Le projet avait le soutien d’une majorité de parlementaires américains, rappelle le quotidien conservateur The Wall Street Journal. Le Congrès avait même voté un projet de loi auquel le président avait opposé son veto en février.
Le rejet de l’oléoduc est donc, note le New York Times, “une étape symbolique majeure, un signe que le président est prêt à prendre le risque de mettre en colère une majorité de parlementaires des deux partis pour atteindre ses objectifs en matière d’environnement”.
C’est d’ailleurs par des considérations politiques que la Maison-Blanche a justifié sa décision : “les Etats-Unis sont aujourd’hui en position de leader” dans la lutte contre le changement climatique, a expliqué le président, et l’approbation du projet “aurait mis à mal ce leadership” à l’approche de la Conférence de Paris sur le climat (COP 21).
Des journaux très divisés
Mais la question est toujours aussi polémique aux Etats-Unis, comme le montrent les positions très partagées des grands titres américains, qui publient tous un éditorial sur le sujet.
Les quotidiens de centre-gauche, notamment le New York Times et le Los Angeles Times, applaudissent la décision du président. “Tous les spécialistes du climat ou presque ont dit qu’une bonne partie des ressources fossiles doivent rester inexploitées si le monde veut éviter les pires conséquences du réchauffement climatique”, souligne le quotidien newyorkais. Or, “les sables bitumineux de l’Alberta contiennent 170 milliards de barils de pétrole exploitable avec les technologies actuelles, et peut-être dix fois ce total en ressources potentielles.”
Comme le projet d’oléoduc paraissait crucial pour l’exploitation de ces ressources, “l’approuver aurait signifié rendre possible un projet qui accroîtrait de façon significative les concentrations de CO2 dans l’atmosphère.”
A l’inverse, le Wall Street Journal est vent debout contre la décision : “Obama supprime des milliers d’emplois pour des raisons symboliques”, déplore le quotidien. Le Washington Post se montre également critique, regrettant que le sujet ait été aussi politisé, alors que “Keystone XL n’a pour ainsi dire aucune importance dans l’évolution mondiale du climat”. Le président l’a lui-même reconnu vendredi 6 novembre : “Pendant des années, l’oléoduc Keystone a occupé une place qui me semble franchement démesurée dans nos débats politiques”.
Dès lors, pour le journal de centre-droit, la Maison-Blanche a tort de fonder son refus sur le symbole. Ce genre de logique “pourrait justifier toutes sortes de décisions irrationnelles et arbitraires”, souligne le quotidien.
Justin Trudeau soulagé ?
Un point de vue que partage, côté canadien, un chroniqueur du Globe and Mail, regrettant que Barack Obama n’ait pas cherché à corriger les fausses impressions sur l’impact environnemental de l’oléoduc.
Pour le nouveau Premier ministre libéral Justin Trudeau, toutefois, cette annonce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle. Certes, le leader canadien s’est dit “déçu” par la décision d’Obama. Mais, comme le souligne le chroniqueur du Globe and Mail, “il est sans doute aussi soulagé de ne plus avoir à soutenir un projet qui divise ses partisans”.
Justin Trudeau a immédiatement souligné que la relation entre Etats-Unis et Canada “allait au-delà d’un seul projet”. Le rejet de Keystone pourrait ainsi ouvrir la voie à une collaboration entre les deux voisins sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, juge le quotidien Toronto Star. Qui rappelle que les Libéraux souhaitent faire de la lutte contre le changement climatique une de leurs priorités.