Sur Arte : Paris-Berlin, capitales l'une pour l'autre

Entre fascination et rivalité, les capitales française et allemande se sont construites le regard rivé l'une sur l'autre. L'érudit documentaire “Paris-Berlin, destins croisés” fait le tour de leurs édifices emblématiques.

Par François Ekchajzer

Publié le 07 novembre 2015 à 18h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h59

En quatre parties d'une grande érudition, Paris-Berlin, destins croisés raconte l'histoire de deux villes européennes qui n'ont cessé de se mesurer l'une à l'autre. L'oeuvre du documentariste Frédéric Wilner (Angkor redécouvert), passionné d'histoire, d'urbanisme et d'architecture, qui revient pour nous sur quelques édifices emblématiques des deux capitales.

La porte Saint-Denis, un des rares arcs de triomphe parisiens ayant survécu à Haussmann.

La porte Saint-Denis, un des rares arcs de triomphe parisiens ayant survécu à Haussmann. © Keystone-France

De porte à porte

« Erigée à Berlin en 1788, sur cette place Quarré (actuelle Pariser Platz) qui évoque notre place Royale (actuelle place des Vosges), la porte de Brandebourg se présente à l'origine comme un témoignage d'admiration de la Prusse envers la France — preuve que l'hostilité prusso-française n'avait rien d'une fatalité. Le quadrige qui la surmonte est lui-même un symbole de paix, la déesse de la Victoire et son char étant tournés vers l'intérieur de la ville. Cette aspiration à une Europe apaisée a eu tôt fait de tourner au vinaigre, lorsque Napoléon a décidé, en 1806, d'emporter le quadrige à Paris... pour ne rien en faire. L'humiliation symbolique que l'Empereur a provoquée outre-Rhin n'a été lavée qu'après sa défaite, quand le quadrige a été ramené triomphalement à Berlin, et enrichi d'une croix de fer et d'un aigle prussien, transformant ce symbole de paix en symbole de victoire nationale. Voilà comment une magnifique oeuvre d'art est devenue un motif de catastrophes en chaîne. Quant à la porte elle-même, devenue le symbole de la ville de Berlin, elle entre en résonance avec les portes de Paris, conçues à peu près à la même époque par Nicolas Ledoux comme des ouvertures monumentales sur la ville. Des monuments extraordinaires, de vraies performances architecturales qu'on aurait pu conserver intactes — comme on a conservé la porte Saint-Denis —, mais qui, pour la plupart, ont été détruites par les travaux d'Haussmann. »

De Case en cages

« Imaginée à la fin des années 1920, la Case de l'oncle Tom est un exemple de ce que Berlin a produit de meilleur, en terme de logements sociaux. Aujour­d'hui encore, cet ensemble que les nazis ont qualifié d'« architecture des toits plats » — architecture qu'ils ont interdite, la taxant de « juive et communiste » — reste un modèle tant fonctionnel qu'esthétique né d'une réflexion approfon­die sur la fonction de l'habitat et l'utilisation raisonnée de l'argent ­public. Tout y était ­organisé pour que l'air circule et que la ­lumière pénètre dans des appartements ouverts sur la nature. Le volume et l'organisation des pièces étaient étudiés pour que ces logements soient à la fois le moins coûteux et le mieux adaptés possible à la vie quotidienne d'une famille modeste.

Modèle qui n'a pas été celui des architectes français appelés à répondre, au sortir de la Grande Guerre, à la crise ­sociale et urbaine qui régnait à Paris. Parce que c'était plus simple, ces concepteurs peu novateurs, héritiers du baron Haussmann, n'ont appliqué aucun de ces préceptes quand ils ont créé ces logements de brique rouge qui bordent les boulevards des Maréchaux, fameuses habitations à bon marché, ancêtres des HLM . Faute de modernité, ils sont à l'origine de cette ceinture rouge qui, tout en offrant quelques jolis bâtiments, ne remplit aucune des fonctions qui lui étaient assignées... »

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