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Marché du travail : la France à la traîne de la dynamique de réforme en Europe

•Le Conseil d'orientation pour l'emploi a analysé les réformes du marché du travail dans dix pays européens.•Ces Etats ont misé, comme la France, sur un assouplissement du droit, mais plus tôt et en allant plus loin.

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Par Derek Perrotte

Publié le 9 nov. 2015 à 01:01

C'est un immense laboratoire social à ciel ouvert. Depuis l'éclatement de la crise en 2008, tous les pays européens ont été mis au défi de réinventer, à marche forcée, leurs politiques de l'emploi et leurs marchés du travail. Contrat « zéro heure » au Royaume-Uni, réforme des licenciements en Italie, allégement du Code du travail en Espagne, mini-jobs allemands... Sept ans après, un long rapport du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), rattaché à Matignon, que dévoilent « Les Echos », dresse un panorama exhaustif des réformes entreprises dans dix pays voisins. Le COE a fait le choix de ne pas inclure la France dans cette analyse pour, y indique-t-on, « regarder objectivement ce qui se fait ailleurs » sans que l'analyse de la situation française ne confère une dimension politique ou idéologique au rapport.

Reste qu'au moment où les bons chiffres de septembre laissent espérer à l'Elysée que l'inversion durable de la courbe du chômage est proche, deux enseignements majeurs pour la France ressortent de la lecture de ce rapport. D'abord, que les réformes lancées par le gouvernement s'inscrivent clairement dans la tendance européenne, celle d'une baisse du coût du travail et d'un net assouplissement du droit, « une tendance générale marquée pour les emplois permanents », pointe le rapport. Mais, deuxième enseignement, la France brille par sa timidité : nombre des réformes y ont été moins poussées, et souvent lancées plus tard, quand elles ne sont pas encore au seul stade de projet.

Le cas des licenciements l'illustre. Comme la France, l'Italie, le Royaume-Uni et l'Espagne ont encadré les indemnités prud'homales et favorisé la conciliation. Mais ces pays ont aussi nettement réformé les motifs et procédures de licenciement individuel quand l'Elysée et Matignon ont exclu toute réforme du CDI. Bis repetita sur la gestion des chômeurs. Comme Pôle emploi, les services dédiés des pays voisins ont renforcé le suivi personnalisé, la formation et le contrôle. Mais Pôle emploi avance à pas comptés, et, surtout, les Suédois, Danois, Portugais, Italiens, Néerlandais et Espagnols ont aussi, selon les cas, diminué le montant et la durée des allocations, et introduit ou renforcé des mécanismes de dégressivité. Autant de pistes exclues par les syndicats français lors de la dernière négociation Unédic, début 2014.

Des mesures tardives

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La réforme du Code du travail illustre aussi ce phénomène : tandis que Manuel Valls promet de le réécrire d'ici à 2018, nos voisins du Sud ont déjà consacré une large inversion de la hiérarchie des normes, avec par exemple des possibilités en Espagne et au Portugal de modification unilatérale du contrat de travail.

Faut-il y voir la cause des difficultés de la France à faire baisser le chômage alors que ce mouvement est à l'oeuvre depuis mi-2013 dans les autres pays ? Le rapport s'en garde mais conclut que, dans l'ensemble, les mesures engagées par les pays étudiés ont eu un impact positif sur le chômage. Et souligne que les pays qui avaient commencé « dès avant la crise » à « corriger des déséquilibres structurels sur le marché du travail et activé leurs politiques de l'emploi ont été moins touchés et se rétablissent plus facilement ». C'est le cas de l'Allemagne, du Royaume-Uni, de l'Autriche, du Danemark et de la Suède. A l'inverse, ceux comme l'Espagne, l'Italie et le Portugal, qui n'avaient pu, « faute de réformes adaptées ou suffisantes », commencer à corriger le tir, ont enregistré une dégradation « plus forte et plus durable ». La France se situe clairement dans ce second groupe, mais le constat est à nuancer, tant les réformes ne sont pas les seuls facteurs impactant le chômage et produisent des résultats qualitativement contrastés.

La réussite allemande, par exemple, est aussi portée par sa structure démographique, avec plus de sortants que d'entrants sur le marché. Le redressement anglais s'est, lui, fait au prix d'une forte précarité (lire ci-dessous) et les premiers résultats enregistrés en Italie demanderont à être confirmés dans le temps.

Derek Perrotte

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