AboComment traquer l'argent du terrorisme
Des intermédiaires financiers romands ont assisté en nombre à une série de conférences sur les nouvelles menaces.

La lutte contre le financement du terrorisme. Un thème d'actualité brûlant qui attire la foule. Quelque 120 professionnels de la finance de Suisse romande ont assisté jeudi, à Genève, à une série de conférences sur le sujet, organisées par l'Association romande des intermédiaires financiers (ARIF).
Rares cas signalés
Avant de rentrer dans le vif du sujet, il faut savoir que les acteurs locaux estiment à 88% que leur activité ne présente pas un degré de risque potentiel en matière de financement du terrorisme. Et seuls 15% disposent d'un système informatique efficace de détection des transactions potentiellement liées à ce problème. Voilà ce qui ressort d'un questionnaire adressé pour la première fois par l'ARIF à ses 450 membres. Le résultat n'inquiète pas son président Julien Blanc: «Plus de la moitié de nos membres sont des fiduciaires et des gestionnaires de fortune dont les clients ne viennent pas de pays à risque et qui sont connus de longue date. Les Money-transmitters sont davantage concernés. Comme leurs transactions se font souvent sur de petites sommes, les cas sont plus difficiles à débusquer. Mais tout le monde est appelé à faire une introspection.» Jusqu'à présent, aucun des membres de l'ARIF n'a communiqué un soupçon aux autorités.
«Le nombre de communications de soupçon en lien avec le financement du terrorisme n'est pas très élevé. Il faut dire que ces cas sont difficiles à détecter», constate Stiliano Ordolli, chef du Bureau de communication en matière de blanchiment d'argent (MROS) à la FedPol. Mais quand les dossiers remontent jusqu'à ce service, 70% des affaires sont transmises aux autorités de poursuite pénale.
Nouvelles tendances
Venu évoquer le nouveau système de communication de soupçon qui entrera en vigueur en janvier, il a aussi exposé les récents types de menaces signalés. «Un Money-transmitter en Suisse a fait un travail exemplaire en établissant un lien entre un client et un prédicateur islamiste, souligne Stiliano Ordolli. Il a mis au jour des centaines de transactions en dix ans et des destinataires dans des dizaines de pays. Finalement, deux personnes en lien avec une organisation terroriste figuraient dans notre base de données.» Le cas se trouve en mains du Ministère public de la Confédération.
Les nouvelles tendances? Pour la première fois cette année, MROS a eu affaire à un possible départ d'un candidat au djihad. «Il s'agit d'une jeune personne partie à l'étranger, dont les parents n'avaient plus de nouvelles. La police est entrée en jeu et une alerte internationale a été lancée. Sollicitée, la banque a pu déterminer que l'individu avait retiré de l'argent dans deux pays européens. Le MROS a reçu une communication de soupçon et a averti les pays concernés, ce qui a permis d'arrêter la personne moins de vingt-quatre heures plus tard.» On n'en saura pas plus, secret d'enquête oblige.
Les établissements financiers sont aussi davantage attentifs au changement de comportement d'un client. Ils s'appuient sur plusieurs indicateurs: des transactions suggérant une mobilité plus importante dans des pays voisins ou proches de théâtres de conflit; des transferts de fonds, souvent de petits montants, à des ONG connues ou inconnues à obédience religieuse radicale ou humanitaire; des achats de livres ou supports électroniques à caractère religieux, philosophique ou radical; des crédits de consommation transférés ou retirés. En somme, les établissements financiers doivent traquer le microfinancement du terrorisme. C'est le message martelé par un autre orateur, Jean-Paul Rouiller, directeur du Geneva Centre for Training and Analysis of terrorism (GCTAT).
L'assurance-vie utilisée
«Une opération terroriste doit être réalisée seule pour éviter que ses auteurs ne soient neutralisés. Cette logique développée à la fin des années 2000 par Al-Qaida, mise en œuvre par Mohamed Merah, l'auteur des tueries à Toulouse en 2012, est poussée aujourd'hui à l'extrême par l'Etat islamique», explique-t-il. Dans le cas de Mohamed Merah, il a brouillé les pistes en demandant à ses proches de faire des achats sensibles. Plus récemment, les auteurs des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper cacher ont eu recours à des Money-transmitters, aux crédits à la consommation, relève-t-il.
Et d'évoquer une récente découverte faite par la police lyonnaise: «On demande maintenant aux candidats djihadistes de souscrire une police d'assurance-vie dont le récipiendaire est une certaine association.» Cette nouvelle technique n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. «Je vais faire des vérifications…» a aussitôt glissé Stiliano Ordolli.
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