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décryptage

Le compte Nickel fait sauter les banques

EcoFuturdossier
Facile à utiliser et peu coûteux, le service alternatif fait de l’ombre aux concurrents bien établis.
par Philippe Brochen
publié le 29 avril 2015 à 19h46

C’est une petite révolution dans ce monde sans pitié pour le quidam en délicatesse avec son banquier. Lancé le 11 février 2014, le compte Nickel, une offre bancaire alternative lancée par la Financière de paiements électroniques (FPE), a conquis en un an plus de 100 000 clients. Explications.

Nickel, c’est quoi donc ?

Une solution de dépôt et de retrait d’argent pour tous, sans conditions de ressources ni de revenus, qui n’est adossée à aucun établissement bancaire, qui n’autorise ni découvert ni épargne, et n’accorde aucun prêt à ses clients. Son réseau ? En fait d’agences, les comptoirs des bureaux de tabac ! Quatorze mois après sa naissance, cet ovni bancaire fonctionne plutôt bien et bouscule les fonctionnements institutionnels, confortablement établis, dont elle va incontestablement transformer les usages dans les années à venir.

Créée par deux amis, l’un informaticien, Ryad Boulanouar, l’autre financier, Hugues Le Bret (ancien directeur de la communication de la Société générale puis PDG de sa filiale en ligne Boursorama), la FPE, qui s’appuie donc sur le réseau des 26 500 buralistes français, commence à chatouiller vigoureusement les banques traditionnelles. Son atout, ses coûts de fonctionnement réduits : 20 euros pour une carte de dépôt-retrait avec quelque 30 euros moyens de frais de fonctionnement annuels, quand la moyenne nationale est de 190 euros annuels et qu’une banque traditionnelle peut coûter, avec des divers frais d’incident et d’agios, jusqu’à dix fois plus cher à des clients en difficulté financière ou juste négligents. Cette réussite avérée, la FPE commence, avec son système low-cost, à bousculer à la marge les acteurs traditionnels du secteur.

Où en est le compte Nickel ?

103 000 comptes sont actuellement actifs auprès de 740 buralistes. «Nous sommes presque à l'équilibre financier, avance Hugues Le Bret. Nous totalisons chaque mois plus de 9 000 nouveaux clients et sommes passés numéro 1 de l'ouverture mensuelle de comptes devant les banques en ligne ING Direct et Boursorama.» Aujourd'hui, la FPE emploie 50 salariés sur son site de Charenton-le-Pont, dans le Val-de-Marne.

Qui sont les clients ?

Ils comptent parmi les 45% de Français qui gagnent moins de 1 600 euros par mois ; effectuent en moyenne 140 paiements avec leur carte par an, soit dans la moyenne nationale. Et un tiers de ces paiements par carte se font sur le Net.

Pourquoi ce succès ?

Quatre raisons à cela. Primo, la simplicité de fonctionnement. Un compte Nickel peut s’ouvrir chez un buraliste en cinq minutes avec une pièce d’identité et un numéro de téléphone mobile. Ensuite, le client peut retirer de l’argent dans tous les distributeurs français et étrangers. Mais s’il veut déposer du liquide ou domicilier des versements et des dépôts, direction un bureau de tabac. Secundo, alors que le duo créateur du compte Nickel pensait s’adresser à une population exclue des banques (ex-interdits bancaires, RMistes, surendettés…), il a attiré des clients «moyens», qui reçoivent un flux mensuel moyen de 1 300 euros sur leur compte Nickel, 1 500 euros pour un quart d’entre eux. Du reste, près des trois quarts des clients de la FPE y domicilient leurs revenus et utilisent Nickel comme compte principal. Tertio, des clients de banques traditionnelles adhèrent à Nickel dans l’unique but d’avoir une carte bancaire qui leur permette de payer sur Internet sans risquer de se faire dépouiller (le compte ne permet pas de dépassements de paiements) et autorise les retraits - gratuits - de liquide à l’étranger. Quatro, le compte Nickel propose un service client en ligne, au téléphone et par mail ; de plus, il crédite et débite les opérations en temps réel, ce qui autorise un suivi de sa situation bancaire au cordeau.

Quel est le bilan d’étape ?

Techniquement, clients et buralistes se disent satisfaits. Ces derniers y trouvent un relais de croissance bienvenu en période difficile pour leur profession (baisse des ventes de tabac, de timbres fiscaux, de revenus liés au PMU…). «1 000 nouveaux buralistes ont fait la démarche de distribuer le compte Nickel, selon Pascal Montredon, président de la Confédération des buralistes. Nous estimons qu'ils pourraient être 5 000 d'ici trois ans.» De quoi assurer l'avenir avec de nouvelles sources de revenus et un service démultiplié aux clients de la FPE sur l'ensemble du territoire national. Côté pratique, la technologie emporte l'adhésion de tous. Seule difficulté : la FPE doit faire face à un afflux de demandes complexes à gérer de la part des buralistes. Ainsi, en raison des délais liés à l'instruction du dossier d'agrément, notamment auprès de la Banque de France (lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme), ainsi que de la fourniture en matériel, 400 buralistes candidats validés sont en attente de mise en fonctionnement.

Et maintenant ?

150 000 nouveaux comptes sont prévus en 2015, soit un total de 220 000 en fin d'année. Pour ce faire, la FPE travaille à deux nouveautés avec la Banque de France. D'abord la création d'un compte jeune (12-18 ans) et un compte professionnel pour les TPE de moins de 10 salariés. «On lancera ça à l'automne, annonce Le Bret. Cela devrait être un accélérateur de croissance.» Autre projet, enfin : ouvrir la borne compte Nickel chez les buralistes à des démarches administratives.

REPERES 

6,3 
C'est, en millions d'euros, l'augmentation de capital réalisée fin 2014 par la Financière de paiements électroniques.

Le compte Nickel s'ouvre chez un buraliste agréé par la Banque de France et donne droit à une MasterCard internationale et un RIB pour domicilier ses revenus, recevoir ou émettre des virements…

75%
C'est le ratio de clients de compte Nickel qui y domicilient leurs revenus et l'utilisent comme compte principal.

Pour aller plus loin :

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