Chokrane - Entreprises, baisse des commandes et hausse de la fiscalité

La Commission européenne publie ses prévisions sur l'économie française en 2017. Elle reste pessimiste sur la réduction des déficits et du chômage.

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Charges et taxes étouffent l'économie française. © AFP

Temps de lecture : 5 min

Alors que Paris prévoit un déficit de 2,7 % du PIB en 2017, la Commission européenne table sur 3,3 % du PIB et ne prévoit aucune baisse du chômage avant 2017. Sans entrer dans des considérations techniques sur cette différence de point de vue, force est de constater que le personnel politique nous dépeint une situation en voie d'amélioration alors que le tissu économique, considérablement affaibli par six années de crise économique, subit de surcroît une fiscalité délirante et galopante.

Prenons le cas réel d'une entreprise de taille intermédiaire (ETI) qui réalise un chiffre d'affaires de 100 millions d'euros. Même en tenant compte d'une réduction obtenue via le CICE, les charges et taxes versées aux organismes d'État ont augmenté de 62 % entre 2009 et 2014.

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À titre d'exemple, voici l'évolution des différentes ponctions :

- Taxe professionnelle censée être supprimée : + 127 %

- Taxe formation : + 82 %

- Taxe construction : + 41 %

- Taxe foncière : + 87 %

- Taxe sur les bureaux : + 53 %

- Taxe handicapés : + 66 %

En pratiquant l'optimisation fiscale, cette entreprise s'en sort avec un taux d'imposition sur les sociétés (IS) de 18 %. On imagine facilement les difficultés dans lesquelles se débattent les PME et TPE qui, elles, subissent un taux d'IS bien plus élevé de 33,3 % ! Seules les très grandes entreprises qui sont en position de force pour négocier obtiennent officiellement un taux de 8 % d'IS. Pour les charges, on retrouve peu ou prou le même décalage en fonction de la taille des entreprises. Mais pourquoi les entreprises petites ou moyennes, les seules susceptibles de créer des emplois, sont-elles accablées à ce point ?

L'étau se resserre sur les perspectives de développement

À ce triste tableau s'ajoute la baisse des prix de vente du secteur manufacturier (pour le vingtième mois consécutif en octobre 2015) et la baisse des services (depuis avril 2012) enregistrées sur l'indice PMI Markit, alors que, dans le même temps, l'inflation des prix payés aux fournisseurs ou prestataires dans le secteur des services français s'accélère en octobre et affiche son plus fort taux depuis cinq mois (hausse des coûts salariaux et des frais de télécommunications).

Logiquement, et contrairement aux effets d'annonce, les défaillances d'entreprises ont augmenté de 0,57 % entre 2014 et 2015 (calcul sur la période de janvier à juillet) ou bien de 2,69 % sur une valeur pondérée. Quel que soit le mode de calcul, les défaillances d'entreprises ont poursuivi leur tendance haussière.

Le financement des entreprises en France : que font les banques ?

Il existe tout un panel d'outils à la disposition des banques pour soutenir l'économie réelle (des lignes d'escompte, des lignes de crédit, des découverts autorisés, etc.) alors qu'elles sont abreuvées de milliards d'euros à des taux très bas par la BCE, on ne peut pas dire qu'elles jouent le jeu. Elles objectent qu'elles ne reçoivent pas assez de demandes de crédit... Il se trouve que les TPE voient leur chiffre d'affaires baisser depuis 2013, leur résultat courant net moyen baisser de 1,1 % en 2013, puis de 3,4 % en 2014. Ces entrepreneurs renoncent par manque de temps et sont découragés par les conditions d'obtention draconiennes. In fine, au troisième trimestre 2015, la demande totale des crédits de la part des PME a baissé.

Autre source de financement, la Bourse est réservée à des entreprises plus importantes. Le récent échec de Deezer témoigne des difficultés que cette option représente. En France, contrairement aux États-Unis, une petite entreprise, par exemple une boulangerie, ne peut pas faire appel au marché boursier pour son financement.

Il reste enfin une solution alternative pour les entreprises, le crowdfunding (financement participatif). Le problème est que ce type d'investissement se trouve encadré par un maquis de conditions et d'exceptions qui le rendent peu accessible aux particuliers. En France, ce type d'investissement s'adresse à des personnes très riches cherchant une voie de défiscalisation. Mais les avantages fiscaux ne sauraient en aucun cas contrebalancer un risque rendu très élevé par une conjoncture difficile, d'autant que les personnes ayant les moyens de se lancer dans ce type d'investissement ne sont pas assez nombreuses pour exercer un impact significatif sur l'économie tout entière.

Les seuls emplois créés par ces nouveaux dispositifs du financement participatif sont des postes de consultants spécialisés et tout l'écosystème (presse spécialisée) qui leur est associé. Il est indéniable que le financement participatif est une formule nouvelle qui révolutionne le cycle traditionnel de production. Nous passons d'un cycle où le financement précède la fabrication et la diffusion du nouveau produit à un cycle réduit où le financement fait partie intégrante de la diffusion, ce qui diminue les risques pour l'entreprise. C'est prometteur, mais, actuellement, ce mode de financement reste l'apanage d'une petite minorité et ne pèse que de façon marginale sur l'ensemble de l'économie.

Les entreprises françaises entre le marteau et l'enclume

L'étau se resserre sur les entrepreneurs qui sont contraints de baisser leurs prix de vente alors qu'ils subissent des ponctions fiscales et sociales en forte hausse. On nous rebat les oreilles du nombre de créations d'entreprises. Disons-le franchement, la majorité de ces entrepreneurs s'y résout faute de pouvoir trouver un emploi.

Une récente étude de l'Insee dépeint l'aversion pour le risque des Français, qui délaissent les actifs risqués pour leur épargne. Faut-il souligner qu'on doit disposer d'un niveau de richesse suffisamment important pour se permettre de prendre des risques ? Le reste de la population ne peut se permettre de prendre le risque de perdre la totalité du peu qu'il lui reste.

Dans un contexte économique atone, où les taxes et prélèvements de toutes sortes augmentent plus vite que les revenus, on ne s'étonnera pas si la seule variable d'ajustement est le gain de productivité par des licenciements, ou plans sociaux, ce qui entraîne des conséquences néfastes sur l'économie dans son ensemble.

Les gouvernements de gauche ou de droite ont-ils vraiment tout fait pour diminuer le chômage ? Aucun des gouvernements en place, de droite ou de gauche, ne parvient à diminuer la dépense publique et, pour diminuer les déficits publics, ils ne peuvent faire autre chose que d'augmenter la fiscalité, tant sur les ménages que sur les entreprises. La Commission européenne doute, non sans raison, des résultats qui s'ensuivront en 2017. La fiscalité aurait pu être un levier de création d'emplois. Elle se révèle contre-productive et vise en priorité les seuls susceptibles de créer des emplois.

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Commentaires (13)

  • Arthemis

    Bon diagnostic. La maladie de l'Etat, c'est la Dette. Pour soigner le malade, une fiscalité qui tue toute volonté d'entreprendre. Au bout, la mort de notre économie.

  • benmm

    Depuis 2013, les Chambres consulaires des Tribunaux de Commerce ont mis en place des cellules psychologiques pour venir en aide aux entrepreneurs au bord du suicide. Au vu des chiffres de cet article, on ne sera ps étonné si les entrepreneurs sont au bout du rouleau...

  • ducadimonte

    Excellent article (malheureusement)...

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