Les GAFA

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La puissances des GAFA, Gafa pour Google, Apple, Facebook et Amazon…

Effectivement, GAFA c’est le doux acronymes sous lequel on a pris l’habitude de regrouper ces quatre géants de l’Internet qui dominent le secteur de la tête et des épaules, parfois pour les critiquer – on sait par exemple que leurs pratiques fiscales ne sont pas irréprochables – mais aussi, souvent, pour les admirer, et elles le méritent : voici quatre entreprises américaines dont une seule, Apple, existait il y a 20 ans, et dont chacune pèse aujourd’hui en bourse entre 250 et 650 milliards de dollars, leur valeur totale de 1800 milliards de dollars représente les deux tiers de la production annuelle d’un pays comme la France. La France, justement, où l’on a rien, absolument rien de comparable, nos plus grosses entreprises, les Total, Sanofi ou L’Oreal pèsent chacune plus ou moins 100 milliards, c'est-à-dire 15% de ce que vaut le seul Apple - quant à avoir, chez nous, des géants de la technologie, on en est très, très loin. BFM Business vient ainsi tout juste de distinguer Sigfox, Blablacar et VentePrivée.com parce qu’elles sont les trois premières « licornes » Françaises – « licornes », c'est-à-dire des entreprises technologiques dont la valeur boursière est supérieure à… UN milliard d’euros, chez nous, UN milliard, c’est déjà un succès, voyez qu’on n’est pas du tout, du tout dans la même unité de compte…

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Alors justement, pourquoi ?

C’est une question fondamentale, parce que les GAFA, c’est un succès financier indécent pour les fondateurs et les actionnaires – je vous rappelle qu’Apple réalise la bagatelle de 35 milliards d’euros de bénéfices annuels – mais, au-delà, c’est aussi un formidable atout pour les Etats-Unis. D’abord, ils représentent à eux quatre 370 000 emplois, pour l’essentiel sur le sol américain, et 30 000 de plus environ chaque année - avouez qu’on on ne serait pas fâchés de les avoir… Ensuite, malgré les cabrioles pas toujours très dignes auxquelles ils se livrent pour échapper au percepteur, les Gafa sont, directement et indirectement, de gros contributeurs au budget de l’Oncle Sam – là encore, le budget de la France ne demanderait pas mieux que de recevoir l’équivalent. Enfin, ils rendent le drapeau américain cher au cœur de milliards d’humains utilisateurs heureux de leur iPhone ou de Facebook – une diplomatie soft extrêmement efficace.

Vous ne nous dites toujours pas pourquoi la France n’a pas de géant de la technologie…

J’y viens, la question est d’ailleurs d’autant plus pertinente que la France est mondialement reconnue pour la qualité de ses ingénieurs et plus particulièrement de ses matheux, la Silicon Valley en est d’ailleurs truffée, cet avantage comparatif devrait permettre à notre pays de très bien figurer dans les technologies de l’Internet. Alors, où est le bug, si je puis dire ? D’abord, nous avons un minuscule marché domestique par rapport au marché américain et ses 300 millions de personnes aux goûts et aux déterminismes assez homogènes. C’est très important parce que, quand vous lancez un nouveau produit ou service qui s’adresse au grand public, en déployant les mêmes efforts, vous croissez beaucoup plus vite si vous pouvez vous appuyer sur un vaste marché domestique et cela vous permet, ensuite, d’attaquer le reste du monde – c’est exactement ce qu’ont fait chacun à son tour, et par ordre d’entrée en scène, Apple, Google, Amazon puis Facebook. Vous me direz, et l’Europe ? ET bien, justement, l’Europe n’est PAS un marché, elle est une mosaïque de marchés (avec un s) avec chacun son cadre réglementaire, sa culture et bien souvent sa langue – la conquérir est donc autrement difficile que de conquérir l’Amérique…

Et ça, on n’y peut rien !

A ça, non, mais il y a une autre raison à notre retard dont, pour le coup, nous sommes vraiment responsables, c’est la faiblesse de notre dispositif de financement des start-ups. L’un des ressorts du triomphe de la tech américaine, c’est l’incroyable puissance des fonds de capital risque qui la soutiennent – ils se comptent par centaines et ils injectent des dizaines et des dizaines de milliards de dollars chaque année dans les jeunes entreprises prometteuses, et ça, ça fait une énorme différence avec l’Europe où l’on n’a rien qui ressemble de près ou de loin. Le handicap qui en résulte pour nous est d’ailleurs double : UN, les jeunes pousses peinent à se financer et donc à décoller, et, DEUX, quand elles y parviennent, elles se font très souvent avaler soit par les GAFA, justement, soit même par de jeunes entreprises de technologie américaines qui, elles ont l’argent des capital-risqueurs pour les soutenir.

D’où vient tout cet argent, me demanderez-vous ? Et bien, de multiples sources, dont d’ailleurs les placements des milliardaires de la Silicon Valley qui ont réussi, le cercle est vraiment vertueux, mais aussi et surtout celui des fonds de pension américains, énormes, très riches et qui, du coup, en ne consacrant à la hi-tech naissante seulement quelques pourcents de leurs actifs, peuvent y injecter des sommes colossales – faisant au passage profiter leurs détenteurs, c'est-à-dire M. Tout le monde aux Etats-Unis, d’une partie de la croissance et des bénéfices qu’ils en retirent.

Au total, Guillaume, si nous devons avoir un regret, un seul, au regard de la domination des GAFA, c’est celui-ci : quel dommage que la France, un pays si doué et qui épargne tant, laisse ses talents partir ailleurs faute que l’épargne, qui sert hélas principalement à financer la dette de l’Etat, vienne s’investir dans leurs projets !...

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