Au lendemain de la publication, le 9 novembre, du rapport explosif de l’Agence mondiale antidopage (AMA) qui accuse l’ensemble du système sportif et politique russe de multiples infractions liées au dopage dans le domaine de l’athlétisme, les réactions côté russe se multiplient.

Et les enjeux sont de taille : la Russie risque d’être suspendue de toute compétition en athlétisme, une discipline très populaire dans ce pays, y compris des Jeux olympiques de 2016 à Rio. 


Pour le ministre des Sports, Vitali Moutko, qui a qualifié les accusations de l’AMA d’infondées, l’agence “n’a pas le droit de suspendre” la Russie. Dans une interview à une chaîne de télévision russe, il a toutefois admis qu’“une bonne partie des problèmes pointés par le rapport sont corrigibles”, alors que, pour d’autres accusations, “les faits restent à prouver”, rapporte le site russe Vzgliad.

Le Kremlin a pour l’heure refusé de s’exprimer sur le sujet. Interrogé par les journalistes sur l’implication des services secrets russes dans le système du dopage mise en lumière dans le rapport, le porte-parole du président russe, Dmitri Peskov, s’est limité à dire que “cette question ne fait pas partie de l’ordre du jour du Kremlin”.

“Manque de professionnalisme”

Nikita Kamaev, directeur de l’agence antidopage russe (Rusada), également épinglée par l’AMA, a cherché à dénigrer le travail des enquêteurs, déclarant que “le rapport manque de professionnalisme, certains éléments paraissent incohérents et purement déclaratifs”, cite Vzgliad. Les responsables politiques ont également rejeté les accusations, à l’image du député Sergueï Poddoubny, vice-président de la commission des Sports à la Douma [Chambre basse du Parlement russe], qui a annoncé que les déclarations du rapport étaient “politiques” et qu’“elles n’ont aucun rapport avec le sport”.


Svetlana Jourova, ex-championne olympique de patinage et vice-présidente de la commission des Affaires étrangères à la Douma, a, quant à elle, mis en doute la légitimité des recommandations du rapport. “Il reste encore à prouver que les infractions ont été commises par la Fédération [russe d’athlétisme] et non par quelques athlètes”,  a-t-elle déclaré au journal Vedomosti. Elle estime par ailleurs que l’enquête de l’AMA est utilisée comme “un instrument de pression psychologique sur les sportifs russes avant les Jeux olympiques de Rio”.

Les entraîneurs russes de croient pas au sport sans dopage

En revanche, les résultats du rapport ne surprennent pas Sergueï Ilioukov, expert antidopage et médecin de l’équipe olympique de Finlande, interrogé par le quotidien économique RBC, qui estime que “ces résultats étaient attendus, la situation de l’athlétisme russe est telle qu’elle est décrite”.

Pour lui, ce rapport, qui a le mérite de “mettre à nu le problème du dopage en Russie”, n’a pas été dicté par des motivations politiques. Le problème vient du système russe de préparation des sportifs, très différent du système européen. Il manque notamment d’entraîneurs qualifiés, poursuit Ilioukov.

“Le dopage est un moyen de camoufler et de compenser le retard au niveau des technologies”,

note cet expert.

Pis, beaucoup d’entraîneurs russes ne croient pas que le sport sans dopage soit possible. Et de conclure : “Le problème ne pourra pas être résolu par quelques limogeages, il faut une vraie révolution.”