“Des forces de l’ordre cagoulées, et donc impossibles à identifier, ont investi hier 9 novembre la maison de Salah Diyab, fondateur du journal Al-Masry Al-Youm”, rapporte le journal en question. Diyab est en état d’arrestation depuis dimanche 8 novembre déjà et ses avoirs financiers sont bloqués. Il est accusé de s’être enrichi à l’ère de Moubarak et de refuser, depuis, la restitution quelque neuf cent millions de livres (environ 110 000 euros) que l’Etat lui réclame pour clore le dossier.

Mais selon le quotidien lui-même, le fond de l’affaire serait tout autre. Il s’agirait en réalité d’une “mesure de rétorsion après la publication de critiques ouvertes dans les pages du journal”. Et d’ajouter : “Pourtant, Al-Masry Al-Youm ainsi que ses propriétaires vouent un respect total au président Abdelfattah Al-Sissi. Si critique il y a, cela ne vise que des ministres, et cela dans l’intérêt du pays.”

Quoi qu’il en soit de cette affirmation d’allégeance de la part du journal, cette arrestation semble bien traduire des tensions qui ne concernenet pas seulement la famille Diyab et le journal Al-Masry Al-Youm, mais plus généralement la presse privée et les grands hommes d’affaires qui les détiennent, tels que les journaux Al-Shorouk, Al-Tahrir, Al-Youm Al-Sabee ou Al-Watan, ainsi que de grandes chaînes de télévision comme On-TV ou CBC.

Car aux côtés de Diyab, un des autres propriétaires du journal n’est autre que Naguib Sawiris. Outre qu’il est probablement l’homme le plus riche d’Egypte, il a également des ambitions politiques. Il dirige en effet le Parti des Egyptiens libres, au sein de la coalition “Pour l’amour de l’Egypte”, qui a fait de bons scores lors de la première phase des élections législatives en cours. S’il est pro-régime, il ne se cache pas pour autant de vouloir jouer sa propre partition politique.

“Cette arrestation, et sa mise en scène humliante, avec Diyab en menottes, permet de spéculer sur l’avenir des relations entre le président Sissi et les milieux d’affaires qui avaient soutenu, dans un premier temps, son coup d’Etat”, explique le site qatari Al-Araby Al-Jadid.

“Cela permet au régime de faire d’une pierre plusieurs coups”, ajoute le site. Non seulement de désigner des boucs émissaire pour détourner “la colère croissante dans la population face à la dégradation de la situation” économique et sociale, mais aussi d’adresser un “message à tous les hommes d’affaires qui rechignent à payer les sommes que l’Etat leur réclame”. Et finalement, de mettre en garde “les médias qui commencent à oser de formuler des critiques”.