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Billet

Justice: Marine Le Pen et la stratégie de la victimisation

En refusant pour la deuxième fois de répondre à la convocation des juges dans l'enquête sur le financement du FN, la présidente du parti d'extrême droite ne respecte pas le droit mais crie à la «persécution».
par Jonathan Bouchet-Petersen
publié le 11 novembre 2015 à 12h33

C'est ce qui s'appelle avoir une conception de la justice à la carte. Pour la deuxième fois, Marine Le Pen a refusé de répondre à la convocation des juges, sous le statut de témoin assisté, dans l'enquête sur «l'affaire Jeanne» portant sur le financement du FN. La présidente du Front, avocate de formation, affirme qu'elle attend le résultat de la requête en suspicion légitime déposée auprès de la Cour de cassation, jugeant au mépris du droit que cela l'exonère d'être entendue par les juges. Sur le plan de la procédure, si la présidente du FN persiste dans sa posture, les magistrats peuvent au choix délivrer un mandat de comparution, remis par un officier de police judiciaire, ou carrément un mandat d'amener. Dans ce cas, les forces de l'ordre viennent vous cueillir et vous emmènent menottes aux poignets dans le bureau du juge. L'image serait forte.

On finit d'ailleurs par se demander si ce n'est pas ce que cherche en fait Marine Le Pen: apparaître menottée, tel DSK à la sortie d'un obscur commissariat de New York (la pratique est toutefois interdite par le droit français), elle qui dénonce depuis plusieurs semaines la «véritable persécution judiciaire» que mènerait Christiane Taubira à son endroit. Notamment lorsque l'eurodéputée a comparu fin octobre pour ses propos sur les prières de rue comparées à l'occupation. Un dossier dans lequel le parquet a pourtant demandé la relaxe de la présidente du FN, ce qui a illico fait dire à Jean-Luc Mélenchon qu'une telle clémence ne pouvait qu'être une «manœuvre» de la ministre de la Justice et de François Hollande. Le jugement définitif doit être rendu le 15 décembre. Une relaxe ne viendrait pas crédibiliser le refrain mariniste de la «persécution» politique.

Dans l'enquête portant sur le financement du FN, les juges soupçonnent le parti d'extrême droite, le microparti Jeanne et le principal imprimeur du mouvement (Riwal) d'avoir mis en place, avec de l'argent public, un système d'enrichissement frauduleux. Une dizaine de personnes sont déjà mises en examen, dont plusieurs membres du premier cercle de Marine Le Pen parmi lesquels le trésorier du FN et tête de liste en Ile-de-France, Wallerand de Saint-Just. Elle-même tête de liste dans la région Nord-Pas-de-Calais-Picardie, la présidente du Front n'a pas manqué de dénoncer sa convocation avant le scrutin comme un acte politique. Forcément. Oubliant que c'est parce qu'elle avait refusé de se présenter la première fois qu'elle a de nouveau été invitée à se présenter devant les juges. L'attitude est d'autant plus choquante quand la même Marine Le Pen vante à longueur de tribunes les vertus d'une police inflexible et d'une justice intransigeante. Qu'entendrait-on dans la bouche de la leader d'extrême droite si le premier délinquant venu calquait en l'espèce son comportement sur le sien.

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