La Cocarde, un faux-nez de l’extrême-droite à l’université

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le 12 Nov 2015
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Ils ne sont qu'une quinzaine mais pourraient changer la donne au sein des syndicats étudiants. La Cocarde fait son entrée dans les élections universitaires cette semaine.

La Cocarde, un faux-nez de l’extrême-droite à l’université
La Cocarde, un faux-nez de l’extrême-droite à l’université

La Cocarde, un faux-nez de l’extrême-droite à l’université

Un petit nouveau a fait irruption dans le scrutin des élections étudiantes à Aix-Marseille université lundi et mardi. La Cocarde, c’est son nom, une association créée il y a tout juste un mois, est venue ajouter son grain de sel dans la course aux sièges au sein des conseils centraux, les organes de décision de l’institution. Une telle désignation ne laisse pas trop de place au doute : c’est sur les terres de droite que chasse la Cocarde, et même bien à droite.

La cellule installée dans l’académie Aix-Marseille est l’émanation de la création au printemps dernier du syndicat national la Cocarde étudiante. L’organisation est née, explique Fabien Gallinella, co-responsable de la cellule aixo-marseillaise, “d’étudiants proches de l’UMP et ex-FN, non encartés pour l’essentiel, qui se sont trouvés des atomes crochus“. Un article de La Croix, daté de septembre dernier affirme que la Cocarde représente ainsi la première concrétisation de l’abolition du “cordon sanitaire” entre le Front national et les autres partis de droite, pour le plus grand plaisir du vice-président du FN.

Sur les terres de l’UNI

Selon les premiers résultats non-officiels du scrutin de cette semaine, la Cocarde aurait obtenu 211 voix sur 8000 – seuls 10 % des étudiants ont voté. Un score insuffisant pour siéger au conseil d’administration, mais suffisamment pour agacer l’UNI, qui aurait bien ajouté ces voix aux 1072 qu’elle aurait obtenues. Le syndicat historique de la droite fondé un an après mai 68 connaît une forte progression derrière l’UNEF (proche de la gauche du PS) et la FAGE qui reste en tête (rassemblement d’associations et de corporations), mais il voit d’un mauvais oeil ces concurrents directs. “À terme, toute division des voix de droite pourrait bien sûr nous nuire et contribuer à renforcer les syndicats de gauche”, reconnaît Clément Armato, responsable UNI local, pas encore inquiet, mais vigilant.

Car il n’y a pas que les voix, il y a aussi les militants, et selon Fabien Gallinella, les premiers militants UNI déçus sont venus prendre contact. Pas d’hémorragie au niveau local et quelques transferts au national, pour Clément Ornato qui n’imagine pas de partenariat avec ce “concurrent comme un autre“. Concernant leur programme électoral, il est aussi lapidaire : “Leurs idées sont les nôtres, qu’ils nous piquent à chaque fois que l’on publie un communiqué”. Il est certain que les propositions du jeune syndicat sont tantôt vagues (“décentraliser la gestion de l’AMU”), tantôt très basiques (“faciliter l’accès aux copies des partiels”, “augmenter le nombre de prises dans les amphis”) mais jamais révolutionnaires.

 

 

Des frontistes bien de chez nous

Mais pour le responsable de l’UNI, le faux-nez est identifié : “À Aix, c’est clairement le FN qui est aux commandes.” Et les deux co-fondateurs de l’antenne locale ne prennent pas vraiment la peine de s’en cacher. Bien qu’il se défende d’être “la courroie de transmission d’un parti comme le sont l’UNI et l’UNEF”, Fabien Gallinella, en cinquième année de droit, et Hubert Escavi, en deuxième année de mathématiques, affichent sur les réseaux sociaux leur amour du Front. Hubert utilise comme image de profil Twitter l’affiche de campagne de Marion Maréchal-Le Pen et poste des photos de Stéphane Ravier. Fabien figure sur le même réseau social sous le nom de “@FabienG_FN”, ce qui laisse peu de doute quant à son orientation partisane. Au téléphone, ce dernier semble découvrir ce point commun : “Ah bon, eh bien vous venez de nous faire découvrir un nouvel atome crochu alors !, s’exclame-t-il benoîtement. Vous savez on ne demande pas aux gens où ils sont encartés !”

Concernant leur ligne idéologique, un mot qu’il utilise sans économie, Fabien Gallinella préfère peser ses propos et consulte à voix basse son acolyte avant de répondre : “Indépendance et souverainisme !” Il ajoute : “L’indépendance des partis, ça ne veut pas dire qu’on est neutres pour autant, nous annonçons la couleur, nous sommes patriotes !”

Une autre expression qui revient beaucoup dans le discours du jeune patriote est celle de “sociologie politique” qu’il utilise pour expliquer le positionnement local de la Cocarde. “À Marseille, le FN peut atteindre 40%, forcément les choses sont différentes à Paris !” et l’actuelle bataille électorale des régionales ne va pas le détromper. “Forcément, cette campagne en PACA, c’est la preuve de la droitisation des esprits, que je préfère appeler le retour à la normale et forcément, cela joue en notre faveur.” Autre spécificité locale, la Cocarde aixo-marseillaise se revendique provençale, “et donc fédéraliste !“. Pour des patriotes, cherchez l’erreur.

Sage dans les gestes – “le temps des barres de fer est révolu !” – la Cocarde Aix-Marseille ne polisse pas son discours, lequel fleure bon l’extrême droite. Erasmus, oui, les étrangers, soit, mais sus au “communautarisme, égalitarisme et autres mots en isme !” s’emporte Gallinella dans une allitération devenue un incontournable des discours frontistes. Sur Facebook, les syndicalistes patriotes ont dénoncé les soutiens “communautaires de l’UNEF“. “Ces associations ont le droit d’exister, mais quand on est soutenus par eux, on leur doit des comptes. Quand c’est des Malgaches, bon, pas trop d’inquiétudes, mais des Tunisiens, Marocains, Algériens… Qui nous dit qu’ils ne réclameront pas de menus hallal au restaurant universitaire ?“, s’inquiète-t-il dans un registre sans trop d’ambiguïtés.

Amitiés assumées

Si elle se défend d’avoir des soutiens politiques, “ce qui serait plutôt un problème vu la désaffection des jeunes envers la politique“, la Cocarde ne refuse pas de petits coups de main de temps en temps. Des syndicalistes de l’UNEF auraient aperçu des militants royalistes de l’Action française diffuser des tracts de la Cocarde pendant la campagne. Cette fois encore, Galinella feint l’étonnement mais ne se dérobe pas : “Moi-même je ne suis jamais allé à leurs réunions, mais il y a sans doute des gens de chez eux chez nous, et nos militants nous donnent jusqu’ici entière satisfaction !” Faut-il y voir un hasard si ces même militants vivent en très bonne entente avec Stéphane Ravier ? Avec pour projet de s’étendre à toutes les universités de la région, la Cocarde Aix-Marseille compte poursuivre sa route en toute confiance. Avec le vent électoral dans le dos, elle joue tranquillement son rôle de laboratoire d’une nouvelle droite extrême et sans frontières.

corrections vendredi 13 novembre 19 h 24 : après publication des résultats par l’université, l’Uni est toujours derrière l’UNEF et la FAGe en termes de voix, mais passe en effet second en terme de sièges aux différents conseils. Le scrutin a compté 8000 votants.

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