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Donner mon opinion ne justifie pas vos menaces de viol

Il y a quelques semaines, j'ai vécu un moment incroyablement blessant : un type complètement ivre s'est approché pour me dire, sur un ton très condescendant, que je devrais sourire un peu plus.
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Laissez-moi commencer par dire que notre monde et Internet peuvent être des endroits à la fois merveilleux et horribles, et qu'il est parfois plus simple de faire comme si les crétins qui peuplent ces deux univers n'existaient pas. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Ils existent bel et bien et quand ils allument des crottes de chien sur votre palier, vous vous dites qu'il faut répliquer.

Il y a quelques semaines, j'ai vécu un moment incroyablement blessant : un type complètement ivre s'est approché pour me dire, sur un ton très condescendant, que je devrais sourire un peu plus.

De toute évidence, il pensait que je trouverais ça charmant. "Salut, ça fait un moment que je t'observe [sa première phrase, pas du tout inquiétante quand on est une femme] et tu devrais sourire un peu plus. T'es pas très belle quand tu fais la gueule."

Pour vous situer le contexte, j'étais de permanence sur la tribune de l'association Still Kickin, à prendre des inconnus et des amis dans les bras toutes les dix secondes pendant qu'ils pleuraient une personne disparue, et que j'en faisais de même en pensant à mon mari décédé.

Je n'ai pas trouvé sa remarque charmante, et j'ai publié la photo ci-dessous.

À ceux qui se disent : "Eh, ça va, Nora. On n'a même plus le droit de te dire de sourire? Pète un coup."

Je réponds : non, merci.

On ne demande pas aux hommes de sourire comme si c'était leur boulot. Je ne vais pas voir les mecs pour leur dire : "Eh, machin, souris! Tu es tellement BEAU quand tu souris!"

Pourquoi est-ce que je ne le fais pas? Parce que c'est trop bizarre, impoli et que je n'ai pas à leur dire comment ils devraient se comporter. Je ne les connais pas, je ne sais pas ce qu'ils traversent. Et ils ne sont pas là pas pour se conformer à l'idée que je me fais des mecs. Parce que ce sont des personnes à part entière.

Suite à cet échange vraiment très agaçant, j'ai publié ceci sur Twitter.

"J'emmerde ceux qui disent aux femmes de sourire"

Surtout quand je viens de passer des heures à récolter des fonds pour mon association et à pleurer en public, qu'un mec bourré me dit que je serais plus jolie si je souriais, et que je lui réponds : "Euh, sans façon."

Et aujourd'hui - c'est-à-dire des semaines après -, un pauvre mec qui cherchait des féministes sur Twitter pour les «troller» est tombé sur cette publication et l'a retweetée, dans le but d'encourager ses 15 000 abonnés à me descendre. C'est ce qu'ils ont fait.

"Qu'est-ce qu'il y a encore???? C'est interdit de vouloir que les femmes soient heureuses maintenant?"

Et voilà, c'est parti.

"Alors fais la gueule, espèce de bimbo."

"@BudgieBigelow @noraborealis Cette connasse a l'air charmante"

Ah ouais. Psychologie inversée. Je vois le truc.

"Si tu ne souris pas quand je te dis de le faire, dis au revoir à tes dents"

Très cool ton tweet suivant, mon pote.

"Souris, sale connasse"

Belle réplique, très fière de toi et de tes abonnés.

"T'es jolie quand tu souris, espèce de bimbo"

Ah, on dirait que quelqu'un a lu The Game : Les secrets d'un virtuose de la drague!

Et la réponse par défaut : "Quelle conne, c'est une bimbo" (merci pour cette insulte des années 1990, les gars) et le contenu de la photo ci-dessous.

"@_Syncophant_ @noraborealis En plus, c'est facile. Si tu veux qu'une femme te sourie, il suffit de la violer. Ha ha!"

Merci de m'avoir citée, c'est parfait pour finir en beauté ma journée de travail.

"J'ai pas l'impression que les filles m'en veulent de leur sourire parce qu'elles sourient aussi"

"@_Syncophant_ lol elle m'a bloqué"

"@_Syncophant_ elle cache son besoin pathétique de poster des selfies derrière un message politique dépassé, je l'encule"

"@_Syncophant_ @noraborealis en plus, c'est facile. Si tu veux qu'une femme te sourie, il suffit de la violer. Ha ha!"

Notez le mépris affiché des selfies, on y reviendra dans deux minutes.

Et même si j'avais envie de répondre, pour remettre à leur place chacun de ces petits mecs tremblotants, je me suis retenue. J'ai passé mon compte en privé et j'ai attendu dans la voiture que mes mains arrêtent de trembler et que mon cœur cesse de battre la chamade.

J'ai fait ça parce que, contrairement à ces hommes et leur pseudonyme virtuel, c'est mon visage et mon nom qui s'affichent. Et parce que j'ai peur des représailles, j'ai dû me protéger sur Internet, comme je l'aurais fait si un homme m'avait dit ça dans la rue et que j'avais dû courir m'enfermer chez moi.

C'est. ça. la. culture. du. viol.

C'est un groupe de mecs qui se sentent si menacés par les femmes qui expriment leur opinion que ça ne leur fait rien d'écrire un tweet comme celui-là. C'est juste une blague. Je n'ai pas d'humour ou quoi? Pourquoi est-ce que je joue les connasses quand on me dit juste de sourire? D'où est-ce que je me permets de poster un SELFIE et de dire aux hommes comment je veux être traitée?

Au fond, cet échange n'a pas vraiment d'importance. Ces types-là ne sont rien pour moi et je pourrais me contenter de les ignorer, de faire comme si rien ne s'était passé, d'espérer qu'ils me laissent quitter leur univers et rester du bon côté d'Internet. Mon mari est mort dans mes bras. Alors, sur l'échelle des choses qui comptent, ces quelques tweets n'ont aucune importance.

Même à l'échelle de Twitter, véritable fosse septique (Jack, c'est le moment de mettre les mains dans le cambouis), ce n'est rien. Les femmes vivent des choses bien pires au quotidien.

Et c'est pourquoi ça compte.

Ça compte parce que ça arrive à toutes les femmes que vous connaissez. Toutes. Sans exception. On connaît tous une histoire du même acabit. Dans la vie réelle ou sur Internet. Une histoire où on nous intimide, où on nous fait taire parce qu'on a dit ou fait quelque chose qu'un homme n'a pas aimé.

Mais ces histoires sont le reflet de la haine vile et ressassée dans les coins sombres d'iInternet. Parce qu'il ne s'agit pas de simples pseudos sur un écran, mais d'hommes avec lesquels nous partageons cette planète, qui nous détestent, instinctivement, parce que nous osons donner notre avis sur la façon dont on nous traite. De types dont la réponse par défaut à une femme qui dit qu'elle ne veut pas qu'un mec bourré lui dise quoi faire est immédiate, violente, dans le seul but de la faire taire.

Ne réagis pas, m'a conseillé l'une de leurs abonnées. S'ils perçoivent une faiblesse chez toi, ils vont te réduire en lambeaux.

Eh bien, ma faiblesse, c'est que je suis vivante et que je suis une personne à part entière. Je n'aime pas que des connards me demandent de sourire ou de me taire. Je n'ai aucun plaisir à tendre l'autre joue quand des anonymes menacent de révéler mes coordonnées ou de m'insulter toute la journée parce qu'ils n'aiment pas les grosses méchantes féministes.

De la même manière que je n'aime pas avoir peur du viol et de la violence, dans un monde où seuls 5 % des violeurs sont reconnus coupables, parce que la misogynie existe vraiment.

Je veux me sentir en sécurité dans mon corps et sur Internet. Et je veux que toutes les femmes puissent l'être.

Je ne sais pas qui est ce type, et je parie qu'il a une mère qui l'aime, qu'il est sympa avec certaines personnes et qu'il paie ses impôts en temps et en heure. Je ne sais pas ce qui arrive aux gens pour qu'ils deviennent comme ça. Je sais simplement que les femmes méritent mieux et qu'il y a des règles :

Tu n'as pas le droit de me forcer à bloquer mon compte.

Tu n'as pas le droit de me faire peur.

Tu n'as pas le droit de te cacher derrière un pseudonyme quand tu postes des selfies, quand tu parles de viol ou tu utilises un langage ordurier. Surtout si c'est pour dire : "Oh, ça va, on rigole. On s'amuse à jouer les gros cons, tu ne comprends pas ça, pauvre conne, avec ton mini cerveau de femme?"

Tu n'as pas le droit de faire ça.

*Petit sourire.*

Et attends, qui a un besoin pathétique de poster des selfies? Ah oui, j'avais oublié, L'HUMANITÉ ENTIÈRE.

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Ce blogue initialement publié sur le Huffington Post États-Unis a été traduit de l'anglais.

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