l'écrivain Christian Bobin pose, le 04 octobre 2005 sur le plateau de l'émission littéraire de TF1 "Vol de nuit" à Paris. AFP PHOTO BERTRAND GUAY

Christian Bobin (Ici en 2005).

AFP PHOTO BERTRAND GUAY

Il existe en ce bas monde des magiciens capables de transformer la douleur en lumière. On donne à ces êtres rares et nécessaires le nom de poètes. Christian Bobin est l'un d'entre eux, et ses livres sont un baume dont on recouvre les plaies, passées ou à venir.

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L'unique question quand on lit les recueils de Christian Bobin est la suivante: comment fait-il? Il y a vingt ans, il perdait la femme qu'il aimait. De ce drame, il tirait un livre fulgurant, qui remporta un immense succès: La Plus que vive. Aujourd'hui, il ouvre à nouveau la malle aux souvenirs. Elle est intacte. Il en sort un déchirant éloge du manque, cette "lumière donnée à tous".

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Il y a une forme de joie, communicative, dans ces pages, une façon de défier la mort en célébrant une vie passée dans les souvenirs, le chant des oiseaux, la contemplation des saisons, le manque: "Rien de plus heureux que de penser à ceux qui ne sont plus: ils reviennent par cette pensée et c'est comme si on gagnait au bras de fer avec la mort, éprouvant la douceur d'être momentanément vainqueur des ténèbres."

Contre l'uniformisation de la pensée

C'est donc en vainqueur - momentané - que le poète nous livre sa méditation, un sourire aux lèvres. Le sourire, seule preuve que nous sommes vivants. Et qui conduit à se convaincre que "c'est assez beau, cette vie où on ne peut rien faire qu'échouer, tu ne crois pas?".

Nulle forme de gémissement, de jérémiade, de plainte dans les textes de Bobin. A sa manière, il lutte contre l'uniformisation de la pensée qui menace une époque où nous sommes tenus en laisse par la passion de l'argent, du profit, de la vitesse. Comment? La réponse est dans ce paragraphe admirable: "Aux modernes qui ne savent que compter, j'oppose la lente passion des nuages, les heures ardentes au chevet d'une phrase, et ton visage quand une crédulité le visitait."

Eloge de la lenteur, des livres, de l'étonnement, de la curiosité. Qui mène à cet aphorisme, plus surprenant, mais dont la force et la pertinence se dévoilent au fil des pages: "Comme mes frères les moineaux je travaille paisiblement à l'effondrement des banques et des maisons de retraite." Un travail salutaire.

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