Emmanuel Macron : « J'assume d'être libéral »

LE PARISIEN MAGAZINE - Habitué à contester les modèles établis, au risque de fâcher, le ministre de l'Economie nous explique pourquoi il mise sur les nouvelles technologies pour créer des emplois. C'est maintenant ou jamais dit-il, quitte à bouscul

Emmanuel Macron : « J'assume d'être libéral »

    Après ses sorties tonitruantes sur les 35 heures et les fonctionnaires, le ministre de l'Economie, bientôt 38 ans, avait été prié de se calmer. Mais avec son projet de loi sur les « nouvelles opportunités économiques » qu'il présentera en janvier, et dont il a esquissé les contours le 9 novembre, il s'attaque de nouveau à des totems de la gauche, tels les sacro-saints modèles du salariat et du CDI. Dans l'interview qu'il nous a accordée le samedi 7 novembre, il va même jusqu'à se déclarer « libéral », en comptant sur la concurrence des entrepreneurs du Net pour transformer l'économie française, des PME aux grands groupes, de l'industrie aux services. A l'heure où Airbnb (location de logements entre particuliers) bouscule l'hôtellerie, où Uber (voitures avec chauffeurs) assomme les taxis, où Blablacar (covoiturage) chatouille la SNCF et les constructeurs automobiles, il en est convaincu : notre économie doit muter pour créer des emplois. Et rapidement. Plutôt qu'une menace, Emmanuel Macron voit dans la révolution en cours une chance pour le pays.

    Extraits de l'interview du Parisien Magazine.

    Les promesses de la révolution numérique

    C'est une grande transformation qui s'accélère parce qu'elle n'est pas seulement technologique, elle est aussi enclenchée par les usages. Les gens modifient leurs comportements. Ils ont arrêté d'acheter des CD pour télécharger des morceaux en ligne, changé leur façon de s'informer ou de téléphoner. (â?¦) Cette transformation a des conséquences multiples : elle affecte la façon d'innover, en brisant les remparts entre les disciplines et elle change profondément notre modèle productif. (â?¦) Cette révolution est inévitable. La question est de savoir à qui elle bénéficiera : si nos entreprises ratent cette mutation, ce sont leurs concurrents qui en profiteront.

    Le rôle de l'Etat

    L'Etat doit établir un cadre pour faire émerger les champions de demain et créer les emplois ici, en France. Il doit continuer à donner plus de souplesse au marché du travail, en protégeant les personnes plutôt que les emplois. Il doit enfin veiller à la protection des données et des libertés individuelles. Et surtout lutter contre la tendance française à voir le numérique comme une menace.

    La guerre entre taxis et VTC

    Eriger des murs pour se protéger revient à ralentir notre capacité d'innovation et à laisser d'autres acteurs capter les nouvelles activités. On peut résister à la concurrence des voitures avec chauffeur Uber, ou bien en profiter pour faire évoluer les pratiques du secteur. Et tout le monde s'accorde à dire qu'il y avait des progrès à faire. Certains réseaux de taxis ont choisi d'améliorer leur offre et la qualité du service : leurs chauffeurs proposent des bouteilles d'eau et bonbons à leurs clients, mettent des cravates... L'innovation permet donc d'ajuster l'offre dans le bon sens. (â?¦) La vraie question, c'est qu'il y a des gens qui ne trouvent pas de job, pas de place dans le système. Si Uber est devenu l'un des premiers employeurs d'Ile-de-France dans les quartiers difficiles, c'est bien en offrant une solution alternative aux jeunes sans qualifications. Je préfère que les gens rentrent dans la vie active par l'auto-entreprenariat ou la micro-entreprise, plutôt qu'ils se retrouvent au chômage. Nous devrons simplifier la création d'entreprise individuelle, réduire les différences entre les statuts et faciliter l'évolution entre celui de non-salarié et de salarié sans repartir de zéro, refaire toutes les démarches, les investissementsâ?¦

    Les nouveaux parcours professionnels

    Regardons la vérité en face : certains secteurs vont être chamboulés. Mais nous pouvons accompagner cette transition technologique par l'investissement en capital et en formation. (â?¦) Il faut ainsi donner plus d'autonomie aux individus pour qu'ils soient mobiles et capables de s'adapter aux ruptures que chacun connaît désormais au cours d'une carrière : passer d'un CDI à un CDD, devenir entrepreneur, changer de métier... Dans ce nouveau contexte, chacun doit être protégé tout au long de sa vie contre tous les grands risques, indépendamment de son statut.

    Le clivage droite-gauche en économie

    C'est le clivage entre les progressistes et les conservateurs qui a du sens. Mais il y a des gens à gauche qui ne sont pas progressistes et des gens à droite qui voudraient l'être. Ma gauche, c'est une gauche qui donne des droits par la liberté. Ce n'est pas une gauche qui se ferme et se recroqueville. J'assume d'être libéral. Je rappelle que, historiquement, le libéralisme est une valeur de gauche, de défense de l'égalité des droits.