Publicité

JO 2024 : Paris sort le grand jeu

Pour la 4 e  fois, la France brigue les Jeux Olympiques. Le Grand Paris a-t-il besoin et les moyens d’organiser cette manifestation à plus de 5 milliards ? Il lui reste deux ans pour convaincre.

021460813133_web.jpg
Photo de famille de sportifs et representants du monde sportif sur les berges de la Seine

Par Catherine Sabbah

Publié le 8 nov. 2015 à 14:22

Ce … De part et d’autre de l’Ile-Saint­Denis, à une dizaine de kilomètres au nord de Paris. Ce site de 50 hectares, presque champêtre dans la très dense agglomération, a été plébiscité par les athlètes comme par les politiques pour accueillir le village Olympique. Si, en septembre 2017, à Lima, le Comité international Olympique (CIO) choisit Paris pour organiser les Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, le département de Seine-Saint-Denis sera donc à la fête. Pour quelques semaines, le centre du monde et le cœur battant du sport international. Y seront regroupés le village Olympique, le Stade de France, le centre aquatique à Aubervilliers, le village des médias au Bourget… D’ici là, reste à remporter quelques matchs de quali­fication. Pour la 4e fois en trente ans, Paris brigue l’organisation de cet événement ­réunissant 15.000 athlètes, couvert par plus de 20.000 journalistes et regardé par plus de 3,5 milliards de téléspectateurs. Des trois défaites précédentes, pour les ­éditions de 1992, de 2008 et de 2012 (sans compter Annecy 2018), les organisateurs ont tiré des leçons.

Pourtant, une fois de plus, le départ n’était pas synchronisé… « Si le mouvement sportif français s’organise, porte un beau dossier, est capable de mobiliser toutes les énergies et de susciter un grand engouement dans le pays, alors en 2024 nous pourrions aussi organiser les Jeux », avait lâché le président François Hollande au Club France, à Londres en 2012. Deux ans plus tard, Anne Hidalgo, le maire de Paris, d’abord réticente – « Je n’ai pas porté ce projet dans ma campagne », disait-elle encore en juin 2014 –, prenait le relais. Elle s’est, depuis, muée en fervente – et obligée – supporteur, avant de devenir capitaine de l’équipe. « Nous les avons bien entendus, explique Denis Masseglia, le président du Comité national Olympique et sportif français (CNOSF), et avons commencé à travailler. En 2001 pour 2008, l’annonce avait été faite par le maire Jean Tiberi et le mouvement sportif était à peine dans la boucle. Pour 2012, la candidature était portée plus par les politiques que par les ­athlètes, cette fois nous avons changé de stratégie. » Qui sera notre Sebastian Coe ? Le profil du double champion Olympique du 1.500 mètres, ancien député, portant beau et haut les couleurs de l’Angleterre pour 2012 ne court pas les rues. Bernard Lapasset, président de la Fédération internationale de Rugby, et Tony Estanguet, triple champion Olympique de canoë, sont sans doute moins connus mais tout aussi ­fonceurs et endurants, prêts à brandir le drapeau français, puis, peut-être, la torche. Ils coprésideront le comité de candidature. Au conseil d’administration de ce groupement d’intérêt public, siégeront la Ville de Paris, la Région, l’Etat et le CNOSF ; à son bureau, les représentants du mouvement sportif seront majoritaires.

Paris favori des « bookmakers »

Contre Budapest et Hambourg, jamais organisatrices, Rome, sans maire et empêtrée dans des difficultés financières, Los Angeles déjà choisie en 1984, Paris partirait favorite. D’autant qu’en 2024 les Jeux auront déserté l’Europe depuis douze ans. Et qu’à Paris, hôte en 1924, ils pourraient fêter un centenaire… C’est ce que pensent les « bookmakers » anglais et américains, qui font déjà leurs pronostics. La capitale, ou plutôt le Grand Paris qui aura alors, espérons-le, une existence institutionnelle, répond en tout cas aux exigences de sobriété et de durabilité de l’agenda 2020 du CIO. « 80 % de l’infrastructure sportive est déjà là, explique Jean-François Martins, l’adjoint aux sports et au tourisme d’Anne Hidalgo. Ce qui était prévu pour 2012 a été en partie réalisé et nous permet aujourd’hui d’être dans la course. » Depuis la dernière candidature, le stade Jean-Bouin a été construit dans le 16e arrondissement, ainsi que le vélodrome, à Saint-Quentin-en-Yvelines. Bercy vient de rouvrir ses portes après un beau rajeunissement, l’Arena 92 à Nanterre sera bientôt achevée, l’extension de Roland-Garros enfin acceptée. Pas de grand stade ? Pas de puissant geste architectural pour séduire le jury ? « Le village, la piscine Olympique sont à imaginer et à bâtir », répond Jean-François Martins. De nombreuses épreuves pourront surtout se dérouler sur des sites spectaculaires adaptés pour l’occasion comme le Grand Palais, le château de Versailles ou le Champ de Mars. « A Londres, l’effet “whaouh” est né de constructions ­temporaires dans des lieux extraordinaires, commente Christophe Dubi, le directeur exécutif des Jeux Olympiques au CIO. Comme l’équitation à Greenwich Park avec la skyline de la City qui se découpait derrière… » Favorable aux candidatures « compactes » comme à Tokyo, sans imposer un parc Olympique, le CIO limite à une heure de transport du village Olympique l’éloignement maximum des sites, sauf à proposer des hébergements temporaires, par exemple à Marseille pour les épreuves de voile.

Publicité

Sur ce plan-là aussi la France se dit prête : même si la Société du Grand Paris regarde avec effroi ce calendrier, dans dix ans, plusieurs lignes du futur métro Grand Paris Express devraient rouler. L’accueil des Jeux et la date butoir de 2024 pourraient d’ailleurs permettre d’accélérer certains chantiers. Les coûts des aménagements Olympiques seront payés par l’Etat, les ­collectivités et des entreprises. Le village, dont la construction est évaluée à 1,4 milliard d’euros, pourrait être préfinancé à 70 % par des promoteurs immobiliers chargés ensuite de la commercialisation des 3.500 logements qui demeureront. Le même montage vaut pour le centre des médias, prévu sur 10 des 27 hectares de l’aire des Vents, à Dugny Le Bourget : 400 millions d’euros pour financer 5.000 chambres transformables en 1.000 logements. Il ­faudra aussi construire une passerelle et au moins un échangeur, élever un mur antibruit au bord de l’A86, enfouir les lignes à haute tension… Les 5 ou 6 bassins du centre aquatique (une centaine de millions) sont un autre gros morceau.

Les organisateurs français annoncent un investissement total compris entre 4,5 et 6 milliards d’euros. C’est beaucoup pour un pays aux finances exsangues. Beaucoup comparé à la disette que connaissent les petits clubs et les communes qui peinent à rénover leurs gymnases. Pour ces raisons budgétaires et devant le manque d’adhésion populaire, Boston a déclaré forfait et Hambourg devrait consulter ses habitants par référendum le 29 novembre. Paris le fera peut-être en 2016.

« Il faut bien préciser de quoi l’on parle, poursuit Christophe Dubi. Les budgets d’organisation des jeux financés par le CIO, la billetterie et les sponsors sont stables depuis Sydney autour de 3,5 milliards d’euros et équilibrés la plupart du temps. Le budget d’investissement dépend des ambitions de la ville hôte. A Sotchi, il a atteint 51 milliards de dollars parce que l’Etat russe souhaitait développer une véritable région sportive et touristique. Barcelone en 1992 avait donné lieu à une énorme transformation urbaine, quatre ans plus tard à Atlanta, les installations étaient beaucoup plus modestes. »

Des installations recyclables

« Rien de neuf, tout doit être transformable, recyclable, ce qui n’évite pas les “éléphants blancs”, ces bâtiments qui ne servent plus à rien après la fête et restent vides, comme à Athènes, comme à Sotchi, comme à Pékin », analyse un sénateur au cœur du dispositif en 2005. « Les coûts d’investissement sont systématiquement sous-estimés, les ­retombées difficiles à évaluer et toujours surestimées », pense de son côté Wladimir Andreff. Ce professeur à Paris-I, spécialiste de l’économie du sport, estime qu’en quête de jeux, toujours mieux organisés, toujours plus spectaculaires, le CIO fait monter les enchères. « Faux, répond Christophe Dubi, de très nombreux exemples montrent que nous ne poussons pas à la consommation ». La décision d’abandonner le projet de stade à 2 milliards de dollars dessiné par l’architecte Zaha Hadid pour les jeux de 2020 à Tokyo a été prise par le gouvernement ­japonais, influencé par le CIO affirment certains. « Nous étions en tout cas sur la même longueur d’onde », dit Christophe Dubi. « Les nouvelles recommandations vont dans le sens de la sobriété. Nous demandons beaucoup plus de détails qu’avant sur la manière dont pourront être reconverties les installations et à quoi elles serviront. Nous poussons les villes à réfléchir à leurs besoins plutôt qu’à appliquer un modèle de franchise », poursuit-il.

Quels sont donc les besoins d’une ville comme Paris ? L’une des plus touristiques au monde, déjà équipée, déjà bien desservie, déjà très visible ? Densément urbanisée ? A Londres, le CIO avait récompensé un projet de mobilisation générale au service d’une génération plus qu’une réflexion urbaine. « Si Paris n’a pas besoin des JO, ils feront le plus grand bien à la France, dit un des responsables du mouvement sportif. Un jeune sur trois ne fait pas de sport en club, pourtant la pratique sportive est structurante à tous points de vue, un apprentissage de la citoyenneté qui peut être bien plus efficace que d’autres politiques publiques très coûteuses ». « C’est une excellente stratégie qui ­servira aussi les habitants du Grand Paris en leur offrant une identité », pense le chercheur et géographe Frédéric Gilli. Et ceux de la Seine-Saint-Denis, en particulier : le département en pleine mutation depuis vingt ans figure toujours parmi les plus ­pauvres de France. « Une communauté a besoin de sentir qu’à un moment on gagne ensemble, pense Jean-François Carenco, le préfet de région. Il est trop tôt pour prévoir les retombées économiques, mais obtenir la candidature serait aussi fort que de devenir champion du monde de football en 1998. »

Après tout, même l’échec de 2005 n’avait pas été vain. Dix ans après, le secteur des Batignolles qui aurait dû accueillir le village est un nouveau quartier de bureaux et de logements à moitié sorti de terre. En France, les campagnes de sponsoring ont à peine commencé avec un ticket d’entrée à 2 millions d’euros déjà payés par la Française des Jeux. Pour mobiliser l’opinion, favorable aux deux tiers disent les sondages, le CNOSF a aussi lancé la vente de bracelets « Je rêve des Jeux », à 2 euros, et une plate-forme de « crowdfunding » pour l’instant peu active, où les « grands donateurs » ­peuvent verser 2.024 euros. La course ­pourtant est déjà lancée, le CIO attend les dossiers des 5 villes candidates dès le mois de janvier.

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres
Publicité