Du Bataclan au Stade de France, quatre témoignages poignants sur les attentats de Paris

Du Bataclan au Stade de France, quatre témoignages poignants sur les attentats de Paris

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Louis Lepron / Konbini

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Par Inès Bouchareb

Publié le

“Médusés d’être vivants”

Sur Reddit, dans un thread intitulé “Fusillade à Paris”, un témoin de la fusillade au Bataclan raconte ce bain de sang sous le pseudo de ThrowAwayFuck2015. Il écrit ces quelques lignes en français, aux alentours de 5h du matin, pour “donner [son] ressenti, “[sa]” version” :

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J’étais au Bataclan ce soir. Je suis rentré chez moi il y a plus d’une heure mais impossible de fermer les yeux de toutes façons.
Au moment où nous avons entendu les “pétards”, j’étais dans la fosse près des marches et j’ai directement couru en direction de la scène sur le côté droit, par réflexe. Dans mon “coin”, tout le monde était entremêlé dans des positions improbables et douloureuses, visage qui fait face au sol, la tête reposant sur ce que l’on trouve, une jambe par exemple. Avec en fond un bain de sang. Et c’est comme ça que le pire jeu auquel j’ai jamais joué a commencé. Le jeu de l’attente. […]
Attendre que la police arrive, sans aucune notion du temps. Sentir des gens se lever pour se faire abattre aussitôt. Et encore. Et encore… […]
Les terroristes n’ont rien dit, à part vers le début quelque chose à propos de la Syrie, de Hollande et du fait que ça n’était que le commencement. Au début, ils “exploraient” les lieux, tirant aléatoirement sur des gens couchés au sol. […]
À un moment (on va dire vers le “milieu” ?), une explosion retentit. D’après d’autres témoins, c’était une grenade qu’ils ont balancée dans la fosse.
Et là le jeu de l’attente prend une autre tournure. Ils ont des explosifs. Des fanatiques armés d’explosifs et sans aucune revendication… Votre cerveau a le don de penser directement au pire: nous ne sommes pas une monnaie d’échange. On cherche du confort dans des jeux de regards avec les quelques personnes que l’on voit pour finalement y trouver la même peur.
Enfin, quelqu’un chuchote “la police est là”. Puis une horde de policiers rentre. […] C’était un soulagement indescriptible. On se regarde les uns les autres, médusés d’être vivants.
On commence à marcher, mains sur la tête, presque joyeux intérieurement. C’est encore une fois vite stoppé par LA vision de CAUCHEMAR. Des dizaines de cadavres, des gens agonisant, une marée de sang dans toute la fosse. Affreux. Horrible.
Je sors rapidement, toujours mains sur la tête, en croisant le personnel de l’entrée du bataclan gisant au sol (les “pétards” que l’on a entendus avant que les terroristes rentrent). Quelques pas en longeant le trottoir et je m’effondre. […] Je tremble de partout. J’ai des acouphènes. Mais je suis vivant.

“On a attendu qu’ils rechargent leurs fusils pour sortir de cet enfer”

Julien Pearce, journaliste pour Europe 1, était lui aussi présent vendredi 13 novembre au Bataclan. Sous le choc, il raconte l’horreur et le carnage à sa radio samedi matin :

Le concert avait commencé depuis trois quart d’heure quand les premiers coups de feu ont retenti à l’arrière de la salle. […] En se retournant et en voyant les trois assaillants qui avançaient vers nous et qui tiraient des rafales de manière aléatoire, on s’est mis à terre, tous les uns sur les autres. Tout le monde criait, il y a eu un mouvement de panique, des personnes ont commencé à marcher sur nous et elles ont immédiatement été prises pour cible par les terroristes. […]
On a attendu qu’ils rechargent leurs fusils pour sortir de cet enfer, on a commencé à essayer de s’approcher de la scène. Les balles ont commencé à siffler dans notre direction, on s’est réfugié dans une petite pièce plongée dans le noir et sans issue : on venait de se remettre dans un autre piège. […]
On entend des armes automatiques qui se vident et se rechargent. J’ai pu passer la tête par la porte et voir un assaillant qui me semblait très jeune, déterminé, froid, calme, effrayant. On a attendu qu’ils rechargent une nouvelle fois leurs armes pour traverser la scène en courant parce que de l’autre côté se trouvait la seule issue : l’issue de secours.
C’est là que j’ai regardé la fosse et vu des dizaines de corps enchevêtrés dans une mare de sang. Au bout de la scène, j’ai vu une jeune femme blessée qui appelait à l’aide. Je l’ai portée et on a couru dans la rue de Charonne : une autre scène d’horreur, une dizaine de corps très sérieusement blessés. On ne voit pas de secours et on court comme des fous furieux. Et au bout de cette rue, on tombe sur des policiers.


Attentats à Paris : le récit de notre...
par Europe1fr

Sauvé par son smartphone

Sylvestre, lui, était présent aux abords du Stade de France vendredi soir. Il a été témoin de l’attentat kamikaze et doit sa vie à son téléphone portable qui a pris le coup alors qu’il l’avait à l’oreille. Il raconte aux caméras d’iTélé : “c’est le portable qui a pris le coup, c’est ce qui m’a sauvé”. Touché par deux autres impacts, dont un au pied et un au ventre “amorti grâce à [s]on blouson”. Sylvestre a conscience que “c’est un miracle”.

“J’ai pensé aux images du 11 septembre”

Daniel Psenny est journaliste au Monde. Il habite derrière le Bataclan et a été blessé vendredi 13 novembre tandis qu’il secourait des blessés qui s’étaient échappés de la salle de concert. Une balle, certainement tirée depuis une fenêtre, lui a traversé le bras gauche. Vers 3 heures du matin, il a été transporté aux urgences de l’hôpital européen Georges-Pompidou, dans le 15e arrondissement. Il attendait d’être opéré samedi matin, comme beaucoup d’autres victimes évacuées vers l’établissement de santé. Il raconte au quotidien :

J’étais en train de travailler chez moi. La télé était allumée, elle diffusait un film dans lequel Jean-Hugues Anglade joue un rôle de flic. J’ai entendu un bruit, comme des pétards, et j’étais persuadé au début que c’était dans le film. Mais le bruit était fort, alors je suis allé à la fenêtre. J’habite au deuxième étage, et mon appartement donne sur les sorties de secours du Bataclan. Parfois, il y a des évacuations un peu agitées, mais là, tout le monde courait de tous les côtés, j’ai vu des mecs par terre, du sang… J’ai compris qu’il y avait quelque chose de sérieux.
J’ai demandé ce qui se passait. Tout le monde refluait vers la rue Amelot ou le boulevard Voltaire. Une femme était agrippée à la fenêtre du Bataclan, au deuxième étage. J’ai pensé aux images du 11 septembre.
Je me suis alors dit que j’allais descendre pour ouvrir aux gens afin qu’ils puissent venir se réfugier. J’ai donc ouvert la porte de l’immeuble. Il y avait un homme allongé sur le trottoir. Avec un autre homme que je n’ai pas revu après, on l’a tiré pour le mettre à l’abri dans le hall. J’ai dû prendre la balle à ce moment-là. Je ne sais plus, j’ai une absence. Mais je me souviens avoir senti comme un pétard qui explosait dans mon bras gauche, et j’ai vu que ça pissait le sang. Je pense que le tireur était à la fenêtre du Bataclan.

On est montés chez un couple de voisins au quatrième étage. Le type qu’on a fait rentrer avait une balle dans la jambe. C’est un Américain. Il vomissait, il avait froid, on a cru qu’il allait mourir. On a appelé les pompiers, mais ils ne pouvaient pas nous évacuer. J’ai appelé une copine médecin qui m’a expliqué comment me faire un garrot avec ma chemise. Et on est restés coincés jusqu’à ce que l’assaut soit donné et que le RAID vienne nous chercher.