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Libération
Récit

Une quinzaine d’interpellations entre la France et la Belgique

Plusieurs suspects ont été identifiés, tous français. Trois frères semblent impliqués : le kamikaze du Comptoir Voltaire ; le loueur de la Polo qui a déposé les tueurs au Bataclan, activement recherché dimanche soir ; et un troisième placé en garde à vue.
par Emmanuel Fansten et Willy Le Devin
publié le 15 novembre 2015 à 21h26
(mis à jour le 15 novembre 2015 à 21h26)

L'enquête judiciaire sur les attentats du 13 novembre s'est brusquement accélérée, dimanche, avec l'arrestation d'une quinzaine de personnes entre la France et la Belgique. Trois frères français ont été formellement identifiés par les services de police. Le premier, Brahim Abdeslam, né le 30 juillet 1984 et résidant en Belgique, est le kamikaze qui s'est fait exploser vendredi soir dans une brasserie du 253, boulevard Voltaire (Paris XIe). Il était connu des services de renseignement belges. Le second, Salah Abdeslam, actuellement en fuite, fait l'objet d'un mandat d'arrêt international (photo ci-dessous). Le troisième, interpellé en Belgique, était toujours en garde à vue dimanche soir sans que l'on connaisse à ce stade son degré d'implication exact.

Brahim et Salah Abdeslam ont loué à leur nom les deux véhicules ayant servi aux attaques parisiennes et retrouvés par la police à proximité des lieux : une Seat Leon noire, découverte à Montreuil (Seine-Saint-Denis), avec à son bord trois kalachnikovs, cinq chargeurs pleins et onze vides. Et une Volkswagen Polo noire, retrouvée vide non loin du Bataclan.

«Commandité en Syrie, coordonnées en Belgique»

Le parquet de Paris a également annoncé l'identification, après relevés et comparaison de ses empreintes digitales, de l'un des trois kamikazes ayant déclenché sa charge à côté du Stade de France. Selon nos informations, il s'agit de Bilal Hadfi, un Français né en 1995 et résidant lui aussi en Belgique. La commune de Molenbeek, dans la banlieue de Bruxelles, apparaît d'ores et déjà comme une base arrière des terroristes ayant frappé sur le sol français. Au cours d'un point d'information avec les présidents des groupes parlementaires, François Hollande a affirmé que les attentats ont été «commandités en Syrie et coordonnés en Belgique». Le rôle des services de renseignement belges, qui ne semblent pas avoir transmis d'informations sur ces trois protagonistes, pose de nombreuses questions.

Quelques heures plus tôt, un autre Français a été identifié parmi les kamikazes. Il s'agit d'Ismaël Omar Mostefaï, 29 ans, déjà connu des services de renseignement pour sa radicalisation. En 2010, la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) a émis à son encontre une «fiche S». Sept membres de sa famille ont été interpellés. Cinq gardes à vue devaient être prolongées dimanche soir.

Les services de police cherchent désormais à comprendre comment les différentes attaques ont pu à ce point être menées simultanément. «Sept kamikazes frappant à une demi-heure d'intervalle, cela réclame un degré d'organisation extrêmement élaboré, explique un policier antiterroriste. Le mode opératoire indique qu'au moins une partie de l'équipée avait reçu un entraînement particulier.» Samedi soir, le procureur de la République de Paris, François Molins, avait évoqué trois équipes de terroristes ayant mené des «actions coordonnées». Tous les kamikazes étaient équipés du même type d'arme et portaient des gilets explosifs composés de TATP (péroxyde d'azote), ainsi que d'un dispositif avec les mêmes piles et boutons poussoirs. Les investigations sur ces différents points risquent d'être encore très longues. L'enquête se poursuit notamment sur les différents lieux des attentats, entre Paris et les abords du Stade de France. Pour les officiers de la police technique et scientifique (PTS), la principale caractéristique de cette enquête est le volume des informations à traiter, à la fois en raison de la pluralité des scènes d'infraction, de la quantité de victimes et du nombre d'assaillants. Seul élément facilitateur pour les policiers : la relative proximité géographique des zones de crime.

«Tout ce qui peut parler est exploité»

Depuis vendredi, plusieurs dizaines d'agents de la PTS s'activent afin de recenser le plus grand nombre d'indices possibles aux abords des lieux, mais aussi à l'intérieur des deux véhicules retrouvés. «Tout ce qui peut parler est exploité, en particulier ce qui est retrouvé autour du corps des kamikazes, explique Frédéric Dupuch, le directeur de l'Institut national de police scientifique (INPS). Il faut surtout faire attention à ne pas polluer les scènes car l'ADN est bavard mais fragile.» Qu'importe l'état des corps, il suffit d'une goutte de sang ou d'un bout de peau pour établir un profil ADN. Ces relevés sont ensuite croisés avec les fichiers policiers et administratifs afin d'identifier les auteurs des attaques si ces derniers se trouvent dans une des bases de données. Ces profils ADN sont essentiels pour le déroulé de l'enquête, même s'ils ne «parlent» pas tout de suite. Chaque scellé est envoyé dans un des deux laboratoires de la PTS, à Paris et Lyon, où s'affairent depuis vendredi soir plus de 80 spécialistes.

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