C'était un discours historique pour François Hollande. Pour la première fois de son quinquennat, le président de la République s'est exprimé lundi, pendant environ 45 minutes, devant les sénateurs et les députés, au Congrès de Versailles. "Nous voulons investir la République de toute la force nécessaire pour lui permettre d'éradiquer les terroristes", a-t-il déclaré. Deux jours après les attentats de Paris, il a fait une série d'annonces visant à renforcer la sécurité dans le pays.

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Une prolongation de l'état d'urgence

Comme cela était attendu, François Hollande a fait part aux parlementaires de son intention de prolonger l'état d'urgence à trois mois. Déclaré dans la nuit de vendredi à samedi, il permet de prendre des mesures exceptionnelles sur l'ensemble du territoire et n'avait pas été mis en place dans une telle mesure depuis la guerre d'Algérie. Dès mercredi, les parlementaires seront appelés à voter une loi en ce sens.

Une modification de la Constitution

Le président de la République a également fait part de sa volonté de modifier la Constitution pour permettre aux pouvoirs publics d'agir, conformément à l'Etat de droit, contre le terrorisme de guerre". Selon le président, l'article 16, qui régit les conditions d'attribution des pouvoirs exceptionnels au président, et l'article 36, qui porte sur l'état de siège, ne sont "pas adaptés à la situation que nous rencontrons". "Cette guerre d'un autre type face à un adversaire nouveau appelle un régime constitutionnel permettant de gérer l'état de crise", a-t-il estimé. Une source gouvernementale a précisé que l'exécutif entend créer "un régime civil d'état de crisepermettant de mettre en oeuvre des mesures exceptionnelles [et] n'apportant à l'exercice des libertés publiques que les restrictions strictement nécessaires à la garantie de la sécurité nationale".

Manuel Valls va s'atteler à cette tâche en concertation avec les parlementaires. Pour modifier le texte fondateur de la Ve République, François Hollande doit soit présenter son texte à un référendum ou obtenir une majorité des 3/5e au Congrès.

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Vers des déchéances de la nationalité

Le président François Hollande a dit son souhait que la déchéance de nationalité puisse être possible pour les binationaux en cas de terrorisme. Cette déchéance ne doit "pas avoir pour résultat de rendre quelqu'un apatride", mais "nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou un acte de terrorisme, même s'il est né Français, dès lors qu'il bénéficie d'une autre nationalité", a-t-il dit. Cette proposition avait été faite par la droite depuis longtemps, et réitérée par Les Républicains après les attentats de janvier.

Le président a également demandé qu'il soit possible "d'interdire à un binational de revenir sur notre territoire, s'il représente un risque terroriste, sauf à ce qu'il se soumette, comme le font nos amis britanniques, à un dispositif de contrôle draconien". Un proche de l'exécutif a précisé que les Français de retour de Syrie pourraient se voir assignés à résidence et être soumis à un "visa de retour". "Ils devront solliciter une autorisation et l'administration fixera les conditions du retour: date, point d'entrée et moyen de transport emprunté, afin de minimiser les risques et de garantir une prise en charge et une surveillance par les services de sécurité dès l'entrée sur le territoire", précise cette source.

>> Retrouvez la conclusion du discours de François Hollande devant le Congrès:

Des créations de postes dans les forces de l'ordre et la justice

"Le pacte de sécurité doit l'emporter sur le pacte de stabilité", a lancé François Hollande qui prévoit de mettre en péril ses objectifs budgétaires pour créer des milliers de postes dans la police, la gendarmerie et la justice. Dans le détail, 5000 postes seront créés dans la police et la gendarmerie dans les deux ans, portant à 10 000 le nombre d'emploi créés dans les forces de l'ordre pendant le quinquennat. Par ailleurs, 2500 postes seront créés dans la justice, notamment dans l'administration pénitentiaire, et 1000 dans les douanes. En plus de ces créations de postes, François Hollande a annoncé qu'aucun ne serait supprimé dans la Défense d'ici 2019.

Une intensification des frappes contre l'EI

Après les attentats revendiqués par l'organisation Etat islamique, François Hollande entend intensifier la riposte militaire contre le mouvement terroriste implanté en Syrie et en Irak. "Notre ennemi en Syrie, c'est Daech. Il ne s'agit pas de contenir, mais de détruire cette organisation", a déclaré François Hollande. Dimanche déjà, l'armée française avait opéré des frappes "massives" contre des positions de l'organisation Etat islamique à Raqqa en Syrie. "Nous poursuivrons ces frappes au cours des semaines à venir", a-t-il indiqué devant le Congrès lundi.

Le chef de l'Etat a, pour la première fois, plaidé pour une coalition commune avec la Russie, qui est engagée en Syrie aux côtés de l'armée de Bachar El-Assad. Il a donc annoncé qu'il allait rencontrer Vladimir Poutine et Barack Obama dans les prochains jours.

Une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU

"Les actes de guerre de vendredi ont été décidés, planifiés en Syrie. Ils ont été organisés en Belgique et perpétrés sur notre sol avec des complicités françaises", a déclaré François Hollande. Les terroristes "poursuivent un objectif: semer la peur pour nous diviser ici et pour nous empêcher là-bas, au Moyen-Orient, de lutter contre le terrorisme". Dans ces conditions, le chef de l'Etat a demandé une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU "pour adopter une résolution marquant une volonté commune de lutter contre le terrorisme".

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