Jean-Jacques Urvoas. "Le risque zéro n'existe pas"

Par Propos recueillis par Yvon Corre

Président de la commission des lois à l'Assemblée, le député finistérien Jean-Jacques Urvoas est le père de la loi sur le renseignement.

Photo Ronan Larvor
Photo Ronan Larvor

On s’interroge beaucoup sur l’efficacité des fiches S. À quoi servent-elles vraiment ? 
Il ne faut pas prêter à ce fichier des responsabilités qu’il n’a pas. Ces fiches S sont une des 21 catégories du fichier de personnes recherchées créé en 1969. Ces fiches sont des outils de travail, ce ne sont pas des dossiers d’interpellation. Ce sont des éléments de police. On ne peut pas leur prêter toutes les vertus. Il y a même plusieurs niveaux de fiche S. Mohamed Merah avait une fiche S5, ce qui ce qui veut dire qu’on devait faire un signalement s’il passait une frontière. 

Nicolas Sarkozy propose que l’on mette un bracelet électronique à tous ceux qui sont fichés S. Qu’en pensez-vous ? 
On ne va pas mettre un bracelet à quelqu’un sur lequel on n’a que des suspicions. La fiche S est justement destinée à nourrir la suspicion pour déboucher sur des interpellations. Les personnes fichées S ne le savent pas puisqu’on les surveille. Par ailleurs, sur les 10.000 personnes qui sont fichés S, toutes ne sont pas des radicaux djihadistes. Rappelons aussi qu’un bracelet électronique correspond à une condamnation, donc à une décision de tribunal. 

La loi sur le renseignement est-elle suffisante ? 
La loi sur le renseignement est utile tous les jours. On parle de ce qui est arrivé mais il y a actuellement en prison 147 personnes pour leur implication dans les filières irako-syriennes, 212 mises en examen, 172 enquêtes judiciaires, 370 interpellations. Tout ça est possible parce que nous avons donné un cadre juridique aux services de renseignement. Mais je ne suis ni un marchand d’illusion ni un promoteur de l’État policier. 

Du coup les moyens sont encadrés. Comment lutter efficacement contre le terrorisme ? 
On passe notre temps à lutter contre le terrorisme. Emprisonner des Français qui reviennent de l’étranger après avoir pris part à des opérations terroristes ce n’était pas possible avant la loi du 21 décembre 2012. Aujourd’hui, ils sont 133 incarcérés pour ce motif. Empêcher les départs ce n’était pas possible avant la loi du 13 novembre 2014. 190 personnes sont actuellement interdites de sortie du territoire. Mais on ne peut pas interpeller des gens au motif qu’ils ont été en voyage. Il faut être sûr des incriminations. 

Mais n’y a-t-il pas quand même des failles ? 
Soit on fait de l’illusion, soit on fait un état policier. Un individu qui vole une voiture et la bourre d’une bonbonne de gaz, je ne connais pas de moyen de prévenir ça. Le risque zéro n’existe pas. La démocratie, ça demande du courage.

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> Cinq des 12 décrets de la loi ont pour l’instant été publiés. Les sept autres le seront d’ici la fin de l’année.

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