Démunis et sans abri, les habitants de Mariana, petite ville de l’Etat du Minas Gerais, dans le sud-est du Brésil, vivent encore la peur au ventre. Après que deux barrages de la ville eurent cédé le 5 novembre, provoquant une avalanche de boue faisant au moins sept morts et 12 disparus, deux autres barrages menacent. Encore une fois, l’entreprise minière Samarco, détenue par le groupe minier brésilien Vale et l’anglo-australien BHP Billiton, est en cause. Après avoir nié, l’entreprise a reconnu le danger, mardi 17 novembre. En cas de fortes pluies, les infrastructures pourraient céder. Il y a quelques jours encore, le groupe qualifiait de « rumeurs », ces informations, rapporte mercredi La Folha de Sao Paulo.
Coupables ? Responsables ? Les causes de l’effondrement des deux premiers barrages n’ont toujours pas été identifiées. Mais Vale et BHP Billiton sont, au même titre que les autorités brésiliennes, suspectés de négligence. « Il n’y avait aucun plan de surveillance, pas d’alarme prévue », s’indigne Nilo Davila de Greenpeace au Brésil. A ses yeux, la catastrophe était annoncée. « D’autres barrages ont déjà rompu il y a quelques années. Les dommages étaient moindres donc on en a moins parlé. Aujourd’hui il y a encore une quinzaine de barrages dont le niveau de risque est jugé élevé », insiste-t-il évoquant un rapport d’évaluation daté de 2014 entre les mains du ministère des mines et de l’énergie. « C’est insensé. »
Catastrophe écologique
Au-delà des victimes, des familles brisées qui ont tout perdu, la tragédie de Mariana est une catastrophe écologique. L’une des pires de l’histoire du Brésil. Les barrages, qui servaient à retenir les déchets miniers, ont deversé une coulée de boue qui s’étend désormais sur 500 kilomètres, débordant de l’Etat du Minas Gerais pour franchir celui d’Espirito Santo. Une distance supérieure à celle qui sépare Rio de Sao Paulo.
La terre gluante ne serait pas gorgée de produits chimiques, rapportent certains médias. Elle n’en reste pas moins toxique. Au delà des dégâts dans la localité de Mariana, ville historique, et des « disctricts » alentours comme Bento Rodrigues, l’ensemble de l’écosystème est dévasté. Le fleuve Rio Doce est contaminé. Selon les experts de l’environnement, le mélange d’argile et de rejets de minerais pourrait affecter les tortues, les poissons marins de l’Espirito Santo et ensevelir une barrière de corail. Des dégâts d’une ampleur « incommensurables », indique Marcus Vinicius Polignano, coordinateur du projet environnemental Manuelzao de l’université du Minas Gerais interrogé le 16 novembre par l’édition brésilienne d’EL Pais. « Quatre-vingts pour cent de ce qui a été endommagé est perdu », estime-t-il, critiquant les infrastructures d’exploitation minière : « On ne peut pas continuer à penser que l’on peut se fonder sur des modèles du XVIIIe siècle dans des situations du XXIe. »
260 millions de dollars de dommages et intérêts
Arrivée sur les lieux de la catastrophe jeudi 12 novembre, la présidente Dilma Rousseff a promis de faire payer les entreprises. Une amende de 250 millions de reais (61 millions d’euros) a été immédiatement infligée. Une somme jugée dérisoire. Lundi, Samarco a dû s’engager à débourser au moins 260 millions de dollars (241 millions d’euros) de dommages et intérêts. Généreux mais insuffisant : selon des analystes de la Deutsche Bank, le nettoyage de la région se chiffrerait à 1 milliard de dollars.
Vale, qui a reçu en 2012 le prix de la pire entreprise, le « Nobel de la honte », décerné par Public Eye award, pourrait entraîner dans sa chute l’ensemble de la ville de Mariana. La coulée de boue compromet l’avenir d’une région que ne vit que pour l’industrie minière. « Sans mines, la ville met la clé sous la porte », alerte le maire Duarte Junior, du Parti populaire socialiste (PPS). Quatre-vingts pour cent des revenus de Mariana dépendent des mines qui gèrent 1 800 emplois directs et 2 000 emplois indirects. Mardi, l’état d’urgence a été décrété dans 200 communes de l’Etat du Minas Gerais afin de faciliter leur reconstruction.
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