Discrimination à l'emploi: "Pas encore une Fatima, on en a déjà une"

Même s'il y a une amélioration, la Belgique reste la lanterne rouge pour l'intégration des personnes d'origine étrangères sur le marché du travail. Et malheureusement, la discrimination reste d'actualité.

© SOPHIE MIGNON - BELGA

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Par Michel Visart

La position des personnes d'origine étrangère sur le marché du travail est plus mauvaise en Belgique que dans tout autre pays de l'Union européenne. C'est le constat du second monitoring socio-économique réalisé par le Centre Interfédéral pour l'égalité des chances et le Service Public fédéral emploi.

Le premier monitoring portait sur une année, cette fois l'étude a passé au crible les chiffres de 2008 à 2012. Si en effet, la Belgique reste lanterne rouge, sur la durée il y a des progrès comme l’explique Patrick Charlier, directeur du Centre Interfédéral pour l'égalité des chances : " La tendance globale montre que les personnes d’origine étrangère restent moins favorisées sur le marché de l’emploi que les personnes d’origine belge ou de pays européens proches. Cela étant, leur résistance, leur réaction face à la situation de la crise a été meilleure. Ils ont plus rapidement rattrapé le retard qui a été pris pendant la crise mais dans des emplois relativement peu valorisés et stables ".

Des emplois peu valorisés, cela passe notamment par les titres-services. Le système présente un double avantage: faciliter l'accès des femmes au marché du travail et constituer une première étape avant un travail plus stable.

Le graal du CDI

Mais la question se pose : le problème n'est-il pas justement de décrocher le CDI, le contrat à durée indéterminée ? C'est en effet l'étape la plus difficile à franchir. Notre marché de l'emploi est très protecteur mais aussi très rigide. Il y a des réflexions à mener mais avec prudence selon Patrick Charlier : "La question de l’assouplissement est posée, mais il ne faut pas non plus complètement déréguler le marché de l’emploi. C’est vrai que du point de vue du Centre, nous sommes attentifs à ce que l’on appelle la question des discriminations structurelles. Il y a évidemment des discriminations individuelles, les gens qui ne sont pas engagés parce qu’ils sont marocains, parce qu’ils sont noirs, etc. Mais il y a aussi des mécanismes structurels de discrimination qui ont tendance à reproduire les inégalités. Un exemple classique concerne les jobs étudiants. Si on continue dans un marché qui est inégal à réserver les jobs étudiants aux membres de la famille, cela a tendance à reproduire cette inégalité-là ".

La discrimination persiste

Quant à la discrimination, il faut malheureusement constater qu’elle reste une réalité : " On est encore saisi de situations totalement étonnantes où l’on voit dans des échanges de mail que des personnes d’origine étrangère sont refusées vraiment sur base de leur origine. Par exemple, un mail où l’on dit : une Fatima, on en a déjà une dans l’entreprise, c’est assez. Là on est dans la discrimination pure et dure. C’est donc aussi une réalité mais on ne peut pas réduire les problèmes rencontrés sur le marché de l’emploi uniquement à ces discriminations ". En attendant, il n'est pas inutile de rappeler que la loi punit une telle attitude.

Des actions positives

C'est donc un travail de longue haleine. Patrick Charlier plaide pour des actions positives : " C’est par exemple quelque chose qui se pratique en Flandre. Des entreprises de manière volontaires vont, pendant les trois premières semaines de l’ouverture d’une offre d’emploi, réserver cet emploi à différents groupes cibles : des personnes en situation de handicap, des personnes d’origine étrangère, des personnes âgées. Si dans les trois semaines, ils trouvent quelqu’un qui est compétent et qui correspond au profil recherché, cette personne est engagée. Si au bout de trois semaines, il n’y a pas de candidats correspondant au besoin, ils ouvrent l’offre à tout le monde ". Ce système serait possible pour l'ensemble du pays. La loi existe depuis 2007 au niveau fédéral, mais elle n'est toujours pas d'application.

Enfin, il y a la question des réfugiés. Le monitoring socio-économique n’en parle pas vu la période couverte, mais c’est un dossier qui entre tout à fait dans le champ d’action du Centre Interfédéral pour l'égalité des chances. Les études montrent que plus les réfugiés trouvent rapidement un premier emploi, plus ils s’intègrent vite. Et cette intégration est bénéfique pour toute la société !

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