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Climat : de COP en COP

La Coalition Climat maintient la mobilisation pour la COP 21, mais les manifestations à Paris sont interdites

Le gouvernement vient d’interdire la tenue des manifestations Climat du 29 novembre et du 12 décembre.

Actualisation - Samedi 21 novembre à 10 h 00 - Suite aux attentats, le nouveau visage de la mobilisation citoyenne

-  Mercredi 18 novembre à 20 h 45 - La marche mondiale du 29 novembre et les rassemblements du 12 décembre interdits à Paris

- Mardi 17 novembre à 22 h 00 - Le gouvernement décidera « d’ici à jeudi » du maintien des manifestations citoyennes


« Nous maintenons nos plans de mobilisation. Nous allons travailler avec le gouvernement et la préfecture de police pour renforcer les mesures de sécurité. Mais pas de COP sans mobilisation citoyenne ! » Telle est la décision de la Coalition climat 21, annoncée par Juliette Rousseau lundi 16 novembre au soir, au terme de plus de deux heures de réunion au Mundo Montreuil (Seine-Saint-Denis). « Mais nous n’avons pas encore eu de rendez-vous avec le gouvernement », précise la porte-parole. Une première réunion de travail est prévue mardi 17 novembre à 11 h avec le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius.

Les membres de la Coalition climat réunis à Créteil début octobre.

Ce choix n’avait rien d’évident, alors que plusieurs attaques terroristes vendredi 13 novembre au soir, dans la salle de concert du Bataclan, aux terrasses de restaurants et de cafés des Xe et XIe arrondissement de Paris et aux abords du Stade de France, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), ont entraîné la mort d’au moins 129 personnes et fait plus de 350 blessés graves.

Action de désobéissance civile de masse

La Coalition climat 21, qui rassemble environ 130 organisations (associations, ONG, syndicats, mouvements de jeunes, etc.), coordonne la mobilisation citoyenne pendant la COP 21, qui se déroulera du 30 novembre au 11 décembre au Bourget (Seine-Saint-Denis). Objectif : mettre la pression sur les délégations les Etats, pour qu’ils signent un accord ambitieux visant à limiter le changement climatique, et lancer durablement un mouvement citoyen sur le climat.

Pour ce faire, la Coalition organise dimanche 29 novembre une grande marche pour le climat entre les places de la République et de la Nation, à Paris. Un grand sommet citoyen pour le climat est prévu les samedi 5 et dimanche 6 décembre, à Montreuil, doublé d’un village mondial des alternatives. Le samedi 12 décembre, dernier jour des négociations, de grands rassemblements sont prévus à Paris, ainsi qu’une action de désobéissance civile de masse sur le site du Bourget.

« Ces attentats ne changent pas la priorité »

« On se pose encore beaucoup de questions sur les conditions, d’autant plus qu’on ne sait pas encore quelles mesures vont être prises par le gouvernement, admet Jon Palais, militant à Alternatiba et Bizi !. Ce qui se dégage, c’est que ces attentats ne changent pas la priorité, qui est le climat. Si on laisse le climat changer, les conséquences seront pires que celles de ces attaques. » Pour l’activiste, « il est difficile d’imaginer une COP sans mobilisation de la société civile, quelle que soit sa forme. Depuis le début, à Alternatiba, on sait bien que les solutions ne viendront pas d’en haut, des négociations. Alors, depuis les attentats, on n’a pas arrêté une seconde de travailler sur l’organisation du village mondial des alternatives. »

Lors des débats de la Coalition climat à Créteil, début octobre.

Quoi qu’il en soit, ce travail de préparation ne sera pas vain, dans la mesure où la COP n’est qu’une étape dans l’organisation d’une mobilisation au long cours. « Cela fait deux ans que nous mobilisons. Une centaine de villages des alternatives ont déjà été tenus, rappelle Jon Palais. On voit bien que quelque chose est en marche. Des militants des quatre coins de la France ont posé des congés pour s’installer à Paris et préparer la mobilisation. On n’a jamais eu une équipe aussi solide. Il s’agit d’utiliser la COP pour donner une impulsion qui se poursuivra bien au-delà, même si les attentats bouleversent forcément les choses. »

« Un moment d’espérance et de solidarité »

Le gouvernement a très rapidement décidé de maintenir la COP 21, malgré les attentats de vendredi. Dès samedi 14 novembre, Laurent Fabius déclarait, en marge d’une réunion sur la Syrie à Vienne, que « la COP 21 doit se tenir. Elle se tiendra avec des mesures de sécurité renforcées, mais c’est une action absolument indispensable contre le dérèglement climatique et évidemment, elle se tiendra ».

Dimanche, en réactions aux propositions de l’ex-président de la République Nicolas Sarkozy et des députés (Les Républicains - LR) Éric Ciotti et Philippe Goujon de reporter la COP 21, le premier ministre, Manuel Valls, réaffirmait cet engagement. Ce serait « céder à la violence », a-t-il estimé en marge d’une visite à la préfecture de Paris. Lundi, dans son discours au Congrès réuni à Versailles, le président de la République, François Hollande, a confirmé que « le grand événement international de la conférence sur le climat sera non seulement maintenu, mais sera un moment d’espérance et de solidarité ».

François Hollande s’adressant au Parlement réuni en Congrés à Versailles, lundi 16 novembre.

Le casse-tête de la sécurité

Mais la mobilisation citoyenne pourrait être compromise. Lors d’une interview accordée à RTL lundi matin, Manuel Valls a annoncé que « si nous devons organiser ce grand rendez-vous climat, les forces de sécurité doivent se concentrer sur l’essentiel », indiquant que les « concerts et manifestations festives » annexes « seraient sans doute annulés ». « Rien ne doit être fait qui puisse mettre en danger, en péril, y compris par des mouvements de foule, des gens qui manifesteraient dans Paris », a ajouté le premier ministre.

Manuel Valls : « Concerts et manifestations festives seront sans doute annulées »

Il faut dire qu’assurer la sécurité de la COP 21 est un vrai casse-tête. Avant les attentats, les effectifs des forces de l’ordre envisagés étaient déjà impressionnants : 1.500 policiers, gendarmes et pompiers pour veiller sur les 40.000 visiteurs attendus chaque jour au Bourget, plus de 100 gardes onusiens et près de 300 agents de sécurité pour la zone réservée aux personnes accréditées (7.000 délégués, 10.000 observateurs et 3.000 journalistes), sous responsabilité des Nations unies.

« Vers une surenchère policière et militaire »

Moment fort des négociations, la venue de près de 120 chefs d’État et de gouvernement le 30 novembre va donner du fil à retordre aux équipes chargées de la sécurité. En effet, les attentats n’ont pas dissuadé les dirigeants de faire le voyage. Samedi, le président des États-Unis, Barack Obama, a réaffirmé son intention de venir ouvrir les négociations climat. « Aucun chef d’État, au contraire, ne nous a demandé de reporter ce rendez-vous, a souligné lundi Manuel Valls, au micro de RTL. Tous veulent être là. »

Des mesures exceptionnelles ont d’ores et déjà été prises, comme le rétablissement des contrôles aux frontières par dérogation aux accords de Schengen, effectif depuis vendredi et valable un mois. 30.000 policiers sont mobilisés pour ces opérations. La proclamation de l’état d’urgence, samedi par François Hollande, laisse envisager l’adoption de nouvelles dispositions. Contacté à ce sujet, le ministère de l’Intérieur n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le secrétariat de la COP 21 n’a pas souhaité répondre à nos questions. Mais « qu’il y ait état d’urgence ou non, on se dirige vers une militarisation de la COP 21, avec une surenchère policière et militaire », estime Bastien François, professeur de droit constitutionnel à la Sorbonne.

Reste à espérer que ces mesures n’entraveront pas trop les actions menées par la société civile. « Les négociations ne sont pas à la hauteur, elles laissent entrevoir un réchauffement de 3 °C à la fin du siècle, rappelle Jon Palais. La mobilisation citoyenne est plus que jamais nécessaire. »

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