Espagne : tollé contre le projet de loi interdisant l'avortement

 

Espagne : tollé contre le projet de loi interdisant l'avortement

    Selon un sondage publié par El Pais, 78 % des Espagnols rejettent le projet de loi qui interdit l'avortement. Le texte adopté par le gouvernement le 20 décembre prévoit de supprimer ce droit des femmes à disposer de leurs corps, sauf dans quelques cas très restrictifs : danger prouvé pour la vie ou la santé physique ou psychologique de la femme, ou en cas de viol ayant fait l'objet d'une plainte antérieure. Il raye la loi historique votée en 2010 sous le gouvernement socialiste, qui autorise l'avortement jusqu'à 14 semaines de grossesse et jusqu'à 22 semaines en cas de malformation du foetus. Face au tollé soulevé par ce projet de loi, les sondages de popularité placent les conservateurs derrière les socialistes, qui avaient pourtant quitté le pouvoir dans la débandade en 2011.

    La droite espagnole divisée

    Pourquoi le parti populaire veut-il imposer une telle régression ?  Le gouvernement de droite souhaite d'abord accomplir une promesse électorale. Il compte aussi satisfaire la hiérarchie de l'église et séduire l'aile la plus conservatrice de son électorat. Il y a quelques jours au Vatican, le pape François rappelait sa position sur «la pratique horrible de l'avortement».

    Honnie par l'opposition, cette réforme suscite pourtant un malaise grandissant au sein de la majorité, dont certains réclament désormais clairement la suspension du projet de loi. Le groupe du Parti populaire du Parlement de la région d'Extrémadure, opposé au projet, a franchi un pas de plus mercredi et déposé un texte devant cette chambre. «Le droit à décider des femmes sur leur maternité ne peut pas entrer dans le cadre d'un débat politique, éthique ou sociologique qui n'envisage pas comme point de départ incontournable la libre décision des femmes», affirme-t-il L'ancienne ministre de la Santé s'est aussi positionnée contre le projet de loi.

    Réveil conservateur en Europe

    Au contraire, le ministre de la Justice et père de la proposition, Alberto Ruiz-Gallardon, se dit «certain de voir son projet s'étendre au reste de l'Europe». Selon les experts, l'exemple français, avec la mobilisation contre le mariage pour tous, montre qu'on peut réveiller les traditionalistes. Les anti-avortements veulent aujourd'hui prendre appui sur l'exemple espagnol. Une «marche pour la vie» est organisée à Paris dimanche.

    «Il s'agit de sanctionner les femmes pour avoir une relation sexuelle non reproductive» s'insurge Nathalie Bajosse, directrice de recherche à l'Inserm, spécialiste de la contraception. Sur France Inter vendredi, elle expose les conséquences à prévoir en Espagne. Pour les Espagnoles, «le taux d'avortement ne baissera pas. Les catégories les plus aisées iront à l'étranger. Pour les autres, cet acte sera pratiqué dans des conditions précaires avec des enjeux sur la santé. Dans le monde, rappelons qu'une femme meurt toutes les huit minutes des suites d'une interruption de grossesse mal encadrée».

    En France, certaines agences de santé frontalières s'organisent déjà pour évaluer les besoins en cas de l'arrivée massive des femmes espagnoles. La ministre française des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, a souhaité que «les libertés fondamentales», comme le droit à l'avortement, fassent partie du débat aux prochaines élections européennes, dénonçant «les lobbies très conservateurs» opérant en Europe.

    Lundi, à l'Assemblée nationale, un amendement concernant la loi Veil pour supprimer la notion de «situation de détresse» sera débattu. Actuellement 220 000 IVG sont pratiquées dans l'hexagone chaque année. 35 % des Françaises ont déjà avorté  et pour un tiers d'entre elles malgré l'utilisation d'un contraceptif.