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Samy Amimour, une dérive inexorable

Procès des attentats du 13 Novembre 2015dossier
L’ex-adolescent timide, qui a grandi à Drancy dans une famille peu pratiquante, a fréquenté une mosquée salafiste avant de rejoindre la Syrie en 2013. Il s’est fait exploser au Bataclan.
par LIBERATION
publié le 17 novembre 2015 à 18h12

Vendredi soir, 21 h 40, trois terroristes pénètrent à l’intérieur du Bataclan. La suite, tragique, tout le monde la connaît. Très vite, l’enquête délivre des noms, des photos. Les premiers visages de la terreur s’affichent sur tous les écrans. Parmi eux, un homme au visage fin et regard noir. C’est Samy Amimour, 28 ans. Il ne tombe pas du ciel. En septembre 2012, il avait été interpellé par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) après un départ avorté vers le Yémen. Mis en examen pour «association de malfaiteurs» et placé sous contrôle judiciaire, il pointe chaque semaine au commissariat de Drancy jusqu’en septembre 2013 avant de partir en Syrie  : un mandat d’arrêt international est lancé.

Un an plus tard, son père, Azzedine, part à sa recherche pour tenter de le convaincre de quitter l'Etat islamique. Le 29 juin 2014, il le retrouve à Manbij, à une centaine de kilomètres d'Alep. Samy Amimour a lâché son nom officiel sur le bord de la route. Il se fait appeler Abou Hajia (hajia signifie «la guerre»). Son père tente, en vain, de le ramener à la raison.

A son retour en France, Azzedine est accablé : son fils est un autre homme. le Monde l’avait alors rencontré. Il racontait avoir, en Syrie, donné une lettre de sa mère à Samy. «J’avais glissé 100 euros dans l’enveloppe, se souvient le père. Il est allé la lire dans un coin et m’a rendu les 100 euros, me disant qu’il n’avait pas besoin d’argent.» Depuis, plus de nouvelle, jusqu’au carnage du Bataclan, à l’issue duquel il s’est fait exploser. Les enquêteurs estiment qu’il a pu revenir en France avec un faux passeport.

Salafistes

Samy Amimour était né à Paris en 1987. Il a grandi à Drancy (Seine-Saint-Denis) dans une famille d’origine kabyle, peu pratiquante. L’enfance est banale : école, club de judo, potes. Les années passent. Samy Amimour décroche un bac littéraire. En 2011, il signe un contrat à la RATP. Il prend le volant du bus 148 qui relie Bobigny à Dugny.

C’est à cette période qu’il change de trajectoire. Chez lui, le jeune homme tente d’imposer le voile à sa mère et à ses deux sœurs et passe des heures sur Internet devant des vidéos en arabe, sous le regard de son père, inquiet. A l’extérieur, il prend ses habitudes dans une mosquée du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis) fréquentée par les salafistes, ville où réside sa petite amie de l'époque.

Sa mère en garde à vue

Depuis les attentats de vendredi et la médiatisation de son nom, les voisins se frottent les yeux et replongent dans leurs souvenirs. Les mots, «bien élevé», «timide» et «sportif» tournent en boucle pour le qualifier. Jean-Christophe Lagarde, maire UDI de Drancy, connaît bien la famille Amimour, domiciliée à 50 mètres de la mairie, «dans un quartier tranquille». Sa mère est «une citoyenne modèle» engagée dans la vie associative. Elle milite au centre culturel berbère. Lundi matin, après une perquisition à son domicile, elle a été placée en garde à vue, en compagnie d'une de ses deux filles (l'autre vit à Dubaï) et du père de Samy, dont elle ne partage plus la vie depuis «un petit moment».

A la RATP, un collègue se souvient : «Il a toujours été calme, discret, il ne parlait pas beaucoup. Au dépôt de bus, j’ai des collègues, qui eux, sont très pratiquants et c’est visible.» Un autre confirme et ajoute : «Après son départ, il a coupé les liens avec nous. Mais franchement, je ne pensais pas que ce mec pouvait faire du mal à une mouche.» Samy Amimour a démissionné de la RATP en 2012. Le début de la fin.

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