Attentats de Paris : comment les terroristes ont déjoué toutes les surveillances

SPÃ?CIAL ATTENTATS. Des critiques s'élèvent à l'égard des services de renseignements, alors que l'enquête révèle peu à peu les noms et les parcours des jihadistes qui ont frappé Paris vendredi 13 novembre, dont plusieurs étaient français et fic

Attentats de Paris : comment les terroristes ont déjoué toutes les surveillances

    En déroulant le fil de leurs investigations, les magistrats du parquet de Paris et les enquêteurs de la police judiciaire lèvent peu à peu le voile sur la préparation des attentats coordonnés qui ont visé Paris le soir du 13 novembre. Voitures, planques, explosifs... Cette enquête révèle des pans entiers de la logistique du commando. De ce que l'on va découvrir dépendra la réponse à cette question : y a-t-il eu faille ou faillite des services de renseignement européens ?

    Pour cela, il faut remonter le temps et parcourir les routes du jihad à l'envers jusqu'à la matrice : les territoires sous contrôle de Daech en Syrie. Tout indique que les kamikazes identifiés jusqu'à présent y sont passés à partir de septembre 2013. Mais la justice peine encore à déterminer s'ils se sont entraînés ensemble et surtout quand et comment ils ont regagné l'Europe. L'exemple du Français Samy Amimour, originaire de Drancy (Seine-Saint-Denis) est emblématique. En 2012, il n'est encore qu'un demi-sel, soupçonné d'avoir voulu rejoindre les salafistes radicaux au Yémen, raison pour laquelle il est mis en examen en octobre de la même année, mais sans être incarcéré. Il doit pointer chaque semaine au commissariat. Un an plus tard, à l'automne 2013, il disparaît. La DGSI le soupçonne d'avoir voulu rejoindre la Syrie. Ce n'est qu'en novembre 2014 qu'elle interroge Ankara pour retrouver sa trace. Les Turcs fouillent dans leurs fichiers et transmettent l'information à Paris. Oui, ils ont bien la trace du passage d'Amimour... en septembre 2013. Surprise : il n'est pas le seul à faire le trajet ce jour-là.

    Un certain Ismaël Omar Mostefaï entre lui aussi en Turquie au même moment. Mostefaï n'est pas lui non plus, à ce stade, un jihadiste endurci. Les services l'ont repéré pour la première fois à Chartres (Eure-et-Loir) en 2009.

    Cazeneuve défend l'action de ses services

    Disciple d'un petit groupe rassemblé autour d'un « gourou », chargé de la quête aux abords d'une mosquée, celui-ci passe pour un suiveur. Par précaution, Mostefaï a été affublé d'une fiche de surveillance, dite S, ce qui, on le voit, ne l'a pas empêché de quitter le territoire.

    A Chartres, au printemps 2014, la DGSI intensifie sa surveillance des radicaux car ces derniers semblent changer de braquet. Ils s'entraînent désormais aux sports de combat. Des informations font état du retour de Mostefaï, ce qu'à l'époque les services tiennent pour acquis. Le jeune homme se tient hors du champ des caméras de surveillance. A tel point qu'en refaisant le film à l'envers, les agents en viennent désormais à douter. Mostefaï se trouvait-il réellement en France à cette époque ? Sa famille assure aujourd'hui qu'il était toujours en Syrie.

    Quoi qu'il en soit, son cas n'est pas signalé à la justice, ce qui pourrait être l'une des plus grosses erreurs d'appréciation de cette affaire.

    Selon nos informations, les services belges ont, depuis, mis en évidence un passage en Grèce de l'un des frères Abdeslam â?? qui figureront parmi les assaillants des terrasses â??, à l'été 2015. Ce qui pourrait correspondre à un retour de Syrie. On a aussi retrouvé la trace du passage d'un kamikaze, non identifié formellement, entré avec d'autres migrants le 3 octobre à Leros, en Grèce justement. Il voyageait avec un passeport syrien, sans doute faux. Derrière lui, il n'a laissé que ses empreintes, qui ont permis de faire le lien avec le premier terroriste à se faire exploser au Stade de France. Mais aucun des autres futurs terroristes n'a été détecté. Ont-ils voyagé avec de faux papiers depuis la Syrie ? Sont-ils rentrés par la route ?

    Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, a défendu, hier, sur France Info, l'action de ses services : « Pendant l'été, ce sont six attentats que nous avons déjoués. » Place Beauvau, on n'élude cependant pas les questions sur l'horreur du vendredi 13. « Chaque attentat est un échec », reconnaît sans détour une source de haut niveau. Qui s'engage à faire une analyse sans concession de l'affaire pour comprendre les modes opératoires de Daech. Et contrer des actions à venir, peut-être déjà en préparation.