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Interview

Stéphane Le Foll : «La politique de l’offre n’est ni de droite ni de gauche, elle est nécessaire»

INTERVIEW + VIDEOS - Le ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire appelle les députés de la majorité à avoir « confiance ». Ce proche de François Hollande répond à Arnaud Montebourg.

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Stephane Le Foll

Par Elsa Freyssenet

Publié le 16 janv. 2014 à 18:13

Quelle différence y a-t-il entre une politique de l’offre de gauche et une politique de l’offre de droite ?

La politique de l’offre n’est ni de droite ni de gauche, elle est aujourd’hui nécessaire. Quand notre déficit commercial atteint les 56 milliards, il ne sert à rien de chercher à relancer la croissance seulement par la demande car on ne ferait qu’accroître les importations. Nous avons déjà tranché ce débat en 1983 sous François Mitterrand. Quand j’entends Jean-Luc Mélenchon accuser le chef de l’Etat de molletisme, j’aimerais l’inviter à se replonger dans ses livres d’Histoire.

Le combat pour la production fait partie de l’histoire de la gauche depuis Saint-Simon, c’est le primat du travail sur la rente. Ce qui caractérise une politique de gauche, c’est aussi ce qui accompagne ce combat : la priorité donnée à l’éducation, la politique de l’emploi, la prise en compte de la pénibilité dans le calcul de la retraite ou encore la fiscalité avec la suppression du bouclier fiscal, la taxation du capital au même niveau que le travail et l’instauration de la taxe à 75%.

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Contrairement à 1982, François Hollande assume clairement sa politique de l’offre et ne parle pas de « parenthèse ». Est-il en train de redéfinir l’identité de la gauche ?

D’abord, je conteste toute idée de tournant. Cette politique, c’était déjà celle du pacte de compétitivité avec la décision prise de baisser le coût du travail. Elle n’est pas nouvelle chez François Hollande. J’ai retrouvé un discours de septembre 2007 à La Rochelle où il disait déjà que « le premier problème de la France, c’est la compétitivité des entreprises » tout en ajoutant qu’il ne fallait pas abandonner la politique de la demande.

Aujourd’hui, quand nous consacrons 1,5 milliards aux emplois d’avenir, c’est une politique qui redonne directement du pouvoir d’achat aux Français. Tout se tient.

Y a-t-il une mue dans la pratique institutionnelle et comment la définissez-vous ?

Entre laisser faire et s’occuper de tout, François Hollande se consacre pleinement à l’essentiel. C’est un président qui s’affirme.

Il a appelé toutes les forces politiques à prendre leur responsabilité. Une recomposition de la majorité avec le centre est-elle envisageable ?

Il n’est pas question d’alliance électorale avec le centre. Ni même de négociation sur le contenu d’un texte. L’idée est d’avancer pour le pays et d’appeler chacun à se déterminer.

Un exemple : ma loi sur l’agriculture a été votée par toutes les forces de gauche et l’UDI s’est abstenue. Ce qui prouve que l’on peut constater des convergences sans revoir notre stratégie d’alliance.

Arnaud Montebourg a-t-il bien fait de réclamer au Medef la création de 2 millions d’emplois sur cinq ans ?

Il faut être ambitieux pour la négociation qui va s’ouvrir, et je ne doute pas que les syndicats de salariés pèseront dans l’équilibre du pacte.

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Mais la nature des contreparties demandées au patronat est un sujet sensible à gauche…

Nous avons fait le choix des entreprises, pas celui des patrons. Il y a eu 63.100 défaillances d’entreprises l’an dernier, ce qui signifie beaucoup de suppressions d’emplois. On ne pouvait pas continuer comme ça, il fallait bien réagir. J’ai envie de dire aux députés de gauche : Ayons confiance dans ce que nous faisons collectivement et dans ce que fait le chef de l’Etat ! Certains n’ont pas voulu voter la loi sur la sécurisation de l’emploi. Or, on s’aperçoit aujourd’hui que ça marche, qu’il y a des accords signés localement par tous les syndicats, y compris ceux qui avaient refusé l’accord national.

Après le temps de l’effort, celui promis de la redistribution sur la deuxième partie du quinquennat est-il enterré ?

Non. La politique de l’offre mise en place a pour objectif d’améliorer la situation des entreprises, de redonner de la confiance aux acteurs économiques et, donc, de retrouver de la croissance. Il ne s’agit pas d’attendre le retour de la croissance les bras croisés mais de provoquer son retour au-delà des bénéfices qu’on peut légitimement attendre de la reprise européenne et américaine. Dans tous les cas, ne sera redistribué que ce qui aura pu être produit en amont. Le redressement économique de la France est donc la condition première de la redistribution.

Mais avec 50 milliards d’euros d’économies d’ici à 2017, la rigueur est programmée jusqu’à la fin du quinquennat...

L’effort sur les dépenses publiques sera effectivement conséquent pour l’Etat et ses opérateurs, les collectivités locales et la Sécurité sociale. Mais les économies sont indispensables pour préserver notre modèle social. En menant des réformes structurelles en profondeur, il s’agit même d’améliorer son efficacité. Ne pas chercher à résorber les déficits de la Sécurité sociale, par exemple, c’est prendre le risque à terme de tuer notre système.

Nos objectifs d’assainissement des finances publics seront tenus d’autant plus facilement que la croissance repartira.

Une mise en place de l’écotaxe, même aménagée, est-elle encore envisageable en 2014 ?

Tout dépendra des conclusions de la mission parlementaire qui est en cours, telle que l’a souhaitée le Premier ministre. Je ne préjuge pas de ce qu’elle va décider. Mais si on revient sur ce qui a été voté, cela ne pourra pas se faire avant la prochaine loi de Finances pour 2015.

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