De nouveau Paris, de nouveau une attaque contre l’ensemble du monde libre. Dix mois à peine après l’attentat contre Charlie Hebdo, la capitale française et le reste de l’humanité, du moins la partie qui peut se dire civilisée, ont été ébranlés par un acte encore plus sanglant.

Pour décrire cette attaque terroriste concertée, avec ses nombreux morts et blessés, on parlera désormais du “11 septembre français”. Déjà, dans la chorégraphie perfide de la terreur, qui comptait sur une diffusion maximale de l’horreur, des parallèles s’établissent. On préfère ne pas imaginer les images qui auraient frappé le monde en direct si les terroristes avaient réussi à entrer dans le stade de France.

Le sanguinaire ennemi de la démocratie

Par la force de son impact, le 13 novembre suscite un sentiment d’insécurité encore plus grand que l’onde de choc de 2001. Le message des attentats contre l’Amérique était : le terrorisme islamiste a déclaré la guerre à l’Occident – et il est capable de porter le fer jusqu’en plein cœur des métropoles occidentales.

A Paris, c’est dans le sang qu’on nous déclare : quinze ans plus tard, vous ne parvenez toujours pas à nous en empêcher. Tous vos efforts et vos sacrifices dans la “guerre contre le terrorisme”, que ce soit à l’étranger ou sur votre sol, ont été vains.

Dans le monde musulman, un monstre s’est développé, un monstre qui souhaite étendre ses tentacules dans le monde entier. On peut toujours débattre pour savoir en quel sein il a poussé et qui continue encore et toujours à le nourrir. Mais il ne faut pas s’imaginer qu’il s’en retournera paisiblement dans sa caverne si on ne l’irrite plus – autrement dit, si on ne cherche plus, par la force des armes, à l’empêcher de massacrer des populations entières, de détruire des villes et d’anéantir des civilisations. Ce monstre a de multiples têtes et de multiples bras qui semblent toujours repousser dès qu’on les tranche. Et il porte des noms changeants.

Mais son essence, elle, reste la même : il est l’ennemi du mode de vie et des institutions politiques de l’Occident, qu’il hait et qu’il veut éradiquer de la surface de la terre. Il n’est nullement question pour lui de “libérer” le monde musulman de l’influence des “infidèles”. Il veut transformer toute la planète selon des conceptions qui sont inacceptables pour les démocraties libérales et leurs sociétés ouvertes. Dont les idéaux sont ceux de la Révolution française.

La solidarité contre le chantage

C’est à cause d’eux que la France a été attaquée, et avec elle l’Occident dans son ensemble. De son propre point de vue, Daech mène une guerre mondiale.
En déployant des moyens militaires, la France a pris part aux efforts visant à arrêter le monstre en Irak et en Syrie.

Par les attentats de Paris, Daech lui présente la note, à sa façon. Les Français ne comptent pas parmi les nations qui se laissent intimider par les frappes de représailles de ce genre. Hollande parle d’un “acte de guerre”. Ce qui pourrait être lourd de conséquences – pour la France, pour l’Otan et aussi pour son allié le plus important, l’Allemagne.

La maxime de Merkel, qui veut qu’on combatte les causes de l’afflux de migrants en Syrie même, pourrait soudain prendre un autre sens, qu’elle ne souhaitait pas. Quel sera l’effet des attentats de Paris dans des pays qui ont plutôt tendance à penser que ceux qui ne bombardent pas ne seront pas attaqués ?

Plus que jamais, tout tient à la solidarité de l’Occident. Et au fait qu’il se montre décidé et capable de protéger ses valeurs. Etant donné l’étendue de la menace et le caractère asymétrique du conflit, cela ne peut se faire totalement sans empiéter sur les libertés qu’il prétend défendre, le cas échéant en envoyant ses propres troupes en Syrie.

Ce combat historique ne pourra se livrer sans victimes. Dans la confrontation avec le terrorisme, ne pourra vaincre que celui qui ne se laisse pas intimider par lui, qui ne cède pas à son chantage. S’il y a une leçon qu’a apprise l’Allemagne de Helmut Schmidt [ancien chancelier allemand, décédé le 10 novembre], c’est bien celle-là.

Il n’y a pas qu’en France que les événements de Paris vont relancer les débats sur la relation entre l’islamisme et l’islam, et sur les foyers qui alimentent le terrorisme.

L’afflux massif de jeunes hommes venus des zones de crise et de guerre du Proche- et du Moyen-Orient donne des sueurs froides aux spécialistes allemands de la sécurité. Pas parce qu’ils redoutent que la moitié de ces réfugiés soient déjà des fanatiques prêts à tout.

Une attitute de fermeté s’impose

On assiste à l’arrivée d’un grand nombre de gens qui pourraient renforcer ces sociétés parallèles qui existent en Allemagne, mais encore plus dans les banlieues françaises. Et qui sont si fermées que même les services français de sécurité, peu connus pour leur timidité, ne parviennent pas vraiment à les infiltrer et à les contrôler.

En revanche, pour les propagandistes du terrorisme islamiste, ces masses de jeunes hommes en colère prompts à se radicaliser et marqués par l’expérience de la violence constituent un terreau idéal.

Un Etat qui prend au sérieux sa raison d’être ne doit pas les abandonner. Il doit empêcher les terroristes d’accomplir leur œuvre diabolique sur son territoire, qu’il s’agisse de kamikazes, de ravisseurs ou de “dormants”. Mais surtout, les Etats occidentaux doivent donner à leurs citoyens ce que les terroristes veulent justement leur ôter : le sentiment de sécurité.

Déjà, au cours de la crise des réfugiés, beaucoup d’Allemands l’ont perdu. Il est peu probable que les auteurs des attentats de Paris se soient trouvés à bord des trains qui ont été accueillis à Munich par des panneaux de bienvenue ; pourtant, avec ces trains, une angoisse s’est répandue dans le pays, la crainte que l’Allemagne, en s’efforçant d’intégrer des cultures et des conflits étrangers, présume de ses forces et ne puisse plus être alors telle qu’elle l’entend.

La liberté, l’égalité et la fraternité (de même que la solidarité envers les démunis et les persécutés du monde entier) sont depuis longtemps des idéaux allemands. Mais à cela s’ajoute un autre idéal, sans lequel tous les autres ne sont rien : la sécurité. Les Allemands n’ont rien contre la présence d’un visage amical aux commandes de leur gouvernement. Mais dans les temps que nous vivons, ils veulent, ils doivent en voir un autre : un visage dur.