Certains entreprises ont refusé d'accorder la minute de silence à leurs salariés.

Certains entreprises ont refusé d'accorder la minute de silence à leurs salariés.

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Lorsque Laura* a appris que des attentats terroristes se déroulaient à Paris le 13 novembre, elle a immédiatement pris des nouvelles de ses proches et... de ses collègues. Tous lui répondent qu'ils sont sains et saufs, elle est rassurée. Pendant le week-end, la jeune femme consulte régulièrement ses mails et son smartphone, espérant recevoir un message de son entreprise qui n'hésite généralement pas à la solliciter sur son temps libre. En outre, les locaux sont situés dans la capitale, et l'équipe, une quarantaine d'employés, dont une bonne moitié des trentenaires, habitent ou fréquentent pour la plupart les quartiers ciblés par les terroristes. Sa direction restera pourtant muette.

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"Une réaction inhumaine"

A l'image de nombreux Français, lundi matin, la plupart des membres de la PME dans laquelle travaille Laura sont "éprouvés" et espèrent échanger sur les attentats meurtriers, la menace terroriste ou simplement se recueillir ensemble. L'un est d'autant plus bouleversé qu'il avait un billet pour le Bataclan, qu'il n'a finalement pas utilisé à la dernière minute. Spontanément, les salariés décident d'évoquer le sujet avec leurs managers. Dépassés? Mal à l'aise? La minute de silence prévue lundi à 12 heures n'est pas plus jugée "opportune" par la direction. Pire, celle-ci oppose une fin de non-recevoir aux employés soucieux d'évoquer le sujet. Motif : le travail n'est pas un lieu où l'on discute de "religion" ni de "politique". Une remarque "inhumaine". Certains n'en reviennent pas, décrit Laura. "Nous ne sommes pas des robots. Nous travaillons des heures ensemble. Et ce manque de compassion est très perturbant. Que se serait-il passé si l'un des employés avaient été victime de l'attentat ?", s'interroge la jeune femme.

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Solidarité et empathie

Toutes les entreprises n'ont pas eu cette attitude. Bien au contraire. Réseaux sociaux, textos, mails, cellules de soutien psychologique, d'autres se sont engagées très vite sur la question. Et ce, dès le vendredi dans la nuit, pour s'assurer que leurs employés étaient en sécurité. Nombre de directions ont tenu à faire part, par mail ou à l'oral leur empathie et la solidarité à l'égard des victimes des attentats meurtriers. Les salariés français d'Amazon ont ainsi reçu un mail de leur patron américain Jeff Bezos. Des grands groupes, via les réseaux sociaux ou par communiqués sur leurs sites, se sont également exprimés, à l'instar de BNP Paribas, Allianz, Axa, la Société Générale.

Satya Nadella, le PDG de Microsoft est l'un d'eux. "Je suis profondément attristé par les nouvelles venant de Paris, écrit-il. Mon coeur et mes pensées sont avec vous, particulièrement après le temps que nous avons passé ensemble cette semaine". Celui-ci était, en effet, la semaine précédente dans la capitale française avec ses équipes.

Chez Microsoft, les mesures concernant les salariés se sont déroulées en plusieurs temps. D'abord, le télétravail a été encouragé lundi. Pour ceux qui se sont déplacés, la minute de silence a été respectée. Le groupe a aussi pris des mesures en faveur de ses utilisateurs, qui pourraient être concernés de près ou de loin par les attaques terroristes, qu'ils soient Français ou qu'ils aient des attaches en France. En effet, les appels vers la France ou partant de la France de Skype sont gratuits depuis samedi.

Par ailleurs, pour préserver les trois jours de deuil national, le géant américain a notamment décidé de suspendre ses campagnes publicitaires, concernant le lancement de la Surface Pro 4, la nouvelle tablette du groupe. Autant d'initiatives qui font parler l'entreprise d'une seule voix.

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Un devoir citoyen

CGI, une ESN canadienne, Entreprise de Services du numérique, de 67 000 salariés dans le monde, dont 10 000 en France, a activé son processus de gestion de crise "habituel", avec une réunion d'une cellule dédiée pour organiser des actions "de soutien et d'aide auprès des salariés" dès lundi. Dès le week-end, les collaborateurs résidant près des lieux des attaques dans la capitale ont reçu des SMS leur demandant s'ils allaient bien. Certains étaient au stade de France ou au Bataclan où ont lieu des attaques, mais aucune victime à signaler. L'entreprise a tout de même envoyé un mail aux Français leur permettant de bénéficier d'une "cellule d'écoute psychologique" 24 heures sur 24.

"Ce n'est peut-être pas forcément le rôle d'une entreprise classique, reconnaît Audrey Le Carour, directrice de la communication de CGI en France, au Luxembourg et au Maroc. Mais la situation est exceptionnelle. Nous souhaitions exprimer une bienveillance concrète. Il en allait de notre responsabilité morale... C'était un devoir citoyen."

Dimanche, Jean-Michel Baticle - le Président de CGI en France, au Luxembourg et au Maroc - a adressé un mail à l'ensemble des salariés en France. Lundi, ils ont reçu un soutien de la haute direction de l'entreprise, située au Canada. Un salarié s'est ému auprès de la direction de ces messages jugés trop "impersonnels". Mais pour les autres, cette action a été perçue comme "réconfortante" et positive". Ils se sont sentis entourés dans ces circonstances particulières. Preuve que l'entreprise a certainement une carte à jouer dans ces moments-là.

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