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L’inquiétante expansion du salafisme en France

Le courant salafiste, bien que majoritairement hostile aux djihadistes, est accusé de faire le lit du terrorisme par sa vision rigoriste de l’islam.

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Publié le 20 novembre 2015 à 01h25, modifié le 21 novembre 2015 à 12h19

Temps de Lecture 3 min.

Photo d'illustration.

C’est devenu presque un automatisme : après chaque attentat, le gouvernement pointe du doigt la frange salafiste de l’islam. « Oui, nous avons un ennemi, et il faut le nommer : c’est l’islamisme radical. Et un des éléments de l’islamisme radical, c’est le salafisme », a lancé Manuel Valls lors de la séance de questions à l’Assemblée nationale, mercredi 18 novembre. Le salafisme est « souvent l’antichambre de la radicalisation, et la radicalisation, elle peut conduire au terrorisme », affirmait le premier ministre en juin, après la décapitation d’Hervé Cornara par Yassin Salhi à Saint-Quentin-Fallavier, en Isère.

L’expansion en France du courant salafiste, qui plonge ses racines en Arabie saoudite, se fait sentir depuis la fin des années 1990. Adeptes d’une lecture littéraliste du Coran et d’une pratique rigoriste qui s’inspire des premières générations de l’islam, ces croyants se tenaient à l’origine à l’écart de la cité, y compris à l’écart de l’islam des mosquées lié aux traditions du Maghreb.

« Une fois que la mosquée existe, ils arrivent »

Depuis quelques années, en revanche, leur pression se fait sentir dans les lieux de culte traditionnels. Azzedine Gaci, le recteur de la mosquée de Villeurbanne, date leur intérêt nouveau « du printemps arabe ». « Avant, les responsabilités, ça ne les intéressait pas, relève-t-il. Maintenant, si. Jamais ils ne participent à la construction d’une mosquée, mais une fois qu’elle existe, ils arrivent. »

Ils commencent généralement par prendre pour cible l’imam. « Ils critiquent son discours, ses vêtements, ses idées, sa façon de diriger la prière… Ils essaient de le déstabiliser », décrit le responsable rhônalpin. Leur offensive prospère si « la mosquée n’est pas bien gérée, si elle n’a pas beaucoup d’activité, si ses dirigeants sont peu identifiés ou n’assument pas leurs responsabilités ». Elle prend bien souvent les responsables en place au dépourvu. La plupart du temps, les membres de l’association culturelle, qui dirige le lieu de prière, évitent d’ébruiter leurs difficultés. Parfois ils tentent de s’accommoder avec ces groupes d’hommes souvent plus jeunes et plus présents, en leur concédant l’accès aux locaux pour des activités de prédication ou autres.

« Certains ont peur d’une fermeture du lieux de culte en cas de querelle publique, d’autres, par crainte de la fitna [division], s’efforcent d’atténuer les conflits en espérant que cela aille mieux », observe Haoues Seniguer, chercheur au Groupe de recherches et d’études sur la Méditerranée et le Moyen-Orient. Ils ont en tout cas peu de recours possibles pour les aider. « Les instances musulmanes ne sont pas capables de gérer ces problèmes. Et certains politiques, certaines municipalités ne sont pas clairs dans leur façon de réagir. Beaucoup d’associations ont pignon sur rue sans avoir d’autorisation. Ce n’est pas normal », accuse Azzedine Gaci.

Une centaine de lieux de prière

Aujourd’hui, les lieux de prière sous influence salafiste seraient une centaine sur un total de 2 300 en France, selon Bernard Godard, qui a longtemps suivi les affaires liées à l’islam au bureau des cultes du ministère de l’intérieur.

Face à cette présence de plus en plus affichée dans les structures existantes, le gouvernement a annoncé son intention de fermer les lieux de culte ou de dissoudre les associations qui « s’en prennent aux valeurs de la République ». Ce faisant, il semble jeter une même suspicion sur l’ensemble du courant salafiste, accusé de faire le lit du radicalisme. Or, soulignent les spécialistes, la majorité d’entre eux sont « quiétistes », animés par des préoccupations religieuses et hostiles à toute implication dans la vie sociale et politique. « Ils sont très critiques envers les djihadistes car ils les accusent de mélanger religion et politique », explique Samir Amghar, chercheur à l’Université libre de Bruxelles.

Cependant, les différentes familles du salafisme ont en partage des références idéologiques, un imaginaire religieux. Cela ne favorise-t-il pas la radicalisation et le passage du salafisme quiétiste au djihadisme ? « Dans les années 1990, il pouvait y avoir une forme de continuum. Mais lorsqu’au début des années 2000, l’Arabie saoudite s’est clairement opposé au djihadisme, cette relation mécanique n’a plus existé, affirme Samir Amghar. Les observations de terrain montrent qu’il n’y a pas de relation de causalité. Cela n’empêche pas qu’un quiétiste puisse basculer dans la violence par déception envers le manque d’action politique. »

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