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Casadesus : "Six ans de FN, je ne peux pas l'imaginer"

INTERVIEW - Fier de célébrer les 40 ans de l’ONL, "son" orchestre, Jean-Claude Casadesus redoute une victoire du FN dans le Nord aux régionales.

Alexis Campion , Mis à jour le

C'est la grande aventure de sa carrière : l'Orchestre national de Lille, créé en 1976 sur les cendres d'un ensemble philharmonique de l'ORTF, fête ses 40 ans. Un aboutissement dont Jean-Claude Casadesus parle avec fierté. Il n'empêche, à la veille de ses 80 ans, il s'inquiète des effets de la crise sur la culture et, bien sûr, des prochaines élections régionales dans sa région de cœur, le Nord-Pas-de-Calais…

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Pourquoi avez-vous choisi de jouer la symphonie n° 2 de Gustav Mahler, dite Résurrection, à l'occasion de cet anniversaire?
Mahler est un formidable orchestrateur, un musicien de l'affect que j'associe naturellement à celui que fut Stefan Zweig en littérature. Je pense en particulier au Monde d'hier. Ce livre magnifique, qui plus est prémonitoire de la nécessité d'une Europe unie, décrit si bien la nostalgie ayant habité ces grands artistes. Tous deux furent les chantres d'un passé qui aurait été heureux, surtout ils ont devancé et dénoncé les grandes tragédies du XXe siècle…

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Que ressentez-vous face à l'Europe d'aujourd'hui entre deux crises, financière ou migratoire?
Je suis très triste mais on ne peut plus vivre comme autrefois replié sur soi-même. La planète est devenue un village, il faut s'interroger sur la façon dont chacun dans son domaine peut apporter des gouttes d'espérance dans des océans de détresse. Tout est fragile en ce moment. On marche sur un volcan.

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Comment êtes-vous arrivé à Lille?
J'avais d'abord dirigé au Théâtre du Châtelet, puis à l'Opéra-Comique et à l'Orchestre des Pays de Loire. En 1975, Michel Guy [secrétaire d'État à la Culture] me propose de terminer le contrat d'un orchestre viré! Un cadeau empoisonné selon ses propres termes. Ce n'était pas la perspective la plus agréable mais j'ai accepté. Avec ses quatre millions d'habitants mais pas encore beaucoup de vie culturelle après ses fanfares, le Nord me paraissait tout de même avoir un beau potentiel. Je pensais ne rester que six mois mais j'ai tout de même convaincu Pierre Mauroy de nous laisser une chance.

De quelle façon?
Il était jeune président du conseil régional et il a eu le génie de m'entendre. C'était un historien plutôt porté sur le théâtre mais, aussi, un visionnaire. Dans le contexte du deuxième choc pétrolier, il n'a pas eu peur de donner la priorité à l'éducation et à la culture. Je le dis avec modestie mais conviction, nous avons été pionniers dans cette région et en France, devenue depuis la plus culturelle du pays avec ses nombreux musées dont le Louvre à Lens, la Piscine à Roubaix, ceux de Lille, Villeneuve-d'Ascq, Douai, Tourcoing, Boulogne… Et puis il y a l'Opéra, le Théâtre du Nord, les scènes nationales, et évidemment l'ONL. Nous avons été pilotes avec l'idée de porter la musique partout où elle pouvait être entendue : à Billy-Berclau, Lens, Denain ou Boulogne, dans les salles des fêtes, les aciéries, sur les carreaux de mine.

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Qu'est-ce qui vous a incité à prendre cette direction?
Un jour, alors que je lui demande de m'emmener à l'Opéra, un chauffeur de taxi me dit : "Ah, ça, pas pour nous!" Je me suis juré de le faire mentir et de sortir la musique des lieux sacralisés. Pour y arriver, il fallait que j'appelle moi-même les maires pour leur expliquer que je n'avais pas tant de moyens, mais que grâce aux subventions régionales ils pouvaient acheter mes concerts à des tarifs très bas. C'est parti comme ça. Cette histoire prouve qu'on peut défricher. On jouait Mozart, Beethoven, Haydn et du contemporain. On a débuté à 57 et aujourd'hui on est 100 musiciens.

Que peut nous enseigner une telle expérience?
Que la pédagogie de l'erreur, l'idée de recommencer jusqu'à ce que ce soit mieux, mène quelque part. Nous, musiciens, nous l'appliquons tous les jours et en répétition, on ne cesse de dire : "On reprend!" Pour l'accomplissement de leurs désirs, les jeunes doivent comprendre que seule la rigueur devient volupté. La passion et l'exigence sont les mamelles de l'évolution de la race humaine, aujourd'hui en danger quand on ne sait plus où est la boussole. Quelle absurdité, en période de crise, d'attaquer la culture. Il n'y a aucune délinquance dans les écoles de musique. Il ne faut pas lésiner sur la culture.

Vous êtes inquiet pour les prochaines élections régionales?
Très. Ce serait très triste! Plein de communistes votent FN, c'est un drame. Car le FN n'a pas de programme sinon de supprimer toute initiative sociale ou humanitaire, ce sont des démagogues absolus. Le mythe du chef, de la part au peuple et du "tous pourris", on a pourtant vu ce que cela donnait en 1933 en Allemagne. Le plus affreux, c'est d'entendre des gens dire qu'on pourrait "essayer" . Mais six ans de FN, je ne peux pas l'imaginer.

Source: JDD papier

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