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Billet de blog 23 novembre 2015

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Un «Patriot Act» à la sauce hollandaise

Le 4 novembre René Girard est mort après une longue et brillante carrière de professeur de littérature française à l’université de Stanford en Californie et une plus brève mais remarquée d’académicien depuis 2005. René Girard a acquis une réputation mondiale en fondant son analyse des personnages des grands classiques de la littérature, et, par extension, de l’activité humaine et des rapports humains, sur le caractère mimétique du désir.

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Le 4 novembre René Girard est mort après une longue et brillante carrière de professeur de littérature française à l’université de Stanford en Californie et une plus brève mais remarquée d’académicien depuis 2005. René Girard a acquis une réputation mondiale en fondant son analyse des personnages des grands classiques de la littérature, et, par extension, de l’activité humaine et des rapports humains, sur le caractère mimétique du désir. Pour résumer brièvement et schématiquement son point de vue, largement développé dans son premier ouvrage Mensonge romantique et vérité romanesque (1961), le désir est suscité et engendré par le désir qu’un autre conçoit à l’égard d’un objet ( au sens philosophique), le mimétisme impliquant la reproduction du même comportement. L’histoire est ironique, car deux semaines après la mort de René Girard, sa thèse majeure trouve un écho dans le comportement de François Hollande et Manuel Valls, qui, par leurs décisions et leurs déclarations intempestives, ont fait basculer la démocratie française dans une sorte de loi du talion contemporaine, sur la base de la formule biblique « œil pour œil, dent pour dent », ou comme l’a brillamment analysé Giles Fraser, prêtre de la paroisse de StMary’s Newington au sud-est de Londres, dans un article écrit pour le Guardian : You punch me, I punch you back. You bomb us, we bomb you,  tu me donnes un coup de poing, je te redonne un coup de poing, tu nous bombardes, nous  te bombardons. 

Donc lorsque l’exécutif lance l’état d’urgence — dont les limites et les dangers ont été expliquées ici— le but souhaité est d’entretenir la peur, puis décide, au mépris du parlement et de la démocratie, de frappes aériennes de représailles, dont la précision et l’efficacité semblent non seulement incertaines mais vaines, ce même exécutif illustre la thèse de René Girard et reproduit très exactement ce que George Bush a fait en décidant, avec la docile bénédiction de Tony  Blair, d’envahir l’Irak, au nom de représailles consécutives au 11 septembre 2001 et fondées sur un mensonge désormais bien connu. Susciter la peur, confisquer la démocratie  et organiser cette confiscation, c’est que le tandem Hollande-Valls est en train de faire en décrétant et en prolongeant l’état d’urgence et c’est très exactement ce que le duo Bush-Cheney a fait avec l’instauration, le 26 octobre 2001, du USA Patriot Act, acronyme de Uniting and Strengthening America by Providing Appropriate Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism, littéralementt : Unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés et nécessaires pour arrêter et bloquer le terrorisme. On sait, grâce au courageux travail des lanceurs d’alerte que le Titre I et le Titre II, Enhancing domestic security against terrorism et Surveillance procedures ont pris rapidement une tournure de surveillance et d’espionnage du simple citoyen telle que ce même Patriot Act, venu à expiration le 1er juin 2015, n’a pas été renouvelé par le sénat américain, qui n’était pas franchement enthousiaste devant la perspective de se couper d’une opinion publique devenue hostile en la matière.  Le Freedom Act, autre acronyme, Uniting and Strengthening America by Fulfilling Rights and Ensuring Effective Discipline Over Monitoring, Unir et renforcer l’Amérique en respectant les droits et en assurant une discipline efficace dans le traitement des données, le 2 juin 2015, a pris la suite mais en imposant des limites à la surveillance de masse imposée par le Patriot Act.

 Quatorze ans plus tard, François Hollande tente d’accommoder le même plat avec une sauce différente, mais qui ne rendra pas la cuisine préparée moins indigeste et moins contre-indiquée pour l’avenir de la démocratie. On notera hélas qu’il y a une totale similitude entre Bush et Hollande dans la manière d’appréhender le terrorisme et la terreur. Bush avait négligé, sur la base de restrictions budgétaires fédérales, l’information de base du terrain qui aurait permis de prévenir le 11 septembre, puis avait décidé l’invasion de l’Irak. Hollande  a suivi la ligne de son prédécesseur en maintenant la politique des suppressions de postes dans la fonction publique, et donc dans la police et la surveillance du territoire, pour sortir tout-à-trac de son chapeau une création de 5.000 emplois, alors que le mal est fait. Puis il donne droit de cité aux terroristes en légitimant un état qui n’a aucune existence légale et fait organiser des bombardements sur le nord de la Syrie, alors que le bon sens voudrait qu’il pousse l’UE et les puissances occidentales à ne plus faire de commerce avec ces mêmes terroristes. Moi président de la République, j'essaierai d'avoir de la hauteur de vue, pour fixer les grandes orientations, les grandes impulsions, mais en même temps je ne m'occuperai pas de tout, et j'aurai toujours le souci de la proximité avec les Français, mai 2012…

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