La Turquie expulse sommairement depuis des mois les nombreux réfugiés syriens qui se présentent officiellement à sa frontière dans leur pays en guerre et les contraint à tenter leur chance illégalement avec des passeurs, a accusé lundi Human Rights Watch (HRW).

«La fermeture de la frontière turque force des femmes enceintes, des enfants, des personnes âgées et des malades à défier les gardes-frontière pour échapper aux horreurs de la guerre en Syrie», a déploré un membre de l'ONG, Gerry Simpson, qui a recueilli 51 témoignages de réfugiés syriens.

«La Turquie a jusque-là généreusement accueilli les Syriens et a parfaitement le droit d'assurer la sécurité à ses frontières, mais elle ne doit pas renvoyer les demandeurs d'asile dans une zone de guerre», a poursuivi M. Simpson.

Depuis le début de la guerre civile en 2011, le régime du président islamo-conservateur turc Recep Tayyip Erdogan, ennemi juré du maître de Damas Bachar al-Assad, a ouvert ses portes à ses voisins déplacés et en accueille aujourd'hui officiellement plus de 2,2 millions, sans toutefois leur accorder le statut de réfugié ou l'asile politique.

Longtemps accusée par ses alliés de ne pas en faire assez pour bloquer le flux des recrues djihadistes qui rejoignent le groupe État islamique (EI) via son territoire, la Turquie a depuis plusieurs mois renforcé ses contrôles frontaliers.

Elle a multiplié les arrestations et les expulsions de combattants proches de l'EI, spécialement depuis juin et une série de trois attentats attribués aux djihadistes, notamment une attaque suicide qui a fait 103 morts à Ankara le 10 octobre.

Selon les récits collectés par l'ONG, ces mesures ont contraint les déplacés à recourir à des passeurs pour se rendre, dans des conditions très périlleuses, d'un pays à l'autre.

«Nous avons essayé de passer en Turquie, mais nous avons été rapidement arrêtés par la police», a raconté à l'ONG originaire d'Hama. «Ils nous ont conduits dans une base militaire où il y avait déjà 200 Syriens, dont des femmes et des enfants (...) et le jour d'après ils nous ont ramenés à la frontière et dit de rentrer en Syrie», a-t-il ajouté.