Le 22 juillet 2011, en Norvège, 8 personnes sont tuées dans l'explosion d'une camionnette piégée, à Oslo, et 69 autres - majoritairement de jeunes militants sociaux-démocrates - sont abattues à bout portant sur l'île d'Utoya par un tueur déguisé en policier, Anders Behring Breivik. Pour ce pays scandinave, une horreur qui rappelle en partie celle qui a frappé la France le 13 novembre. La violence extrême du massacre, la jeunesse visée. Différence notable, la Norvège a subi la terreur d'un assassin isolé. Le pays ne s'estime pas en guerre contre une nébuleuse terroriste, et ne vit pas dans la hantise d'être entouré d'autres Breivik. Quatre ans plus tard, même si le débat est toujours vif, le pays demeure attaché à ses principes, et notamment aux libertés publiques. La direction de la police norvégienne a ainsi décrété, quelques heures avant les attentats de Paris, que les policiers, autorisés depuis fin 2014 à porter une arme, devaient à nouveau être désarmés, après que les services de renseignement eurent revu à la baisse le niveau de menace contre le royaume.
Un mot d'ordre : la dignité
Au lendemain des attentats, la question du traitement à réserver au terroriste d'extrême droite Anders Behring Breivik a hanté la Norvège. Comment une démocratie répond-elle à la barbarie ? Comment un Etat de droit épris de valeurs humanistes doit-il juger celui qui a perpétré un massacre en sachant que, s'il s'en sortait vivant, son procès lui offrirait la plus spectaculaire des tribunes pour distiller sa propagande haineuse et assurer la publicité de son manifeste ?
Depuis le 22 juillet 2011, la dignité était devenue le mot d'ordre dans le pays. Au cours du procès qui s'est déroulé au printemps 2012, les Norvégiens ont apporté une réponse exemplaire à cet acte sanglant. Dix semaines d'une couverture médiatique colossale ont, certes, donné à Breivik la tribune qu'il souhaitait. Mais filtrer les échos de la salle 250 du tribunal à Oslo aurait fait la joie des conspirationnistes de tout bord. Dans la salle du tribunal, et dans toutes celles de Norvège où le procès était retransmis sur écran quasiment en direct, parents des victimes, survivants et simple public pouvaient suivre les débats et écouter la logorrhée mortifère de Breivik, parfois poliment mais fermement interrompue par le président du tribunal. Le calme qui régnait dans la salle avait étonné les observateurs présents - tout au plus des larmes et des soupirs étouffés.
Ce procès avait pour objectif d'apporter une réponse sans équivoque à la barbarie d'un terroriste qui voulait ébranler l'Etat de droit. Tout en assumant de laisser s'exprimer un homme dont le seul regret est de ne pas avoir fait plus de victimes. « Il y a un besoin psychologique profond de voir que le système judiciaire va fonctionner, précisément parce que les attaques de Breivik étaient dirigées contre le système », soulignait à l'époque Henrik Syse, philosophe, aujourd'hui membre du comité Nobel. Anders Breivik, avec ses déclarations abjectes et grotesques, s'est heurté au mur compact des survivants et de la démocratie norvégienne. Le 24 août 2012, il a été condamné à la peine maximale en Norvège, soit vingt et un ans de prison.
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