En France, les élèves passent plus de temps à apprendre à lire et à compter qu’ailleurs
La France consacre 37 % du temps d’instruction obligatoire à l’étude du français en primaire, contre 22 % en moyenne dans l’OCDE.
« Il faut renforcer les fondamentaux », « l’important est que les élèves sachent lire, écrire, compter », « il faut davantage d’heures de français et de mathématiques »... Combien de fois a-t-on entendu ces réflexions de la part des politiques, de droite comme de gauche, depuis des années. Et pourtant, « contrairement aux idées reçues, les élèves reçoivent en France davantage d’heures de cours qu’en moyenne » dans les pays de l’OCDE, aussi bien au primaire qu’au collège, selon l’étude annuelle « Regards sur l’éducation » de l’Organisation publiée ce mardi.
Les élèves français cumulent ainsi 864 heures à l’école primaire (contre 804 en moyenne dans les pays de l’OCDE) et 991 heures au collège (contre 916). « Ils passent plus de temps à étudier les fondamentaux que la plupart de leurs voisins », notent les auteurs de l’étude. Cela est « particulièrement vrai dans l’enseignement primaire ».
Travailler autrement avec les élèves
La France détient ainsi le record, au sein de l’OCDE, du nombre d’heures consacrées à la lecture, à l’expression écrite et à la littérature (37 % du temps d’instruction obligatoire contre 22 % en moyenne). « C’est le chiffre le plus élevé de tous les pays de l’OCDE », appuie Eric Charbonnier, expert en charge de l’éducation au sein de l’Organisation. Même chose en mathématiques, qui représentent 21 % du temps d’instruction obligatoire en France dans l’enseignement primaire, contre 15 % dans les autres pays de l’OCDE. L’Allemagne est à 20 %, le Mexique à 24 %, le Portugal à 27 %, mais la Corée à seulement 14 %.
Mais pourquoi, alors, la France ne se situe-t-elle que dans la moyenne de l’OCDE pour ses performances éducatives ? Et pourquoi est-elle l’un des pays où l’accroissement des inégalités est le plus fort ? « Il faudrait peut-être réfléchir à transformer cette plus grande quantité d’heures [dédiées aux fondamentaux] en meilleure qualité », suggère Eric Charbonnier. Cette « qualité qui va faire la différence » dépend de l’utilisation qui est faite des heures de cours et de la gestion des difficultés des élèves, selon l’OCDE.
Il faut « travailler autrement avec les élèves », estime Eric Charbonnier. Il se félicite ainsi de la disparition du redoublement, mais estime qu’il faut lui trouver « des alternatives », « car ce n’est pas en le supprimant mécaniquement qu’on trouvera des solutions ». Il plaide aussi pour de petits groupes d’élèves en vue d’un travail plus « différencié », et milite pour l’utilisation du numérique.
Former les enseignants au numérique
Cette « réflexion sur l’environnement pédagogique » passe avant tout, selon l’OCDE, par la formation des enseignants, qui apparaît comme « le levier fondamental ». Le gouvernement a entrepris de la réformer depuis 2012, mais il faut « continuer à la faire évoluer pour mieux préparer les enseignants au volet pédagogique », estiment les auteurs du rapport. Une allusion à une formation qui est encore très inégale selon les nouvelles écoles du professorat (ESPE). L’OCDE juge tout aussi essentielle la formation continue, entre autres pour inciter les enseignants à travailler en équipe. La France est notamment en retard sur la formation au numérique : 60 % des enseignants estiment en avoir besoin.
Autre exception qui pèse sur les résultats français : les journées des élèves sont aussi les plus chargées. Les apprentissages des élèves de primaire sont très peu étalés dans le temps. Malgré la réforme des rythmes scolaires (qui a fait passer le nombre de jours d’école de 144 à 162), la France reste le pays où les enfants ont le nombre de jours de classe le plus faible, tandis que dans les autres pays les enfants bénéficient en moyenne de 185 jours. « Il faudrait étaler les apprentissages et trouver des moments plus propices pour gérer les élèves en difficulté », estime l’OCDE qui propose de rouvrir le débat sur la réduction des vacances d’été.
Pour expliquer la hausse des inégalités en France, l’OCDE invoque aussi une dépense éducative qui ne va pas vers les établissements qui en ont le plus besoin et une école primaire qui continue à être victime d’un « sous-investissement » par rapport au secondaire.
Les autres particularités françaises
- La France est l’un des quelques pays où la scolarisation dès 3 ans est généralisée. Mais, de fait, même si « la part publique du financement des écoles maternelles est élevée (0,7 % du PIB en 2012, contre 0,6 % en moyenne ailleurs), les dépenses sont inférieures à la moyenne des pays de l’OCDE ». Les dépenses annuelles par élève scolarisé sont moindres en France. - La taille des classes est légèrement au-dessus de la moyenne OCDE, dans le primaire comme dans le secondaire. Les classes des pays de l’OCDE comptent en moyenne 21 élèves par classe, contre 23 en France. - Les formations courtes du supérieur (type IUT ou BTS) ont davantage le vent en poupe en France : sur l’ensemble des 25-34 ans qui ont obtenu au moins un diplôme de l’enseignement supérieur, 40% ont quitté le système éducatif avec au plus un diplôme du supérieur de cycle court en poche (contre 17% en moyenne OCDE).