INTERVIEWJournée contre les violences faites aux femmes: «La honte doit changer de camp»

Journée contre les violences faites aux femmes: «La honte doit changer de camp»

INTERVIEWSelon Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, la prise en charge des victimes a été améliorée depuis 2013...
Pascale Boistard, en février 2015
Pascale Boistard, en février 2015 - LAURENT BENHAMOU/SIPA
Delphine Bancaud

Propos recueillis par Delphine Bancaud

A l’occasion de la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, Pascale Boistard, la secrétaire d’État chargée des Droits des femmes, détaille à 20 minutes les mesures du gouvernement pour endiguer ce fléau.

En 2014, 134 femmes sont décédées sous les coups de leur conjoint. Pourquoi ce chiffre reste-t-il aussi élevé ?

Les violences dans la sphère privée sont un fléau contre lequel il est très difficile de lutter. Pour les faire reculer, nous avons mis en place de nombreux de dispositifs pour améliorer l’écoute et l’accompagnement de ces femmes. Avec trois plans et deux lois votées, la mobilisation du gouvernement depuis 2012 marque un changement d’ampleur.

Les appels au 3919 ont doublé en 2014. Pour quelles raisons ?

Depuis deux ans, ce numéro gratuit et anonyme a été élargi à toutes les formes de violences contre les femmes et ses plages horaires ont été étendues. Son utilité n’est plus à prouver puisqu’il permet de rediriger les femmes vers des associations spécialisées et des lieux d’accueil près de chez elles.

« Je dis aux femmes concernées : vous n’êtes pas seules ! Appelez le 3919 ! #violencesfemmes pic.twitter.com/PmAh25EmNN — Pascale Boistard (@Pascaleboistard) November 24, 2015 »

Seulement 14 % des femmes victimes de violences conjugales portent plainte. Comment faire augmenter ce ratio ?

Porter plainte fait toujours peur aux femmes, car certaines craignent que leur conjoint soit emprisonné et de se retrouver seules ensuite. D’autres redoutent des représailles ou trouvent des excuses à leur conjoint. D’où la nouvelle campagne de communication que nous lançons cette semaine dans le but dire à ces femmes qu’elles ne sont pas seules. La honte doit changer de camp. Leur parole doit se libérer afin que l’on puisse les accompagner jusqu’au dépôt de plainte. Nous avons aussi formé les différents acteurs de la police et de la gendarmerie pour qu’ils accueillent mieux les victimes et qu’ils les encouragent au dépôt de plainte

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Et quid de celles qui souhaitent seulement déposer une main courante ?

Elles ne sont pas oubliées, bien au contraire ! Car le dépôt de main courante entraîne désormais la convocation de l’auteur des violences par la police et une proposition de protection de la victime.

Les auteurs de violences sont-ils davantage punis pénalement ?

L’ordonnance de protection a été prononcée 1.303 fois en 2014 (+10 % en un an). Elle permet à la victime, si elle le souhaite, de se voir attribuer le domicile. Elle peut contribuer à diminuer l’exercice de l’autorité parentale du père et peut déclencher l’attribution d’un téléphone « grand danger » permettant l’intervention rapide des forces de sécurité, en cas d’urgence.

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Actuellement 400 de ces téléphones « grave danger » sont en service, n’est-ce pas trop peu ?

Après une phase d’expérimentation, ils ont été déployés sur l’ensemble du territoire depuis mars 2015 et disposent désormais d’un GPS. C’est 250 de plus en un an. Je souhaite que d’ici à fin 2016, il y en ait 500. Car ils ont permis de sauver des vies de femmes, qui étaient menacées par leur ex-conjoint.

En quoi l’accueil des victimes dans les commissariats a-t-il été amélioré ces dernières années ?

Depuis 2012, 241 assistantes sociales ont été déployées dans les commissariats et les gendarmeries dans des départements plus fortement touchés par ces violences. L’objectif est de 350 en 2017. Cela permet non seulement un accueil plus personnalisé des victimes, mais aussi de favoriser le dépôt de plainte des victimes.

Les associations estiment qu’il y a encore trop peu de places d’hébergement pour les femmes victimes de violence. Comment les développer ?

Le président de la République a fixé l’objectif de 1.650 places en 2017. Aujourd’hui on est à 70 % de l’objectif. Je travaille avec le ministère du Logement pour que des places d’hébergement soient consacrées à leur accueil, dans des centres réservés aux femmes. Depuis 2012, 300 places d’accueil de jour ont aussi été créées pour pouvoir recevoir de façon assez discrète des femmes afin de préparer leur séparation d’un conjoint violent.

Quelle est l’efficacité des stages de responsabilisation des auteurs pour éviter la récidive ?

Dix services pénitentiaires d’insertion et de probation ont été mobilisés pour les expérimenter fin 2014. Mais il est trop tôt pour en évaluer l’efficacité. D’autres actions sont en place : 84 dispositifs ont été dénombrés dans 58 départements et ont bénéficié à 1.546 auteurs de violences. Soit sous forme de stage, de groupe de paroles ou d’entretien individuel.

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