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Désintox

N'en déplaise à François Fillon, l'opposition syrienne se bat bien contre l'Etat islamique

L'ancien Premier ministre a soutenu mercredi sur France Inter que les rebelles syriens n'avaient «jamais» combattu l'Etat islamique. Une aberration, nous vous expliquons pourquoi.
par Luc Mathieu
publié le 25 novembre 2015 à 13h12

INTOX Invité mercredi matin sur France Inter, François Fillon, député LR de Paris et ancien Premier ministre, a déclaré : «Je n'ai jamais vu l'opposition syrienne se battre contre l'Etat islamique.» «Ce n'est pas avec ces forces-là qu'on va battre Daech», a-t-il ajouté. Il est assez remarquable d'énoncer autant de contre-vérités en aussi peu de mots.

par franceinter

DÉSINTOX Des rebelles syriens combattent l'EI depuis 2013, lorsqu'il s'appelait encore l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL). Les jihadistes n'avaient alors pas de «califat» en Syrie. Plutôt que d'affronter les forces du régime de Bachar al-Assad, ils progressaient principalement en s'emparant de villes et de villages dont les opposants avaient pris le contrôle les mois précédents. Cette stratégie a culminé la fin 2013. Après une vague d'assassinats de figures de l'opposition par des jihadistes de Daech dans le nord du pays, plusieurs groupes rebelles, dont les salafistes d'Ahrar al-Sham et des combattants de l'Armée syrienne libre (ASL), forment une coalition et lancent une offensive. Les combats dureront plusieurs mois et feront des milliers de morts. Mais ils forceront l'EI à abandonner la majorité de ses positions dans la région, y compris dans la ville d'Alep, avant de se retirer à Raqqa, qui deviendra leur fief syrien.

Les combats sont depuis plus sporadiques. Mais ils se poursuivent, notamment à Marea, une ville située à proximité de la frontière turque, régulièrement attaquée par l’EI depuis août dernier. Au nord d’Alep, Daech vient de s’emparer de l’école d’infanterie, dont les rebelles avaient pris le contrôle à l’été 2012. Lors de la bataille de Kobané, en 2014, environ 600 combattants de l’ASL s’étaient joints aux combattants kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) pour repousser les assauts de l’EI.

D'une manière globale, entre janvier et novembre 2014, Daech avait fait des rebelles sa principale cible, leur consacrant 64% de ses attaques, selon une étude du centre Jane sur le terrorisme et l'insurrection. Les jihadistes de l'EI évitaient largement, à l'inverse, d'affronter le régime de Bachar al-Assad (13% des attaques). Lequel le lui rendait bien puisque seules 6% de ses offensives visaient Daech. «Ces chiffres suggèrent que l'Etat islamique et les forces de sécurité d'Al-Assad ont opté pour une stratégie qui consiste à s'ignorer et à focaliser leurs attaques sur des groupes plus modérés de l'opposition», notait alors le centre Jane.

Croire comme François Fillon que ce n’est pas avec ces «forces-là», les rebelles syriens, que Daech pourra être vaincu relève de l’absurdité. Les Occidentaux n’ont aucune intention de déployer des troupes au sol, hormis des forces spéciales, comme l’ont encore répété mardi François Hollande et le Barack Obama. Les bombardements aériens n’ayant jamais permis à eux seuls de gagner une guerre, la coalition ne peut que s’appuyer sur des combattants locaux. Lesquels ? Les Kurdes sont a priori les mieux armés et les plus proches des Occidentaux. Mais n’en déplaise à François Fillon, ils ne pourront prendre seuls Raqqa, ville en grande majorité arabe. Ils n’en ont d’ailleurs pas l’intention, le fief de l’EI ne faisant pas partie des territoires qu’ils revendiquent. C’est pour cela que les Etats-Unis ont favorisé la création d’une nouvelle coalition, les Forces démocratiques syriennes, qui associe des combattants kurdes, des miliciens assyriens, des tribus arabes sunnites locales et… des groupes rebelles de l’ASL.

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