Discriminations : AIDES dénonce les carrières interdites aux séropositifs

 

Discriminations : AIDES dénonce les carrières interdites aux séropositifs

    Ces dispositions sont contraires à la Constitution de 1946, au droit français et international, mais il n'empêche, actuellement, des textes réglementaires empêchent toujours des personnes séropositives d'accéder à certaines fonctions.

    Elles sont d'ailleurs, pour l'essentiel, régaliennes : justice, police et armée notamment, pour lesquelles la personne atteinte du virus du sida est assimilée, le plus souvent, à une personne inapte. Ce jeudi matin, l'association de lutte contre le Sida, AIDES, a présenté un rapport faisant le point sur les discriminations encore réservées à ce public. Un traitement qui, selon elle, «fleure bon les années 80», période où l'épidémie battait son plein avec sa cohorte d'idées reçues.

    Parmi ces discriminations, l'association pointe celles qui affectent la sphère professionnelle. «Nous avons été alertés, en juillet 2015, par une personne qui souhaitait intégrer la marine nationale. Du fait de sa séropositivité, c'était impossible pour lui de devenir officier navigant. En enquêtant, nous avons découvert le référentiel Sigycop que nous ne connaissions pas. Ce document est une classification permettant d'établir un profil médical qui détermine l'aptitude d'un individu à exercer dans l'armée», explique l'association.

    Aucune donnée scientifique ou médicale ne justifie une telle exclusion de principe

    Cette classification Sigycop, faite après une visite médicale, s'applique à tous les corps de l'armée, de la gendarmerie, des sapeurs-pompiers et de la police nationale. L'aberration de ce classement pointé par AIDES est qu'une infection à VIH sans symptômes, mais non traitée, donne lieu à un coefficient 3, c'est à dire entraîne «une restriction appréciable de l'entraînement, notamment l'entraînement physique au combat et limite l'éventail des emplois», alors qu'un séropositif asymptomatique qui se soigne bénéficiera, lui d'un coefficient 4 qui «exempt de tout entraînement physique au combat».

    «Ainsi vivre avec le VIH en bonne santé et sans traitement serait moins «grave», au regard de l'état général de santé, que vivre avec le VIH en bonne santé et avec traitement», s'étonne le rapport. Lorsque des personnes séropositives sont acceptées, «elles sont cantonnées, dans le meilleur des cas, à des fonctions sédentaires ou administratives «non opérationnelles».

    Aucune donnée scientifique ou médicale ne justifie une telle exclusion de principe, à fortiori depuis 1996 et l'arrivée des traitements antirétroviraux», précise-t-il encore. Rappelons qu'une personne séropositive est porteuse du virus du sida, mais n'a pas développé la maladie.

    Par ailleurs, les traitements actuels permettent de réduire considérablement la charge virale dans le sang, au point de devenir indétectable. Dans ces circonstances, les personnes sont donc non contaminantes et peuvent vivre en bonne santé, sur le long terme, dans des conditions similaires aux personnes séronégatives. L'école Polytechnique comme l'école spéciale militaire Saint-Cyr, utilisent aussi le référentiel Sigycop pour leurs candidats. Toutefois, Saint-Cyr exige une note de 2 au classement, excluant de fait tous les séropositifs, avec ou sans traitement.

    Enfin, selon une ordonnance de 1958, chaque candidat à l'Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) doit «remplir les conditions d'aptitude physique nécessaire à l'exercice des fonctions, et être reconnu indemne ou définitivement guéri de toute affection donnant droit à un congé de longue durée (CLD)». Or, le «déficit immunitaire grave et acquis» donne officiellement droit au CLD, ce qui exclu également les personnes séropositives.

    «Nous avons immédiatement interpellé le directeur de l'ENM, la direction des services judiciaires, le ministère de la Santé et la Garde des Sceaux (Christiane Taubira, ndlr). Cette dernière, dans un courrier de février 2014, confirme le caractère discriminant de cette disposition et annonce la modification de l'ordonnance de 1958 dans une prochaine loi organique relative au statut de la magistrature», annonce l'association. L'examen de ce texte a débuté à l'automne 2015.