VIDEOS. Yasser, blessé au Bataclan : «Nous devons partager notre souffrance»

LE FAIT DU JOUR. Yasser Bensalah, touché à deux reprises à la terrasse du Bataclan Café alors qu'il était en vacances à Paris, ne manquerait pour rien au monde l'hommage national aux 130 victimes des attaques du 13 novembre, prévu ce vendredi aux

VIDEOS. Yasser, blessé au Bataclan : «Nous devons partager notre souffrance»

    La première balle l'a effleuré, ripant sur son passeport. La deuxième a traversé sa jambe. Caché derrière une table du Bataclan Café, Yasser n'a alors qu'une pensée en tête : « Où la troisième balle va-t-elle se loger ? » Yasser Bensalah, 35 ans, est impatient de rentrer dans son pays d'origine, le Maroc, presque deux semaines après le drame qui a bouleversé sa vie. Mais il ne manquerait pour rien au monde l'hommage national auquel lui aussi a été convié. L'ophtalmologue de Casablanca, touché à deux reprises à la terrasse du Bataclan Café, tient à partager sa souffrance avec les autres victimes de la tuerie. « Et réaliser que, dans mon malheur, j'ai eu cette chance de survivre que d'autres n'ont pas eue. »

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    En vacances à Paris, Yasser sort de dîner lorsqu'il décide d'aller boire un café en terrasse avec ses amis Samy, un Tunisien, et Salah, de nationalité égyptienne. « J'ai entendu un premier bruit de pétard. J'ai regardé ma veste, elle était trouée. Puis j'ai senti l'odeur de la poudre. Au deuxième bruit de pétard, j'ai vu Salah tomber au sol. J'ai compris qu'il ne s'agissait pas de pétards mais d'un attentat. » Yasser lève la tête et aperçoit le tireur à trois ou quatre mètres de lui. « Un jeune, avec un jean, une veste, une petite barbe. Il tirait, non pas par rafales, mais coup par coup. Il n'a rien revendiqué. Il paraissait juste content. Il se réjouissait de ce qu'il était en train de faire. »

    Le troisième tir est pour Samy. Touché à l'abdomen, l'ami de Yasser s'écroule. « J'ai renversé la table, et je me suis caché derrière. Je me suis dit que j'allais mourir, que c'était la fin. Le terroriste est revenu vers moi, j'entendais le bruit des balles sur la table. L'une d'elle a traversé ma jambe. J'ai à peine ressenti la douleur à cause de l'adrénaline. » Puis le silence. « J'avais vu des silhouettes entrer au Bataclan. Je me suis dit que mon tireur les avait peut-être rejoints. J'ai jeté la table et j'ai couru, persuadé que Samy me suivait. » Les secours arrivent quelques instants plus tard. Samy survit. Yasser aussi. « Mon passeport m'a sauvé la vie. Quant à la deuxième balle, elle n'a touché ni l'os ni le nerf. »

    Dans l'ambulance qui l'emmène à l'hôpital, Yasser est pris en charge par un médecin d'origine marocaine. « Il m'a dit : On ne va plus pouvoir vivre ici, nous, les musulmans. Je vais rentrer au Maroc. Il pensait que nous serions stigmatisés pour toujours. Moi, je n'ai pas ressenti d'hostilité depuis le drame. D'ailleurs, je suis la preuve vivante que les terroristes visent tout le monde sans distinction, y compris les musulmans. Ce qu'ils n'ont fait n'a rien à voir avec notre religion. »

    Le lendemain, Yasser doit rejoindre femme et enfants à Madrid. Pour ne pas inquiéter son épouse, il prétend d'abord que le vol a été annulé. Aujourd'hui, conscient d'être une victime, il a entamé démarches d'indemnisation et soins psychologiques, épaulé par son avocate, Me Samia Maktouf. Dans l'hôtel où il loge, d'autres familles de victimes sont présentes. « On se voit au petit déjeuner. On se prend dans les bras. Une mère a perdu sa fille au Bataclan. Elle a développé beaucoup d'amour pour moi. Quand elle me serre, j'ai l'impression qu'elle essaie de retrouver un peu de sa fille. » Sa présence à l'hommage national, c'est aussi pour honorer la douleur de cette mère qu'il y sera. « On doit être unis. Tout le monde a été touché par ce drame, toutes les nationalités, toutes les religions. Nous devons partager notre souffrance, nos émotions. J'espère que cela nous aidera à nous reconstruire. »

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