Mais où est donc passé l'imam de Villetaneuse ?

Mehdi Kabir, prédicateur salafiste, officiait depuis trois ans à la mosquée de Villetaneuse. Depuis les attentats, il figure aux abonnés absents.

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Comme son "maître" Béchir Ben Hassen et à l'instar du prophète Mahomet, Mehdi Kabir s'appuie fréquemment sur un bâton lors de ses prêches. Capture d'écran de l'une de ses vidéos. 

© DR

Temps de lecture : 6 min

Son prêche du vendredi 20 novembre était très attendu. Quelle serait la réaction de l'imam "salafiste" de Villetaneuse après les attaques terroristes de Paris et du Stade de France. Comment Mehdi Kabir se positionnerait-il après les tueries du Bataclan et des bars et restaurants de l'Est parisien ? Les 200 fidèles de la mosquée, qui attendaient une prise de parole de sa part, sont restés sur leur faim. "Il a été retenu par les embouteillages et n'a donc pas pu prendre la parole", explique, un brin gêné, l'un des membres de l'Association cultuelle des musulmans de Villetaneuse (ACMV), qui gère ce lieu de prière. C'est sur Internet, trois jours après les attentats, qu'il a finalement adressé "une pensée profonde et solidaire à toutes les victimes de cette grande injustice qui s'est produite au coeur de Paris".

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Une disparition brutale

Inutile de chercher à le joindre aujourd'hui. "L'imam est parti en vacances", explique un fidèle qui passe rapidement son chemin aux abords de la rue Maurice-Grandcoing. "Il a souhaité prendre du recul après une émission de télévision particulièrement haineuse à son encontre", affirme un autre individu qui file, lui aussi, avant d'avoir eu le temps de donner son nom.

Le programme en question ? L'édition de Zone interdite du 22 novembre dernier. L'émission de M6, consacrée aux suites des attentats du 13, comportait l'extrait de l'un des prêches de Mehdi Kabir. Dans ce sermon, enregistré en avril 2013, il affirmait, entre autres : "Celui qui mange du porc a tendance à avoir le comportement d'un porc. C'est pour cela que les consommateurs de la viande de porc, tu les trouves parmi les gens les plus sales. Les gens qui n'ont pas de jalousie envers leur famille, les gens qui ne se soucient pas de voir leur femme dénudée et embrassée par les autres hommes. Les gens qui, lorsqu'ils sortent des toilettes, ne se lavent pas les mains. (...) Pourquoi ? Car ils consomment de la viande de porc. (...) Or le prophète a informé qu'il viendra un temps où Allah transformera certains êtres humains en singes et en porcs."

Des prêches... polémiques

Ses proches assurent que Mehdi Kabir regrette profondément ces propos. L'imam a d'ailleurs publié, le 24 novembre, sur la page Facebook de l'association Islam Sciences, dont il est le promoteur, un communiqué dans lequel il souhaite "clarifier" sa "position officielle" sur "l'affaire de la vidéo".

Il y confie que ce "discours prononcé était la lecture d'une traduction non retravaillée d'un texte d'un auteur étranger", une "maladresse intellectuelle", estime-t-il. Il affirme avoir "pris note des différentes remarques, observations et critiques" sur ce discours et avoir "réévalué (s)a position et approfondi la question d'un point de vue religieux et intellectuel". Comprenant que "certains de ses propos ont pu choquer ou heurter la sensibilité de [ses] concitoyens en particulier d'autres confessions", il livre sa "position officielle" : "D'après la majorité des juristes musulmans, l'interdiction de la consommation du porc ne s'adresse qu'aux musulmans" et "il ne convient pas au croyant de rabaisser de son propre avis le statut de l'être humain à celui d'un animal". Et l'imam de "regretter sincèrement la diffusion de cette vidéo sur Internet et les réseaux sociaux".

Mehdi Kabir n'a, cependant, manifesté aucun regret concernant d'autres prédications filmées. Comme cette vidéo de janvier 2013 où il explique doctement que les femmes qui ne sortent pas voilées "font répandre la fornication dans la communauté de l'islam". Car "celles qui dévoilent leurs parties tentatrices et montrent leurs corps font bouger les plaisirs des hommes" [sic].

Limogé de la mosquée ?

Selon nos informations, certains administrateurs de l'association chargée de la gestion de la mosquée de Villetaneuse auraient signifié à Mehdi Kabir qu'il n'était plus le bienvenu dans leur centre cultuel. "Car il donne une mauvaise image de notre communauté", glisse l'un d'eux en guise de justification. "De toute façon, il n'était en rien notre porte-parole", assure un autre qui croit pouvoir affirmer qu'"il ne reviendra pas à Villetaneuse".

Il n'en fallait pas plus pour que l'intéressé se présente en victime... En vacances (et donc officiellement injoignable), Mehdi Kabir demeure actif sur son compte Twitter. Il y imputait, le 25 novembre, son départ de Villetaneuse à des pressions subies de la part de la mairie.



À l'hôtel de ville, on jure pourtant ne rien savoir de cette histoire. "C'est une affaire interne à l'association qui administre les lieux", évacue Yaya Lam, directeur de cabinet de la maire communiste Carinne Juste.

Des fréquentations sulfureuses

<p>L'imam de Villetaneuse est parti en vacances avec son ami Rachid Abou Houdeyfa, prédicateur de la mosquée de Brest (à droite sur cette photo). Image tirée d'une vidéo de prédication.</p> ©  DR

L'imam de Villetaneuse est parti en vacances avec son ami Rachid Abou Houdeyfa, prédicateur de la mosquée de Brest (à droite sur cette photo). Image tirée d'une vidéo de prédication.

© DR


C'est sa proximité avec plusieurs personnalités "radicales" que l'association cultuelle de Villetaneuse aurait surtout sanctionnée. Proche du controversé imam de Brest (voir photo ci-dessus), Mehdi Kabir, 35 ans, originaire de Noisy-le-Grand (93), a suivi les enseignements de l'imam tunisien Béchir Ben Hassen après des études écourtées. Mehdi Kabir clame d'ailleurs fièrement être toujours l'un de ses disciples. Or Béchir Ben Hassen n'est pas n'importe qui.

Hier responsable d'une communauté francilienne, ce prédicateur salafiste, rentré en Tunisie après le Printemps arabe de 2011, est un imam jugé "radical", y compris de l'autre côté de la Méditerranée. Le 10 janvier 2015, trois jours après l'attentat contre Charlie Hebdo, Béchir Ben Hassen déclarait ainsi dans un prêche filmé : "La punition pour quiconque blasphème le nom du prophète Mohamet, c'est la mort. Il doit être exécuté. Cette condamnation à mort est mentionnée dans de nombreux versets du Coran, par la sunna (la loi islamique, NDLR) et par l'avis de nombreux sages du passé."

L'influence d'un cheikh extrémiste

Est-ce le fait que Mehdi Kabir ne se soit jamais désolidarisé de ce mentor qui a décidé les responsables de Villetaneuse à se séparer de leur encombrant imam ? Impossible de répondre à cette question. Sollicités à de très nombreuses reprises, ses représentants n'ont pas donné suite à nos demandes d'interview.

Malgré l'appui de dignitaires du parti islamiste Ennahda et sa proximité avec l'ancien président Moncef Marzouki, Béchir Ben Hassen a d'ailleurs, lui-même, fini par être écarté de sa mosquée de Msaken, dans le nord-est de la Tunisie, en juillet dernier. "Son limogeage a été décidé par l'ancien ministre des Affaires religieuses Noureddine Khademi, réputé lui-même être un imam extrémiste", nuance une source tunisienne.

Cette décision, prise le 1er juin 2013, trouverait sa source dans les "absences répétées de Béchir Ben Hassen de son poste". Absences justifiées à l'époque par son... incarcération en France. Arrêté le 28 mai 2013 à l'aéroport de Casablanca, à la suite de l'émission d'un mandat d'arrêt international, Béchir Ben Hassen a effectivement purgé une peine de prison pour avoir enlevé ses enfants à leur mère (de nationalité française) après une procédure de divorce houleuse. Il a été libéré en février 2014 et a repris ses fonctions d'imam à cette date, tout en poursuivant une activité parallèle de voyagiste, organisant des pèlerinages vers La Mecque, via une agence française.

Cet épisode judiciaire comme les propos qu'il a tenus après les attentats de janvier 2015 n'empêchent pas Béchir Ben Hassen de proposer de nombreux cycles de conférences à travers la France. C'est ainsi qu'il a été reçu dans au moins deux lieux de culte musulmans à Montreuil (93) et à Bussy-Saint-Georges (77) au printemps dernier.

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Commentaires (31)

  • Levosgienadit

    Je l'espère.

  • Tousofns

    ... Taubira s'en occupe !

  • Christophe1

    Il faut à présent "refaire la république". Est-ce possible avec l'islam ? En effet, celui-ci ne fait pas de distinction entre pouvoir spirituel et pouvoir temporel. De plus, la lecture littérale (figée) du coran qui est en grande partie inégalitaire, intolérant et totalitaire (le mal) s'opposera toujours à une lecture bienveillante du coran qui veut le bonheur et une justice pour tous (le bien). Que faire pour se débarrasser de ce mal de manière définitive ? Faut-il interdire l'islam ? Est-ce vraiment impossible ? Remplacer alors l'islam par une foi universelle ? Une foi qui ne regarde personne que soi-même ? Sans dogme, ni autorité, ni moralisation, ni culpabilisation, ni menace, ni soumission, ni récompense.