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Les grands requins dans le viseur du gouvernement australien

Après sept attaques mortelles en trois ans, les autorités ont lancé un plan pour abattre les requins de plus de trois mètres approchant des côtes, déclenchant un concert de protestations.

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Publié le 19 janvier 2014 à 08h04, modifié le 27 janvier 2014 à 04h14

Temps de Lecture 4 min.

Les requins blancs sont l'espèce la plus particulièrement ciblée par le gouvernement d'Australie-Occidentale.

Après sept attaques mortelles de requin en trois ans, le gouvernement d'Australie-Occidentale a tenu à frapper fort. Son « plan requins », qui doit être lancé dans les prochains jours, met en place aux côtés des traditionnels programmes de recherche et de sauvetage un véritable « permis de tuer » visant tout requin de plus de 3 mètres nageant à moins d'un kilomètre des côtes. Plus de 70 hameçons appâtés seront déployés auprès des plages à risques, tandis que des pêcheurs, munis d'armes à feu, patrouilleront pour les traquer.

Responsable des deux dernières attaques fatales, en novembre 2013, le grand requin blanc est en première ligne. Ce prédateur, protégé depuis 2001 par l'Australie, est inscrit à l'annexe 2 de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (Cites), qui indique qu'une pêche incontrôlée pourrait menacer la survie de son espèce. Suggérant que leur nombre a pu augmenter, le ministre local de la pêche, Troy Buswell, a récemment fait savoir qu'il demanderait au gouvernement fédéral de M. Abbott – un climato-sceptique peu réputé pour ses positions écologistes – de reconsidérer sa protection.

Lire (édition abonnés) : Article rĂ©servĂ© Ă  nos abonnĂ©s L’Australie sacrifie l’environnement pour relancer son économie

« DÉGOÛT »

En Australie et ailleurs, cet « abattage » programmé de squales a suscité une forte indignation. A Perth, capitale d'Australie-Occidentale, environ 4 000 personnes ont manifesté début janvier, et des centaines d'autres sur la côte Est. 

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L'Association des Australiens de l'Ouest pour la sauvegarde des requins a lancé un appel à « monter sur son bateau » pour aller filmer les mises à mort. Sur Internet, une pétition recueillait bientôt 60 000 signatures sur Change.org. Tandis que, de l'autre côté du Pacifique, en Floride, le spécialiste renommé des requins George Burgess exprimait dans la revue Nature son « dégoût » face à ces mesures, plus de cent scientifiques cosignaient une lettre ouverte, appelant à privilégier l'éducation, la surveillance des côtes et la recherche : « Les programmes de contrôle des requins n'ont pas à être létaux pour être efficaces », expliquent-ils.

Des solutions alternatives existent en effet : installer des filets protecteurs autour des zones de baignade, améliorer les premiers gestes de survie, éduquer à certaines bonnes pratiques (par exemple ne pas se baigner en eaux troubles, au lever et au coucher du soleil, ou encore rester en groupe), etc. C'est même le gouvernement d'Australie-Occidentale qui a lancé l'une des plus originales : quelque 320 requins – grands blancs, baleine et tigre – ont été balisés, et envoient en direct des alertes sur Twitter quand ils sont détectés non loin des plages. Le compte Twitter des sauveteurs permet de les suivre à la trace (comme ce requin tigre dans le premier tweet) ou relaie d'autres signalements (comme ce requin blanc de 3 à 4 mètres nageant vers Bremer Bay, au sud de Perth, dans le second). 

UNE EFFICACITÉ MISE EN DOUTE

Sous le feu des critiques, le gouvernement d'Australie-Occidentale campe toutefois sur ses positions, malgré les doutes des scientifiques sur l'efficacité de son plan de régulation. Un rapport écrit pour les autorités de cet Etat par le chercheur Daryl McPhee (Bond University) conclut ainsi qu'il est impossible de démontrer l'effet de tels programmes d'abattage, mis en œuvre à Hawaï, en Afrique du Sud ou sur la côte est australienne, avec des filets. Des attaques continuent à avoir lieu sur certaines plages protégées, note-t-il.

Le cas de l'Ouest australien est, qui plus est, particulier : ses côtes se trouvent sur l'itinéraire de ces grands migrateurs que sont les requins blancs, entre l'Australie et l'Afrique du Sud. En tuer certains n'empêchera donc pas d'autres individus d'y circuler. Bien au contraire, le plan est même accusé par certains d'attirer, avec ses dizaines d'appâts, les squales vers les plages fréquentées qu'il est censé protéger, comme le relate un article du Guardian.

Par ailleurs, selon John West, du Taronga zoo de Sydney, il n'y a « pas de preuve » d'une hausse du nombre de requins, supposée être en cause dans l'augmentation des attaques. En revanche, « l'augmentation des attaques de requin en Australie, de 6,5 accidents par an en moyenne entre 1990 et 2000 à 15 accidents par an la dernière décennie, coïncide avec une croissance de la population humaine […], une popularité accrue des activités récréatives et sportives dans la mer et un plus grand accès à des côtes initialement isolées », relève-t-il. 

VICTIMES COLLATÉRALES

Finalement, si le plan australien permettra certainement de réduire des populations de requins, ce ne sera pas sans faire des « victimes collatérales ». La méthode des hameçons est, certes, plus sélective que celle des filets employés ailleurs, qui attrapent au passage dauphins, lions de mer, tortues, etc. Mais rien n'empêche de grands poissons prédateurs, comme le poisson-scie, de venir y mourir, et encore moins certains requins inoffensifs.

Or le requin a un rôle déterminant dans les écosystèmes marins. Au sommet de la chaîne alimentaire, le grand prédateur ne se nourrit pas seulement de poissons carnivores. « Il chasse aussi les herbivores, ce qui permet de maintenir un équilibre compétitif entre les algues et les coraux », explique Philippe Tirard, spécialiste des requins en Nouvelle-Calédonie.

Une mission-clé, car les scientifiques mesurent désormais combien la détérioration des fonds marins permet le développement de micro-algues, nocives pour le corail, ou qui dégagent même des toxines dangereuses pour la santé humaine. Or chaque année, rappelle Philippe Tirard, ce sont au moins « de 26 à 73 millions de requins qui sont massacrés pour leurs ailerons ».

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