COP21 : le marché de l'art au service de l'écologie ?

Alors que les chefs d'Etat négocieront à la COP21, les artistes se feront les porte-voix de la cause environnementale. Dans un climat particulier...

Par Marine Relinger

Publié le 29 novembre 2015 à 10h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 06h02

La star de l'art contemporain danois Olafur Eliasson devait ériger d'immenses blocs de glace rapportés du Groenland place du Panthéon. Un temps menacés, ils fondront finalement sous nos yeux. En revanche, les Parisiens n'iront pas pédaler sous la tour Eiffel pour produire de l'énergie électrique, à l'appel de l'artiste Yann Toma dont le projet pourrait prendre une autre forme. Parmi les manifestations prévues à l'occasion de la 21e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP21), du 30 novembre au 11 décembre, cette oeuvre est pour l'heure la seule officiellement annulée pour raisons de sécurité.

Pendant les négociations visant un accord entre Etats sur le réchauffement climatique, sur le site du Bourget, transformé en véritable bunker, les artistes devaient être les porte-voix de la cause environnementale auprès du grand public alors que les grandes marches populaires du 29 novembre et du 12 décembre sont interdites. On les entendra moins fort, mais on les entendra quand même. Les installations de Michael Pinsky, à la Villette, ou du couple Ackroyd & Harvey, au Jardin des Plantes, sont, par exemple, confirmées. Tout comme le salon Solutions COP21, où l'on attend près de 50 000 personnes au Grand Palais accueillant des grands noms de l'art contemporain, tels Tomás Saraceno et Lucy + Jorge Orta, qui aura bien lieu. « C'est important pour nous d'être là et de ne pas céder à la peur. Il y a urgence sur la question du climat et, en tant qu'artistes, nous devons informer et mobiliser le public à notre manière », insiste Lucy Orta, qui évoque la problématique des réfugiés climatiques en distribuant ses « passeports universels Antarctique ».

Un marché de relais

Les artistes, ambassadeurs de l'écologie ? L'idée n'est pas nouvelle. Dès 2009, la Conférence sur le climat de Copenhague accueillait déjà quatre grandes expositions sur la question. Cette année, « la France a fait le choix de valoriser les initiatives de la société civile, associations et porteurs de projets », explique Lauranne Germond, directrice de l'association Coal (coalition pour l'art et le développement durable), qui a lancé le site internet ArtCOP21 pour les recenser. Et ils sont nombreux à s'inscrire sur ce nouveau marché de l'écologie, qui n'est pas un marché des oeuvres d'art, mais un marché de relais, d'information et de médiation au service de la cause environnementale. Les financements de ces programmes artistiques pas comme les autres viennent d'ONG, d'institutions internationales, européennes ou nationales, voire d'entreprises privées.

Dans le contexte de la COP21, l'écueil n'est pas toujours évité : des propositions, pleines de bonnes intentions, ne décollent pas de la métaphore. Comme ces lettres de glace formée d'eau polluée qui composent le mot « Réchauffement » (place Fontenoy, 7e). Ou l'oeuvre événementielle de Naziha Mestaoui, qui proposera au spectateur de télécharger une application pour voir grandir, sur la tour Eiffel, un arbre virtuel au rythme des battements de son coeur.

Éviter le consensus mou

L'éco art, du nom de ce courant d'artistes qui se consacrent à la cause écologique, sait pourtant éviter le consensus mou. Parmi les pionniers, l'Argentin Nicolás Uriburu a déversé en 1968 un colorant vert fluo dans le Grand Canal de Venise pour dénoncer la pollution. Et le plasticien-performeur américain Joseph Beuys (1921-1986) a fondé le premier parti vert en Allemagne. Mais à Paris, mis à part Lucy + Jorge Orta et Ackroyd & Harvey, ses grands représentants sont absents. « La COP est avant tout événementielle », déplorent les Américains Helen Mayer et Newton Harrison, qui exposent, via différents médiums, les résultats d'investigations au long cours, notamment au sujet de la montée des eaux. Ces artistes, dont les oeuvres issues de collaborations avec des scientifiques déstabilisent les formats de l'art contemporain, regrettent surtout la frilosité des institutions muséales : « On a une pièce à Pompidou qui est reléguée en réserve, là où ils mettent aussi les artistes femmes », ironise Newton Harrison.

Résultat : seule la Fondation EDF propose un accrochage collectif d'oeuvres sur le thème du climat. On y retrouve Marina Abramovic, Ange Leccia, ou encore Hicham Berrada. « Des plasticiens qui ne travaillent pas seulement sur le thème de l'écologie », reconnaît Camille Morineau, sa commissaire. « Même si, aujourd'hui, le climat devient un sujet pour toute une génération d'artistes, surtout les plus jeunes. Parce qu'il y a un enjeu sociétal mais aussi parce que ce thème permet d'interroger notre nouveau rapport au monde, où le naturel n'est plus perçu comme subi, mais comme le résultat de notre impact sur terre. » Pourtant, durant la grand-messe qu'est la COP21, les autres institutions dédiées à l'art contemporain restent en retrait. Des ateliers pour enfants, une soirée vidéo et un parcours sur le thème du climat dans l'exposition permanente au Centre Pompidou ; quelques oeuvres au Centquatre ; une installation des artistes et architectes Diller Scofidio + Renfro au Palais de Tokyo... Son président, Jean de Loisy, s'en explique : « L'art engagé ne nous fait pas peur, [mais] je n'ai pas l'impression qu'il faille limiter notre intention au moment de la COP, car cette dernière se suffit à elle-même en tant que système de communication. »

“L'art ne doit pas être l'instrument d'un agenda quel qu'il soit”

Cela semble clair, aussi, pour une partie des créateurs : « L'art ne doit pas être l'instrument d'un agenda quel qu'il soit, prévient l'Ecossais Michael Pinsky, qui présente une installation à la Villette. Si mon oeuvre pose la question de la protection de l'environnement, elle n'impose pas un message ou un sens unique », insiste-t-il. Pour éviter toute confusion, certains ont même refusé de participer à la COP21, comme le plasticien Julien Salaud, dont le travail est directement lié à l'écologie, mais qui trouvait le contexte « trop politique ». On peut le comprendre.

COP21, du 30 nov. au 11 déc. Le Bourget (93)

« ArtCOP21 » : tous les événements sur : artcop21.com/fr

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