Terrorisme, la sécurité illusoire des aéroports

Les découvertes effectuées à Roissy, dans les casiers d'employés ayant accès aux avions, montrent que la menace islamiste n'existe pas qu'en Afrique ou à Charm el-Cheikh.

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Le plus grand danger vient moins des passagers que des complicités dans le personnel des aéroports.
Le plus grand danger vient moins des passagers que des complicités dans le personnel des aéroports. © JACK GUEZ

Temps de lecture : 4 min

On savait que certains quartiers de banlieues sensibles étaient devenus des zones de non-droit. On se rend compte maintenant que des vestiaires et parfois des salles de repos du personnel de piste à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle ou à Orly sont, depuis quelque temps, des zones interdites. Même les supérieurs hiérarchiques des employés n'osent plus, dit-on, s'y aventurer, sauf à risquer des conflits. Au point d'avoir décidé la DGSI, les renseignements intérieurs, à ordonner, depuis l'application du plan Vigipirate, des perquisitions dans les casiers de certains membres du personnel ayant un badge « zone réservée ». « Ni drogue, ni armes n'ont été découvertes », a cru se féliciter le préfet chargé de la sécurité des aéroports.

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Casiers perquisitionnés

Dans des zones aussi sensibles, on serait tenté de dire : « Encore heureux. » En revanche, de la littérature islamiste et même de la propagande pour le djihad et l'État islamique ont été trouvées dans 82 des casiers perquisitionnés. Des découvertes qui ont amené les autorités à retirer leur badge de sécurité donnant accès aux pistes à 57 membres du personnel. Et ce n'est qu'un début. Les autorités ont décidé de revoir en détail les 86 000 autorisations de travail sur la zone réservée actuellement accordées au personnel de piste ou à celui des compagnies aériennes de Roissy et d'Orly. C'est le moins qu'elles puissent faire. Il ne faudrait pas oublier que l'attentat au cours duquel un Airbus d'une compagnie russe a explosé au-dessus du Sinaï a eu lieu tout juste treize jours avant l'action sanglante des barbares du Bataclan. Et les responsables de la lutte antiterroriste connaissent mieux que personne la vulnérabilité du transport aérien.

Des complicités

Certes, depuis le 11 septembre 2001, les mesures de sécurité mises en place dans les aéroports ont été renforcées pour contrôler les passagers et leurs bagages. Mais leur mise en place, disent les spécialistes, a surtout permis de rassurer les voyageurs et a eu, au mieux, un effet dissuasif sur ceux qui préparaient un mauvais coup. L'efficacité réelle est plus douteuse : les contrôles à Charles-de-Gaulle n'avaient pas permis de repérer Richard Reid, l'homme qui avait caché des substances explosives dans ses baskets sur un vol Paris-Miami, en décembre 2001. Et ce ne sont pas les agents de sécurité de l'aéroport d'Amsterdam, mais les passagers du vol Northwest Airline 253 à destination de Detroit ont empêché Omar Abdulmutallab de faire exploser le PETN qu'il avait caché dans ses sous-vêtements le jour de Noël 2009. En juin dernier, le TSA, l'organisme américain chargé de la sécurité dans les aéroports a fait un test aussi inquiétant que démoralisant : des équipes anonymes du TSA ont fait passer des armes factices au contrôle de sécurité  dans 70 aéroports américains. Dans trois cas seulement on les a démasqués. Cela dit, les spécialistes de la lutte antiterroriste continuent à penser que le plus grand danger vient moins des passagers que des complicités dans le personnel des aéroports.

Des badges de main en main

Dans l'affaire du vol de Metrojet 9268, les enquêteurs sont persuadés que la cannette explosive et le détonateur à effet barométrique (il se déclenche à une certaine altitude) placés, sans doute, dans les toilettes de l'appareil avaient été introduits par un agent ayant eu accès à l'appareil avant son décollage. Charm el-Cheikh n'est pas, hélas !, le seul aéroport passoire dans le monde. Dans le cadre de la coopération en matière de sécurité aérienne des experts français sont venus faire des briefings au personnel au sol de plusieurs capitales africaines. Ils ont été effarés des réponses – d'une désarmante franchise –  à cette question : vous arrive-t-il de faire passer des bagages « par-dessus bord », sans contrôle de sécurité ni surprime pour excédent de bagages ? Seuls 10 % du personnel interrogé ont répondu « jamais ». Pire, si c'est possible : les experts se sont aperçus dans plusieurs cas que les photos sur les badges de sécurité ne correspondaient pas au porteur du document. Explication : les badges passent de main en main pour permettre à plusieurs membres d'une même famille de profiter des avantages – bakchich ou autres – découlant d'une présence dans la zone réservée des aéroports.

On est loin de 1972

Depuis cette mission, la plupart des compagnies aériennes qui desservent les aéroports en question ont mis en place – quand les gouvernements y ont consenti – un système de double filtre pour le contrôle des bagages et des passagers. Le deuxième filtre étant bien sûr, sous la responsabilité de la compagnie. Cette vulnérabilité du transport aérien doit, malgré tout, être relativisée. Même en période de forte alerte terroriste, la sûreté des voyages en avion n'a cessé de s'améliorer. On est loin de l'année record 1972, où l'agence internationale pour la sécurité aérienne avait répertorié 6 appareils victimes d'explosions criminelles et 52 détournements d'avion. L'attentat qui a coûté la vie à 244 personnes à bord de l'Airbus russe le 30 octobre était le premier réussi par des terroristes depuis 2004. Ce qui implique que beaucoup ont été déjoués.

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Commentaires (18)

  • sica

    Un certain M Macron, ministre, s'est fait recadrer parce q'il a parlé de terreau favorable au terrorisme islamiste.
    Une seule chose est sûre : les islamistes, comme les coucous, font leur nid au milieu de notre société ouverte. Notre système de pensée, mélange du compassionnel chrétien, de l'égale valeur des civilisations et de l'excuse sociale issue du marxisme, laisse un boulevard à ceux de nos ennemis qui pensent, eux, l'exact contraire.
    Désormais, sur notre sol, aux extrémistes à tendance totalitaire issus directement de notre civilisation, se sont ajoutés les extrémistes issus du totalitarisme religieux. Islamiste.
    C'est ce qu'on appelle un terreau favorable aux idées totalitaires (et aux actions, pour les plus "avancés").

  • Le sanglier de Génolhac

    N'a pas de prix... Surtout la paix sociale. J'ai vécu ce problème en entreprise il y a déja trés longtemps, mais là, les revendications se limitaient à installer dans les cantines de chantier deux frigos séparés. Un pour le cochon et un autre pour le reste. Ca c'était il y a quarante ans. Et avant mon départ à la retraite (mars 2013) là c'était autre chose : Un employé déroulait le tapis de prière dans le réfectoire, refusait tout contact avec le personnel féminin etc. , etc. Le sachant endetté, je m'en suis débarrassé par une rupture conventionnelle assortie d'une indemnité correcte (saisie par le fisc, mais ça c'est une autre histoire ! ). J'avais raconté ceci ici-même et certains m'avaient qualifié d'affabulateur. On voit aujourd'hui jusqu'où la gangrène (appelons les choses par leur nom) s'est propagée. Et encore, les médias, sur injonction des politiques, ne nous livrent-ils que la version "ad usum delphini", parce que dans la réalité...

  • unpeudesens

    Nos politiciens sont des naïfs ou des menteurs. Notre bureaucratie qu'ils ont savamment mise en œuvre depuis des décennies participent à la désinformation des décideurs politiques. Le peuple sait ce qui se passe dans les cités, et partout sur le territoire. On sait l'illettrisme, on sait l'entrisme des extrémistes musulmans, on sait les mensonges politiciens, de tous bords, on sait notre pays mal gouverné, on sait les laissés pour compte définitif... Pourvu que ça dure !