Inde - L'ambitieuse qui n'accepte pas de ralentir sa croissance

"L'Inde fait partie des pays qui risquent de faire capoter la COP 21. Son gouvernement est très réactionnaire sur la question climatique", estime François Gemenne, chercheur à Sciences Po Paris et spécialiste des migrations climatiques. Pourtant, l'ambition de la contribution indienne, annoncée en amont de la COP 21, a été saluée, notamment sur le plan énergétique. "Nous voulons des énergies renouvelables", tweetait le Premier ministre Narendra Modi récemment.

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Oui, mais cette ambition est aussi une stratégie, visant à pousser les pays développés dans leurs retranchements à Paris. Car l'Inde exige dans le même temps plus de "justice climatique"... et prévoit le doublement de sa production de charbon, seule énergie disponible sur place, d'ici 2020. "Le reste est importé. Il faudra donc trouver des mécanismes puissants pour les aider à investir dans les énergies renouvelables", décrypte Amy Dahan, spécialiste des négociations climatiques au CNRS. En clair, "personne n'empêchera l'Inde de se développer".

Les lignes rouges à ne pas franchir, sous peine de voir l'Inde rejeter la responsabilité d'un échec sur les pays développés, seront au coeur de la rencontre entre Narendra Modi et Barack Obama, dès le lundi 30 novembre, premier jour de la COP 21. Le président américain doit aussi rencontrer son homologue chinois, Xi Jinping. Une façon d'indiquer à l'Inde que son poids dans les négociations est pris en considération et comparable à celui de la Chine, aux yeux des Etats-Unis.

Chine - Le cancre qui se voit en "puissance responsable"

La Chine, deuxième économie mondiale et premier pollueur de la planète, reste un cancre en matière environnementale. Elle "émet déjà plus de gaz à effet de serre (GES) par habitant que l'Union européenne, malgré un stade de développement inférieur", rappelle Les Echos. Dans le même temps, "la Chine envoie des signaux positifs inespérés", reconnaît François Gemenne. Elle s'est engagée à inverser la tendance "autour de 2030", avec l'intention "d'essayer d'y arriver plus tôt", lors de la signature d'un accord inédit avec les Etats-Unis en novembre dernier.

"Depuis, la Chine se fait plus discrète. Elle laisse les autres monter au créneau, sans les brider", constate Amy Dahan. Car le pays "se projette comme une puissance responsable qui veut avancer, comme le leader du monde en développement", poursuit la spécialiste. Associée au bloc de 133 pays en développement et gros émergents rassemblées au sein du "Groupe des 77", elle "conserve sa singularité", note Libération. D'où le "+" de l'expression "G77 + Chine", l'une des nombreuses coalitions qui composent la géographie mouvante des négociations. A elle seule, elle représente 80 % de la population mondiale.

Dès le premier jour de la COP 21, le président chinois devrait répéter la ligne de conduite de son pays à Barack Obama lors de leur rencontre bilatérale. La Chine plaide pour la "responsabilité différenciée", en termes un peu moins intransigeants que l'Inde, mais tout de même. En clair, les pays développés doivent fournir financements et technologies aux pays en développement, dans la mesure où ils ont "historiquement contribué davantage au changement climatique", rappelait récemment le vice-ministre des Affaires étrangères Liu Zhenmin.

Arabie saoudite - Le royaume pétrolier qui aime le

L'Arabie saoudite, comme les autres pays pétroliers, a tardé à remettre sa contribution avant la COP 21. Et ce n'est pas un hasard. Leader de fait du "Groupe arabe", le royaume a clairement "intérêt au statu quo", selon François Gemenne. Certes, il promet une réduction de ses émissions de GES, c'est une concession. Mais il reste suffisamment flou sur l'objectif pour ne pas se sentir lié. Et son engagement reste conditionné à "une économie qui continue à se diversifier et croître" et à "une part importante des revenus pétroliers à l'export dans l'économie nationale".

"L'Arabie saoudite commence à comprendre que la transition mondiale vers les énergies renouvelables est inéluctable", a commenté Célia Gautier du réseau d'ONG Climate action network. "Va-t-elle accepter que cette transition mondiale s'accélère pour viser l'abandon des combustibles fossiles - pétrole, gaz, charbon - d'ici le milieu du XXIe siècle? Rien n'est moins sûr". Et ce, alors même que trois quarts du territoire saoudien souffriraient d'une sécheresse accrue si le réchauffement climatique n'est pas endigué, selon Climate Action Tracker.

Pays en développement et insulaires - Les plus vulnérables qui haussent le ton

Les pays en développement et les petits Etats insulaires, en première ligne des conséquences du changement climatique, "ont gagné un vrai poids" ces dernières années, estime François Gemenne. Il s'agit des pays les plus vulnérables, comme les Philippines ou le Bangladesh, regroupés dans les Pays les Moins Avancés (PMA). Pas assez écoutés lors de la COP 15 à Copenhague, qui s'est soldée par un échec, ils espèrent se faire entendre davantage... tout en se sentant encore laissés de côté dans les négociations.

"Ces 48 pays à forte démographie ne veulent pas seulement investir dans la "décarbonisation" de leur économie. Ils doivent aussi faire face aux risques accrus de tornades, d'inondations, de submersion...", explique Amy Dahan. Pour eux, limiter le réchauffement climatique à +2°C, c'est déjà trop. Et les 100 milliards par an que les pays riches ont déjà bien du mal à rassembler malgré leur promesse de Copenhague, "ce ne serait même pas suffisant...", ajoute la chercheuse.

>> COP21: "Les pays du Sud se sentent mis de côté dans les négociations climatiques"

Etats-Unis - Le président qui n'a plus rien à perdre

En août, Barack Obama présentait son "Clean Power Plan" visant à faire reculer la part du charbon et accroître celle des énergies renouvelables aux Etats-Unis, deuxième pollueur mondial. Plus tard, il plaidait en Alaska pour l'urgence climatique. "Nous n'avançons pas assez vite. Le climat change plus rapidement que nos efforts pour y répondre!" Et après les attentats de Paris, Barack Obama a rapidement confirmé sa venue à la COP 21, afin de "montrer que nous n'avons pas peur" des terroristes et que "rien ne nous empêchera de construire un meilleur avenir pour nos enfants".

Ces sorties médiatiques souffrent deux bémols. D'abord, les activistes environnementaux dénoncent "l'hypocrisie" de Barack Obama qui, dans le même temps, poursuit sa politique de forages pétroliers. Et puis c'est le Congrès qui tient la haute main sur ces questions aux Etats-Unis. Or il est dominé par les républicains qui affichent leur volonté de "refroidir" les ardeurs de Barack Obama. Reste que, après deux mandats et moins d'un an avant la prochaine élection présidentielle, "Barack Obama n'a plus rien à perdre", estime François Gemenne. Une raison d'espérer du concret, en plus du lyrisme?

Canada et Australie - Les nouveaux élus qui apportent un peu de fraîcheur

"Dans ces deux pays, les ex-dirigeants climato-sceptiques ont été sortis", rappelle le chercheur français. En Australie, dernier pays industrialisé à ratifier le protocole de Kyoto en 2007, Tony Abbott a été renversé par un vote du parti conservateur en septembre, au profit de Malcolm Turnbull, favorable à une régulation des émissions de GES. Et au Canada, la victoire des libéraux a porté Justin Trudeau au pouvoir, au détriment de Stephen Harper qui considérait le protocole de Kyoto comme un "complot socialiste".

Longtemps estampillés comme "mauvais élèves face au défi climatique" au sein du "groupe parapluie", selon Libération, ces deux pays voient en la COP 21 l'occasion d'un retour plus positif sur la scène internationale. Pour Malcolm Turnbull et pour Justin Trudeau (qui doit rencontre Laurent Fabius, président de la COP 21 ce dimanche), ce rendez-vous représente aussi une tribune de choix.

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