CLIMAT - La conférence climatique de Paris (COP 21) s'ouvre sous haute surveillance et les États affichent tous la même ambition: à l'heure où l'urgence climatique devient cruciale, Paris ne doit pas reproduire l'échec de Copenhague. La communauté internationale et la société civile, qui s'annoncent très mobilisées à Paris, manquent cependant d'outils pour agir sur les politiques environnementales et accroître l'ambition des accords pris par les gouvernements. Si la tâche paraît ardue, les Pays-Bas pourraient cependant avoir trouvé la solution: la justice climatique.
Des citoyens font condamner leur propre pays
C'est une première mondiale qui a fait date dans la lutte contre le changement climatique. En juin 2015, un tribunal néerlandais de La Haye a condamné l'État néerlandais lui-même pour avoir manqué à ses obligations environnementales. Selon les estimations du tribunal, si les Pays-Bas poursuivent leur politique, le pays ne réduira ses émissions de gaz à effet de serre que de 14 à 17% d'ici 2020. Insuffisant pour la justice néerlandaise. Se basant sur les conclusions du dernier rapport du Groupe International d'Experts pour le Climat (GIEC), le tribunal a exigé du gouvernement la mise en place d'une politique visant à réduire effectivement d'ici 2020 les émissions de ces gaz à hauteur de 25% par rapport à leur niveau de 1990. La contribution néerlandaise à la COP 21 devra également respecter ces principes. La justice néerlandaise a ainsi donné raison à une initiative citoyenne de 886 néerlandais, portée par l'ONG environnementale Urgenda, réclamant une réduction des émissions de gaz à effet de serre et la qualification du réchauffement climatique de "violation des droits de l'Homme".
Alors que l'urgence climatique est toujours plus sensible et que les États peinent à prendre des engagements ambitieux à l'aune de la COP 21, les citoyens néerlandais auraient-ils trouvé la clé du succès? Si des dizaines de plaintes similaires avaient été déposées dans différents pays depuis 15 ans, elles n'avaient jusqu'alors jamais abouti. Le tribunal néerlandais a quant à lui considéré les politiques climatiques comme un devoir de l'État, qui se doit de lutter contre le danger représenté par le changement climatique et contre les menaces qu'il fait peser sur les citoyens. Cette approche juridique du changement climatique apparaît comme une alternative pragmatique aux négociations des conférences climatiques.
Réussir la COP 21: un enjeu vital pour les Pays-Bas
La démarche néerlandaise repose moins sur une approche idéologique du réchauffement climatique que sur une interprétation large des obligations de l'État, prévues par les textes et traités internationaux et par ses propres lois nationales. Si l'État n'est pas responsable de l'émission des gaz à effet de serre, il a, selon le tribunal "le devoir et le pouvoir d'influencer la quantité d'émission" et de remplir sa mission essentielle: la protection de son territoire et de ses citoyens. Les Pays-Bas sont en effet particulièrement dépendants de l'accord climatique qui sera pris à Paris en décembre prochain.
Le réchauffement climatique et ses conséquences font peser de lourdes menaces sur le pays. Avec 26% de son territoire situé sous le niveau de la mer, la montée du niveau des océans est un problème crucial. Si les Néerlandais ont construit un puissant réseau de 3500 km de digues et de 250 km de dunes constamment surveillés et renforcés, l'inquiétude demeure quant à sa capacité à résister à une forte montée du niveau des océans et une aggravation des phénomènes météorologiques, du fait du changement climatique. Il n'est donc pas étonnant que ce pays, si vulnérable aux assauts de la mer du Nord, ait été le premier à considérer que la protection de l'environnement était une prérogative de l'État et qu'il devait à ce titre l'assumer. Les Pays-Bas posent ainsi, à la veille de la COP 21, les premières bases d'une justice climatique.
Sauver le climat par le droit
La plainte déposée par l'ONG Urgenda et sa directrice, Marjan Minnesma, ancienne collaboratrice de Greenpeace, s'inscrit dans un large et ambitieux mouvement auquel la décision du tribunal de La Haye ouvre de nouvelles perspectives. Cette action s'est en effet inspirée du livre La Révolution par le droit de l'avocat néerlandais Roger Cox, présentant le droit comme un outil de lutte pour les enjeux climatiques. Selon sa théorie, la communauté internationale semble d'accord sur la nécessité d'agir rapidement: il faut donc contraindre, par des actions en justice, les États à prendre des engagements plus ambitieux en accord avec les négociations menées au niveau international. Pour lui, « seule la loi pourra maintenant nous sauver » du danger climatique. De même, les Principes d'Oslo, présentés en mars 2015 par un groupe de juristes et de magistrats du monde entier, vont dans le même sens en regroupant des arguments juridiques visant à faciliter le recours contre les États ne remplissant pas leurs obligations climatiques.
La nouvelle bataille environnementale se déroulera-elle dans les tribunaux? Une action en justice contre l'État est également portée en Belgique par l'ONG Klimaatzaak- Action pour le Climat sous le dont 9000 citoyens sont déjà signataires. D'autres pays se préparent à présent à des recours similaires. Si la décision néerlandaise fait date, elle n'est donc que le premier jalon d'une nouvelle bataille environnementale: celle de l'émergence d'une justice climatique. Cette approche juridique des enjeux environnementaux ouvre de nouvelles perspectives et met en lumière de nouveaux outils à l'approche de la conférence climatique de Paris.
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