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Législatives

En Espagne, un inédit débat électoral sur Internet

Pablo Iglesias, Albert Rivera et Pedro Sanchez, trois candidats aux législatives générales du 20 décembres en Espagne, ont participé hier à un débat organisé en ligne par le journal El Pais.
par François Musseau, MADRID, de notre correspondant
publié le 1er décembre 2015 à 7h28

Pedro, Pablo et Albert. Pendant deux bonnes heures de débat, les trois candidats se sont appelés par leurs prénoms, se sont systématiquement tutoyés, ont tenté de montrer entre eux une proximité qu'ils voudraient être celle qui les rapproche de l'homme de la rue. Lundi soir, à l'initiative du quotidien de référence El Pais, sur un plateau de télévision improvisé et relayé en ligne par des chaînes privées (Antena 3 ou telecinco), un débat électoral sans précédents a eu lieu.

Trois semaines avant les législatives générales du 20 décembre, en retransmettant sur Internet les premières joutes dialectiques entre les principaux candidats, El Pais a su «coller» à son époque avec un notoire succès médiatique. Le chef de file socialiste Pedro Sanchez, le secrétaire général de Podemos Pablo Iglesias et le leader de Ciudadanos Albert Rivera se sont livrés à un affrontement enlevé, piquant, parfois véhément, en tout cas bien moins corseté que les précédents débats électoraux.

L’événement a brillé par une absence très remarquée, celle du chef du gouvernement conservateur. Mariano Rajoy, au pouvoir depuis fin 2011, était acquis à un traditionnel numéro de duettiste télévisé face au candidat socialiste, mais rétif à un bras de fer à quatre qui, selon lui, ne jouerait pas en sa faveur.

Il traduit cependant le bouleversement qui s'est produit sur l'échiquier espagnol depuis l'irruption des «Indignés» en mai 2011 sur la scène publique. Ce mouvement de colère contre les coupes drastiques dans les dépenses publiques et les scandales de corruption a donné naissance à deux mouvements pariant sur une «régénération démocratique» : Podemos, une sorte de Syriza espagnol, et Cuidadanos (Citoyens), des libéraux «attachés» aux services publics. Selon un récent sondage publié par El Mundo, Podemos bénéficierait de 17% des intentions de vote, et Ciudadanos de 23%, soit une proportion très proche du parti Populaire, au pouvoir, et des socialistes. Fini l'hégémonie popular-socialista, place à une concurrence acharnée entre quatre partis de force comparable.

Au cours du débat, les trois jeunes candidats (ils ont entre 36 et 43 ans) ont logiquement tenté de souligner leurs différences. Pedro Sanchez, costume sans cravate, inconnu du grand public il y a encore un an, a mis en exergue sa volonté de renforcer les lois contre la violence conjugale et de promouvoir une législation «pour une pleine parité salariale»; se posant en moralisateur de la vie politique, costume-cravate, Albert Rivera a promis «un pacte national contre la corruption», qui obligerait notamment tous les politiques mis en examen à ne plus exercer leurs fonctions -de façon provisoire; quant à Pablo Iglesias, sans costume ni cravate, le politologue à la queue-de-cheval, il a insisté sur la lutte contre la fraude fiscale qui permettrait, à ses yeux, de renflouer les caisses publiques telles qu'elles étaient avant la crise.

Pourtant, au-delà des différences, des incessantes querelles et des attaques personnelles, les trois hommes ont défendu ensemble la nécessité de modifier la très libérale réforme du travail mise en place par le gouvernement conservateur et, plus généralement, celle de «rapprocher la politique du citoyen». En refusant de participer au débat, Mariano Rajoy a, lui, accentué son image de technocrate éloigné du peuple.

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